PARIS: "J'aime bien sortir de ma zone de confort et aller vers des rôles ou des histoires qui me font peur, qui amènent ailleurs", soulignait Noémie Merlant à la veille de la sortie de "Jumbo", prévue initialement le 18 mars. Sortie finalement décalée au 1er juillet en raison du confinement. Dans ce premier long métrage original de la réalisatrice belge Zoé Wittock, Noémie Merlant incarne Jeanne, une jeune femme timide et inadaptée au monde qui l'entoure, à la mère très extravertie (jouée par Emmanuelle Bercot).
Alors qu'elle travaille comme gardienne de nuit dans un parc d'attraction, Jeanne va développer des sentiments à l'égard d'une attraction du parc, Jumbo, qui vont virer à la passion amoureuse. "Il y a un côté très poétique dans le film", estime l'actrice longiligne, qui dit avoir "cherché un corps très fermé et en même temps très lunaire" pour ce personnage. "Jusqu'à présent, je pense que j'ai eu des rôles de femmes qui n'étaient pas objet mais sujet, donc je continue là-dedans", poursuit l'actrice de 31 ans, remarquée notamment en jeune fille séduite par Daech dans "Le ciel attendra" de Marie-Castille Mention-Schaar.
Noémie Merlant a connu la consécration avec "Portrait de la jeune fille en feu" de Céline Sciamma, dans lequel elle joue une peintre qui doit faire le portrait d'une jeune femme avant son mariage, et va peu à peu se prendre de passion pour elle. Ce rôle lui a valu le prix de la meilleure actrice aux Lumières de la presse internationale et une nomination aux César cette année, une cérémonie dont elle se souvient comme d'"un moment douloureux pour beaucoup de gens". Lors de cette soirée, Roman Polanski avait reçu le prix de la meilleure réalisation pour "J'accuse", suscitant notamment l'indignation d'Adèle Haenel, à l'origine d'un nouvel élan de #MeToo en France. L'actrice, également à l'affiche de "Portrait de la jeune fille en feu", avait quitté la salle, suivie par la réalisatrice du film Céline Sciamma et Noémie Merlant.
"Fière" de cette protestation
"Je suis fière d'avoir accompagné mes camarades. Je trouve que c'est bien qu'il y ait du mouvement, ça crée du dialogue", affirme Noémie Merlant qui ajoute: "Je pense que le monde change, avance (...) Maintenant on se lève et on part quand il faut faire bouger les choses", estime l'actrice. "Parfois, à mon avis, ça doit passer par là", affirme-t-elle. Si ce moment "a été très violent", pour autant, "au fond j'ai l'impression que ça ouvre à d'autres choses en interne, que ce soit dans le milieu professionnel, familial ou avec les amis. Déjà, on a envie de parler et même quand tout le monde n'a pas envie de parler, c'est intéressant", dit-elle.
Le prix attribué à Roman Polanski avait déchiré le milieu du 7e Art entre les défenseurs du cinéaste, qui critiquaient la violence à son égard, et les partisans d'Adèle Haenel qui, comme les féministes, voient dans le réalisateur, visé par plusieurs accusations de viol, un symbole des agressions sexuelles impunies. "Peut-être qu'il y a cinq ou dix ans, je n'aurais pas réagi", admet Noémie Merlant, qui explique aussi que le fait d'avoir travaillé avec "beaucoup de femmes" réalisatrices fait qu'elle "se pose plus de questions sur les choses qui la dérangent, ce qu'elle a envie de dire, sur comment elle mène sa vie et fait ses choix". "Au fur et à mesure que des femmes prennent la parole, ça permet de se poser des questions sur soi-même", ajoute-t-elle. "C'est d'ailleurs pour ça aussi que dans la nouvelle génération, beaucoup sont choqués. On n'a pas les mêmes questionnements".
Sophie Laubie- AFP