ALEXANDRIE: Un jeune journaliste, enlevé à Sanaa, est détenu depuis plus d’une semaine par la milice houthie au Yémen. Cette dernière durcit sa répression contre les intellectuels, les journalistes et les militants sur les réseaux sociaux.
Après avoir kidnappé Younis Abdel Sallam, la milice houthie soutenue par l’Iran a attendu plus de dix jours avant d’informer un avocat local de son lieu de détention: c’est ce qu’a déclaré sa famille jeudi dernier à Arab News.
«Younis se trouve au bureau du service de renseignements», affirme un proche, qui préfère garder l’anonymat. «Nous ne savons pas pourquoi il a été arrêté et ils refusent de répondre à nos appels.»
Abdel Majid Sabra, un avocat chargé de la défense des personnes enlevées dans les prisons houthies, explique que les journalistes arrêtés subissent de mauvais traitements dans le service de renseignements en question. Il a donc lancé un appel aux associations de défense des droits de l’homme et aux militants locaux, dont le syndicat des journalistes yéménites, pour faire pression sur la milice houthie afin qu’Abdel Sallam soit immédiatement relâché.
«Le syndicat des journalistes devrait œuvrer par tous les moyens possibles à sa remise en liberté», écrit-il sur Facebook.
Abdel Sallam est originaire de la ville de Ta’izz, dans le sud du pays. Il vit à Sanaa depuis plusieurs années. En 2017, il sort diplômé de la faculté des médias de l’université de Sanaa. Il n’est pas particulièrement connu, mais il a publié sur les réseaux sociaux des messages dans lesquels il critiquait la milice houthie.
«Dès que l’un de leurs prédicateurs hausse le ton dans une mosquée voisine pour mettre en garde contre les États-Unis et Israël, la milice prend pour cible les zones peuplées de Marib», écrit-il sur Facebook le 10 juin dernier, dénonçant le fait que les Houthis ont lancé une offensive contre la ville centrale de Marib en ciblant des zones résidentielles. «Comment des êtres humains normaux peuvent-ils coexister avec eux?», s’interroge-t-il.
Haytham al-Chihab, l’un des cinq journalistes yéménites libérés des prisons houthies lors d’un échange de prisonniers qui s’est déroulé au mois d’octobre dernier, a vécu une expérience terrible derrière les barreaux. Selon lui, Abdel Sallam a été placé en cellule d’isolement et on l’a soumis à des interrogatoires musclés. Son nom a même été remplacé par un nombre sur les documents.
«Les soirs du premier mois de détention seront très difficiles. Il sera épuisé par les interminables interrogatoires et les accusations sans fondement. Cela le privera de sommeil», précise Al-Chihab.
Les Houthis ne prennent pas uniquement pour cibles des journalistes. Selon les habitants de Sanaa – la capitale du Yémen, actuellement aux mains de la milice –, ils auraient enlevé l’intellectuel et homme d’affaires Oussama al-Chibami il y a plusieurs semaines et refuseraient de révéler le lieu où il est détenu. Ses amis et ses étudiants accusent les Houthis de s’être attaqués à un homme qu’ils décrivent comme bon, apolitique et sans ennemis. Ils exigent sa libération immédiate.
Le 4 août, des inconnus armés ont tué Mohammed Ali Naïm, qui enseignait à l’université de Sanaa, alors qu’il quittait la maison d’un ami, dans la capitale. Ce meurtre a eu lieu peu de temps après qu’il a publié un message sur les réseaux sociaux qui appelait les Houthis et le gouvernement yéménite à augmenter les salaires des employés. Les miliciens nient toute responsabilité; ils prétendent avoir arrêté un homme qui aurait avoué être responsable de ce crime, dont le motif serait une querelle ancienne.
Les habitants des autres régions contrôlées par les Houthis, comme Amran et Dhamar, soutiennent que la milice a enlevé plusieurs journalistes ainsi que des militants qui utilisent les réseaux sociaux parce qu’ils ont critiqué la manière dont elle réprime les chansons et les mariages, dénonçant également la corruption de ses responsables.
Les analystes et les autorités affirment que le Yémen connaît le plus grand déplacement de journalistes et de militants de son histoire depuis que les Houthis se sont emparés du pouvoir en 2014.
Najib Ghallab, sous-secrétaire au ministère yéménite de l’Information et analyste politique, confie à Arab News que plus de mille journalistes ont été contraints de quitter le Yémen et de perdre leur emploi après que les Houthis ont attaqué et pillé les institutions médiatiques.
«L’opposition gagne du terrain, non seulement au niveau des journalistes, mais également parmi les universitaires et les intellectuels, en raison des problèmes, de la corruption, du sabotage, des vols systématiques et de la mauvaise gestion des Houthis à Sanaa», affirme-t-il.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com