A Kaboul, d'anciens employés afghans de la coopération française se disent «oubliés»

D'anciens interprètes de l'armée française demandent des visas, le 28 mai à Kaboul (Photo, AFP).
D'anciens interprètes de l'armée française demandent des visas, le 28 mai à Kaboul (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Samedi 21 août 2021

A Kaboul, d'anciens employés afghans de la coopération française se disent «oubliés»

  • Une page Facebook intitulée «Les oubliés de Kaboul» a été créée mercredi par plusieurs de leurs anciens collègues
  • «Monsieur Emmanuel Macron, nous étions vos collègues, nos droits sont perdus par l'ambassade, nous sommes en danger» peut-on y lire

PARIS: Un "appel au secours" a été lancé cette semaine depuis l'Afghanistan par une dizaine d'anciens employés de la coopération française ayant travaillé plusieurs années sur des projets de l'ambassade de France mais qui disent avoir vu leurs demandes de visa refusées et vivent terrés chez eux face aux possibles représailles des talibans.

Une page Facebook intitulée "Les oubliés de Kaboul" a été crée mercredi par plusieurs de leurs anciens collègues. 

Ces anciens employés ont lancé un appel de détresse dans une vidéo et une photo postées en Une de la page Facebook, où l'on peut voir leurs enfants portant des affichettes indiquant "Monsieur Emmanuel Macron, nous étions vos collègues, nos droits sont perdus par l'ambassade, nous sommes en danger".   

Leurs pères se cachent le visage avec des photocopies de "leurs contrats de travail et leurs cartes de services de l'ambassade", ont-ils précisé. 

Tous ont travaillé entre quatre et 13 ans pour des projets français, comme chauffeurs, informaticien, enseignant. Parmi eux certains sont issus de la minorité hazara, persécutée par les talibans. L'AFP a pu vérifier auprès de tiers la véracité de leurs CV. 

"C'était très dangereux de sortir dans Kaboul pour se réunir et faire ces photos et vidéo", témoigne dans un bon français l'un de ses ex-employés, Ehsan (prénom modifié pour raisons de sécurité), 47 ans, joint par l'AFP par téléphone à Kaboul. 

"Les talibans sont actifs sur les réseaux sociaux, nous avons pris des risques en faisant cette vidéo", renchérit Ahmad (prénom modifié), 34 ans, joint également à Kaboul. Ce dernier, enseignant et issu de la minorité hazara, a travaillé au sein d'un projet de l'ambassade de 2011 à 2015 comme coordinateur scientifique associé, notamment pour la modernisation de l'enseignement des sciences dans le primaire.   

Au printemps, craignant l'avancée menaçante des talibans, ces ex-employés ont contacté l'ambassade de France pour solliciter des visas pour fuir de possibles représailles, mais disent avoir reçu une fin de non recevoir, car n'ayant pas travaillé pour l'ambassade "en 2018 et après". 

Dans un texte transmis à l'AFP, leurs anciens collègues rappellent que la "coopération française a financé depuis 2002 de nombreux programmes éducatifs dont un projet emblématique dans les deux grands lycées de Kaboul (Esteqlal, lycée de garçons) et le lycée pour filles de Malalai".

"Trous dans la raquette"

Selon le texte, la "France a tenu ses promesses pour la très grande partie du personnel, accueilli en France, mais il reste des +trous dans la raquette+ qui ont des conséquences tragiques". 

"D'anciens employés (...) n'ont pas été inclus dans les listes qui ont apparemment été établies à partir d'une date, 2018, période à laquelle il fallait travailler pour la France. Ceux qui ont perdu leur emploi (fin des projets) ou l'ont quitté n'auraient pas été comptabilisés comme ayant travaillé pour la France", relève le texte. 

Contacté par l'AFP, le ministère français des Affaires étrangères a rappelé que Paris a "accueilli en France, entre mai et juillet dernier, les employés afghans des structures françaises en Afghanistan, soit 625 personnes représentant 152 familles. Nous mettons tout en œuvre actuellement pour continuer, dans des conditions exceptionnellement difficiles, de mettre en protection des Afghanes et Afghans qui seraient menacés à raison de leurs liens avec notre pays", sans plus de précisions pour l'instant.

