CASABLANCA: Au début du mois d’août , une information inédite a fait le tour des réseaux sociaux et de quelques médias marocains: le Maroc aurait découvert un énorme gisement pétrolier estimé à plus de 2 milliards de barils d’or noir. Le permis d’exploration d’Inezgane, ville située au large de la station balnéaire d’Agadir, sur la côte atlantique sud du Maroc, semblait représenter une exceptionnelle opportunité.
L’information a rapidement été relayée sur les réseaux sociaux et elle n’a pas manqué de susciter joie et fierté. Le Maroc est en effet un pays importateur d’énergie et sa facture dans ce domaine pèse sur le budget de l’État (26,4 milliards de dirhams marocains, soit 2,5 milliards d’euros, en 2020). Pour tenter d’alléger ce coût, le Royaume s’est d’ailleurs engagé dans une stratégie ambitieuse qui a pour objectif d'atteindre 52% d'énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays à l’horizon 2030.
Une affaire Talsint bis
Toutefois, la découverte d’Inezgane s’est révélée un Talsint bis. Souvenez-vous, cette affaire avait défrayé la chronique en 1999 lorsque l’entreprise Lone Star Energy Corporation, fondée par John Paul DeJoria, avait annoncé la découverte de plusieurs milliards de barils de pétrole à Talsint, une petite commune rurale située dans la province marocaine de Figuig, dans la région de l'Oriental. En réalité, l’information était fausse.
Cependant, dans le cas de la prétendue découverte d’Inezgane, il s’agissait plutôt d’une mauvaise interprétation d’un communiqué publié par Europa Oil & Gas le 3 août dernier: l’entreprise avait fait référence à une récente évaluation qui estimait à 2 milliards de barils de pétrole le potentiel des ressources des cinq permis d’exploration qu’elle détient dans cette région. C’était une estimation, non une découverte, comme l’a expliqué quelques jours après l’Office national des hydrocarbures et des mines (Onhym).
Le démenti de l’Onhym
L’Onhym a publié un démenti dans lequel il précise que «les travaux géologiques et d’interprétation des données disponibles (géologie, sismique 2D et 3D, anciens puits) ont permis d’identifier plusieurs prospects dont les ressources potentielles sont estimées par la compagnie à 2 milliards de barils». Il s’agit là «de ressources potentielles, et non de réserves prouvées», indique l’Onhym. Le processus d’exploration doit, par ailleurs, se poursuivre avec des travaux spécifiques complémentaires destinés à mieux comprendre le système pétrolier et à mieux cibler les structures à forer, note encore l’Office national des hydrocarbures et des mines.
Le sous-sol marocain est sous-exploité
S’il est permis de croire qu’une découverte majeure peut être faite au Maroc, il est nécessaire de rappeler que la prospection pétrolière, dans ce pays, n’en est qu’à ses balbutiements. Le sous-sol marocain demeure largement sous-exploité. Les bassins sédimentaires marocains restent nettement sous-explorés, avec une moyenne de 0,05 puit pour 100 km2, contre 10 puits à l’échelle internationale. Ils présentent pourtant des systèmes pétroliers potentiellement favorables à l’accumulation de gisements d’hydrocarbures. D’ailleurs, plusieurs découvertes ont eu lieu depuis le début du XXe siècle. Elles ont révélé des gisements modestes, qui ont fourni à certains industriels marocains leurs besoins en énergie.
Un Code des hydrocarbures compétitif
Pour attirer les investisseurs, le Maroc a amendé son Code des hydrocarbures: il y a introduit plusieurs avantages fiscaux (voir encadré) et en a fait le Code le plus compétitif au niveau mondial. Le Maroc figure donc aujourd’hui dans les radars des grands groupes d’exploration pétrolière comme BP, Total, Repsol, Eni, Kosmos Energy ou Qatar Petroleum. Chacun d’eux a procédé à des opérations de prospection dans le Royaume, principalement dans l’offshore marocain.
Aujourd’hui, treize sociétés opèrent en partenariat avec l’Onhym pour trouver des hydrocarbures conventionnels sur une superficie totale de 126 915,08 km² répartie en vingt-huit permis «onshore», vingt-six permis offshore, deux autorisations de reconnaissance «onshore» et une offshore, ainsi que neuf concessions d'exploitation. Malgré la crise de la Covid-19, l’année 2020 a vu le forage de cinq puits entrepris par le groupe SDX Energy dans le Gharb, dont trois sont positifs. Trois bonnes découvertes, encore modestes certes, mais qui permettent de se faire une idée du potentiel du sous-sol marocain. L’espoir est donc encore permis.
Incitations fiscales alléchantes
Le Code des hydrocarbures marocain est réputé pour être le plus compétitif au monde. Il propose plusieurs avantages, à commencer par une part d’intérêt de l’État qui ne peut excéder 25%. Une exonération totale de l'impôt sur les sociétés est proposée aux investisseurs pendant une période de dix années consécutives à la date de mise en production régulière de toute concession d'exploitation. La totalité des équipements, des matériaux, des produits et des services nécessaires aux opérations de reconnaissance, d'exploration et d'exploitation est ainsi exemptée des droits de douane et de TVA. Les titulaires d'une concession d'exploitation sont en outre exonérés de la contribution des patentes, de la taxe urbaine (à l’exception de la taxe d’édilité) et de celle qui concerne les terrains urbains non bâtis. Les bénéfices et les dividendes des titulaires d'une concession d'exploitation et les actionnaires de sociétés concessionnaires sont par ailleurs exonérés de la taxe sur les produits des actions, sur les parts sociales et sur les revenus assimilés. Ils sont librement transférables en dehors du Maroc, sans limitation pour les entités étrangères.