SAINT-DENIS : Le "rouleau compresseur" Paris-2024 est en route, se désolent des associations et habitants de Seine-Saint-Denis, dont les recours contre certains aménagements sont balayés alors que les partisans des JO vantent leur "héritage" pour le département le plus pauvre de France.
Tokyo a éteint sa flamme olympique et désormais les yeux sont rivés sur Paris. Le temps presse et les chantiers sont lancés, notamment en Seine-Saint-Denis, qui accueillera l'athlétisme et le tir, le centre aquatique et les villages des médias et des athlètes.
A l'exception du Stade de France à Saint-Denis, tout est à construire. Une opportunité "inespérée", louent les élus locaux qui récupéreront les infrastructures.
A Dugny, le maire Quentin Gesell est soulagé du lancement des travaux du village des médias sur sa commune, construit sur une partie du parc départemental classé Natura 2000.
Au terme d'une longue bataille judiciaire, la cour administrative d'appel de Paris a donné début juillet son feu vert, estimant qu'il n'existait pas "d'alternative satisfaisante". Aussitôt dit, pelleteuses et ouvriers ont envahi le site.
En avril dernier, la même juridiction avait pourtant interrompu les travaux en suspendant une partie de l'autorisation préfectorale, à ses yeux pas assez argumentée, qui permet de déroger à certaines dispositions du code de l'environnement quand "l'intérêt public majeur" d'un projet est prouvé.
"Ce qu'on entend par intérêt général, c'est évidemment celui des JO et qui balaie d'un revers de main les arguments à la fois environnementaux et sociaux", regrette Cécile Gintrac, du comité citoyen de vigilance de Paris-2024.
Pollution de l'air
"C'est David contre Goliath. On est arrivé au bout des recours", soupire aussi Jean-Marie Baty, président du MNLE 93 nord-est parisien (Mouvement national de lutte pour l'environnement) qui a porté le combat avec des riverains.
L'association n'a pas souhaité saisir le Conseil d'Etat. "Trop coûteux" et la décision pourrait prendre des mois.
Sur un autre front, à Saint-Denis, une partie des parents d'élèves et riverains mènent depuis plus de deux ans la fronde contre l'aménagement d'un échangeur autoroutier situé tout près d'un groupe scolaire de près de 700 élèves. Ce gigantesque chantier doit fluidifier l'accès au village olympique.
"Les Jeux olympiques se font coûte que coûte, au prix de la santé des enfants", accuse Hamid Ouidir, parent d'élève à la FCPE 93.
La cour administrative d'appel de Paris, qui leur avait donné raison en référé, les a finalement déboutés l'année dernière. Ils ont saisi le Conseil d'État.
"Les JO c'est un rouleau compresseur, on se bat avec nos petits moyens", explique Benjamin Darras, un habitant. Il est comme beaucoup de son quartier "favorable" à l'événement planétaire mais avec "quelques modifications".
Même si la municipalité a promis d'y mesurer la qualité de l'air, les contestataires jugent le projet inconcevable à l'heure où la justice vient de condamner l'Etat à payer 10 millions d'euros pour ses manquements dans la lutte contre la pollution, qui fait 40.000 morts par an en France.
«Trouver un équilibre»
Autre bataille, celle des jardins ouvriers d'Aubervilliers, dont une partie doit être détruite pour laisser place à une piscine d'entraînement.
Grand Paris Aménagement, détenteur du terrain, a indiqué avoir relogé les jardiniers sur des parcelles voisines.
Mais les "Jadistes" refusent de quitter cette "terre nourricière", explique la militante Dolores Mijatovic. "On n'est pas contre le centre aquatique, on leur demande juste de changer les plans pour ne pas empiéter sur les jardins". "Usée" par une année de lutte, la bénévole n'est "pas optimiste".
"La montre tourne et il y a un calendrier à tenir, c'est pourquoi les décisions de justice vont dans le sens des JO, il n'est plus question de revenir en arrière", analyse Mme Gintrac, du comité de vigilance.
Un argument rejeté par la Solideo, la société chargée de livrer les ouvrages. "Il n'existe pas de privilège olympique", y assure-t-on, rappelant que les recours ont fait suspendre les travaux.
"Les JO sont un accélérateur énorme pour des projets portés par les collectivités", insistent la Solideo et la Mairie de Paris. Le département va récupérer 70% des réalisations pérennes, soit 3,2 milliards d'euros d'investissements.
La ville hôte s'accorde avec les opposants au sujet du village des médias et de la piscine d'entraînement qui "ne sont pas indispensables à l'organisation des JO", selon Pierre Rabadan, chargé des JO à la Mairie de Paris.
Pour le maire PS de Saint-Denis Mathieu Hanotin, "un projet 100% positif n'existe pas, il s'agit de trouver un équilibre", dans un département longtemps oublié par les pouvoirs publics.