Cloîtrés dans leurs maisons, certains Afghans redoutent la vengeance des talibans

Des Afghans attendent devant l'aéroport international Hamid Karzai de Kaboul dans l'espoir de fuir le pays. (Photo, Reuters)
Des Afghans attendent devant l'aéroport international Hamid Karzai de Kaboul dans l'espoir de fuir le pays. (Photo, Reuters)
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Publié le Samedi 21 août 2021

Cloîtrés dans leurs maisons, certains Afghans redoutent la vengeance des talibans

  • Les archives de l'ambassade américaine montrent que 152 personnes sont mortes dans des assassinats ciblés entre décembre et juillet
  •  «Ce que nous voyons, c'est une campagne d'intimidation des gens en se rendant chez eux, à leur recherche»

AFGHANISTAN : Lorsque des membres armés des talibans afghans ont frappé à la porte de leur appartement à Kaboul, les 16 personnes d’une même famille se trouvant à l'intérieur s'étaient entassée dans la salle de bain.

Ils ont éteint les lumières et les téléphones portables et ont couvert la bouche des enfants pour les faire taire.

Ils ne savaient pas à quoi s'attendre, mais ne voulaient prendre aucun risque.

Deux membres de la famille avaient déjà été tués ces dernières années et ils avaient assisté à la vague d'assassinats à travers l'Afghanistan au cours des 12 derniers mois que le gouvernement afghan déchu a imputé aux insurgés talibans.

Rien qu'à Kaboul, les archives de l'ambassade américaine montrent que 152 personnes sont mortes dans des assassinats ciblés entre décembre et juillet. Les archives n'attribuent pas le blâme pour les décès ; les talibans, alors en lutte contre le gouvernement, ont en grande partie nié toute implication.

«Les membres de ma famille ont peur. Chaque seconde, ils voient une voiture passer sur la route, ils courent aux toilettes », a déclaré le membre de la famille, qui essaie de faire sortir ses proches du pays et fait appel à plusieurs gouvernements pour leur obtenir des visas.

«La nourriture est limitée et les prix ont augmenté», a-t-il ajouté. «La situation de ma famille est terrible».

La scène, racontée par un parent qui vit à l'étranger et qui a refusé d'être identifié par crainte de mettre en danger sa famille, s'est répétée dans des foyers à travers le pays depuis que les talibans ont commencé à s’emparer des villes, une après l’autre, dans une avance fulgurante.

Des militants, des femmes, d'anciens responsables, des journalistes, d'anciens soldats et des membres d'agences de renseignement aujourd'hui disparues pensent qu'ils ont des raisons de craindre pour leur sécurité, malgré les assurances des talibans qu'ils ne cherchent pas à se venger et qu'ils garantiront des droits aux femmes.

L'application brutale par les talibans de leur version rigoriste de la loi islamique lors de leur dernier passage au pouvoir en est une des raisons. Plus frais encore dans la mémoire est la mort de dizaines de personnes travaillant pour maintenir une version libérale de l'Islam en Afghanistan au cours de l'année passée.

Les flux de médias sociaux ont commencé à présenter des vidéos granuleux de téléphones portables d'hommes armés fouillant des maisons ou frappant des gens dans la rue. Reuters n'a pas pu les vérifier de manière indépendante, mais ils ont ajouté au climat de peur parmi les personnes piégées dans des maisons à la recherche d'informations en ligne.

Un porte-parole des talibans n'a pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires sur les perquisitions en porte-à-porte cette semaine et les tactiques d'intimidation.

Lors de leur première conférence de presse depuis leur prise de pouvoir, les talibans ont déclaré que les femmes seraient autorisées à travailler conformément à la loi islamique, que les ONG devraient continuer à faire leurs travaux et que le mouvement n'était pas là pour régler des comptes.

Cela n'a guère rassuré certains Afghans.

Reuters a parlé à quatre familles cachées en Afghanistan.

L'un des deux responsables gouvernementaux qui ont parlé sous couvert d'anonymat a révélé que lui et sa famille avaient essayé de prendre un vol au départ de Kaboul le week-end dernier au moment où les talibans étaient aux portes de la capitale, mais ils ont échoué.

«Il n'y a pas de confiance», a-t-il signalé, se référant aux commentaires publics des talibans plus tôt dans la semaine.

Des milliers de personnes tentent de fuir et les gouvernements occidentaux ont assuré qu'ils s'efforceraient d'évacuer les gens de Kaboul, mais il y a eu un chaos à l'intérieur et autour de l'aéroport où les forces américaines sont à l'intérieur du périmètre et les gardes talibans à l'extérieur.

Un autre ancien responsable du gouvernement a déclaré que les talibans semblaient connaître les détails de son travail et de ses biens lorsqu'ils sont venus l'interroger. Il a affirmé que sa voiture avait été prise et qu'il a depuis préféré de se cacher.

«Ce que nous voyons, c'est une campagne d'intimidation des gens en se rendant chez eux, à leur recherche», a indiqué Thomas Ruttig, codirecteur de l'Afghanistan Analysts Network (AAN).

«Pas nécessairement pour les arrêter ou les tuer, mais c'est déjà assez effrayant, et cela montre aussi qu'ils ont préparé des listes et savent quelles personnes ils recherchent».

Selon Ajmal Omar Sinwari, porte-parole des forces de sécurité afghanes avant leur défaite, les plus menacés étaient les troupes des forces spéciales et la police, ainsi que le personnel de la brigade antiterroriste.

Un rapport de renseignement norvégien partagé avec les Nations Unies a dévoilé que les talibans rassemblaient des responsables de l'armée, de la police et du renseignement, et qu'ils arrêteraient les membres de la famille de toute personne qui ne se présenterait pas pour un interrogatoire.

Amnesty International a annoncé qu'une enquête a révélé que les talibans avaient assassiné neuf hommes de l'ethnie Hazara après avoir pris le contrôle de la province de Ghazni le mois dernier, faisant craindre que les talibans, dont les membres sont pour la plupart des musulmans sunnites, ne ciblent les Hazaras, généralement de la minorité chiite.

Le radiodiffuseur public allemand Deutsche Welle a également affirmé que des membres des talibans traquant l'un de ses journalistes avaient abattu un membre de sa famille et grièvement blessé un autre, ajoutant que trois autres de ses journalistes avaient vu leur domicile perquisitionné.

Les porte-parole des talibans n'ont pas répondu aux demandes de commentaires sur ces rapports.

Une militante des droits des femmes qui vit à Kaboul a indiqué que la plupart des femmes qu'elle connaissait avaient tenté de fuir le pays ou s'étaient complètement cachées. Elle a ajouté que beaucoup d’entre elles essayaient de faire disparaître leur empreinte numérique.

En quelques jours, les femmes ont cessé de communiquer, même en privé, en supprimant leurs profils Facebook et en quittant les groupes WhatsApp.

« Elles croient que les talibans pourraient vérifier leurs comptes sur les réseaux sociaux».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.