Les talibans empêchent des fonctionnaires de reprendre le travail

Les fonctionnaires ont été empêchés de retourner travailler dans les bâtiments publics par les talibans, alors que la semaine de travail reprend le samedi en Afghanistan, ont indiqué plusieurs d'entre eux à l'AFP.

"Je suis allé à mon bureau ce matin, mais le taliban qui était à l'entrée m'a dit qu'il n'avait pas reçu l'ordre de rouvrir", a indiqué Hamdullah, un fonctionnaire kabouli. "Ils nous ont dit de regarder à la télé ou d'écouter à la radio l'annonce de la reprise du travail", a-t-il ajouté.

"Les talibans ont fermé toutes les routes jusqu'au ministère. Ils n'autorisent personne à entrer dans le bâtiment", a de son côté indiqué un employé du ministère des Affaires étrangères afghan. "L'un d'entre eux m'a dit d'attendre jusqu'à la nomination du nouveau ministre et de ses directeurs."

"Ils nous ont renvoyés chez nous", a confirmé un fonctionnaire de la mairie de Kaboul. "Je suis venu avec beaucoup d'espoir mais suis reparti déçu."

Depuis que les talibans ont pris le pouvoir le 15 août, les bâtiments gouvernementaux, les banques, les bureaux des passeports, les écoles et les universités sont restés largement fermés. Seules quelques entreprises privées de télécommunication ont fonctionné ces derniers jours.

Les talibans n'ont toujours pas formé de gouvernement après avoir conquis le pays à une vitesse folle et s'être emparés de Kaboul sans opposition.

Depuis l'effondrement du gouvernement, l'une des principales préoccupations des Afghans est de continuer à percevoir un salaire, ce qui semble impossible sans un maintien de l'activité.

La plupart des routes de la capitale étaient en grande partie désertes samedi, à l'exception des postes de contrôle des talibans, de leurs patrouilles et des axes menant à l'aéroport, des milliers d'Afghans cherchant à fuir le pays.

Ehsan, qui a travaillé comme informaticien et professeur d'informatique au sein des deux lycées de 2003 à 2016, explique avoir envoyé 14 mails à l'ambassade depuis le printemps. "On a des contrats, des attestations, des recommandations ... mais personne ne nous écoute. Ma famille et moi on a peur, on ne dort plus", confie ce père de cinq enfants. Récemment, il travaillait dans le commerce et donnait des cours d'informatique. Mais ces derniers jours, il reste terré chez lui. 

"Que ce soit avant ou après 2018, pour nous c'est pareil... on a travaillé avec des étrangers" aux yeux des talibans, lâche-t-il. "J'ai passé 13 ans de ma jeunesse avec l'ambassade de France; peut-être que si j'avais travaillé pour un autre pays européen, j'aurai pu quitter Kaboul aujourd'hui".

Peur d'être "repérés"

Lundi, au lendemain de l'entrée des talibans dans Kaboul, certains de ces ex-employés et leurs familles ont fui leurs maisons pour s'installer dans la rue devant l'ambassade de France pour essayer de faire valoir leur demande, en vain. "Nous sommes restés toute la nuit jusqu'au matin avec les enfants, c'était dur", témoigne Ehsan.

Rentrés chez eux depuis, ils ont peur d'avoir été "repérés" par des talibans qui circulaient autour de l'ambassade. Une crainte renforcée après la publication d'un document confidentiel de l'ONU démontrant que les talibans ont intensifié leur traque des Afghans ayant travaillé avec les forces étrangères.

"J'ai travaillé 4 ans pour l'ambassade de France, je suis déçu...", lâche pudiquement Ahmad, ému. "Je ne voulais pas quitter mon pays, mais je me sens vraiment en danger".  

Leurs anciens collègues relèvent qu'"établir des listes d'accueil est un exercice douloureux et ouvert aux erreurs, aux oublis (...) mais ce petit groupe n'a pas été entendu, jamais reçu et ce depuis des mois". "La France a tenu ses promesses en grande partie mais a oublié un nombre d'anciens employés", qui "ont embrassé à un moment ou un autre les valeurs que la coopération française entendait défendre".


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Short Url
  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Short Url
  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Short Url

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.