NEW YORK: Loin des yeux, sous la terre: les problèmes engendrés par des canalisations parfois vieilles de plusieurs décennies dans les villes américaines restent souvent cachés et ont tendance à être négligés pendant des années avant d'exploser au grand jour.
Le mois dernier, l'office des eaux de la ville de Clarksburg, en Virginie-Occidentale, a annoncé que des niveaux élevés de plomb avaient été détectés chez des enfants dans trois foyers. Les autorités ont aussitôt remplacé les canalisations et lancé un programme d'évaluation de tout le système.
"Je ne pense pas qu'ils soient conscients de l'étendue du problème", estime James Griffin, président de l'organisation "Festival du patrimoine noir de Virginie-Occidentale", qui a récemment organisé une rencontre de quartier avec un responsable de l'office des eaux.
Cette dernière crise a éclaté alors que le Sénat est sur le point d'adopter un plan d'un montant de 1 200 milliards de dollars pour améliorer les infrastructures et aller vers l'énergie dite propre.
Les écologistes ont salué le plan mais affirment que les fonds destinés aux projets liés à l'eau sont insuffisants étant donné l'étendue du problème.
Ils espèrent que davantage de fonds seront consacrés au sujet dans le programme pharaonique de dépenses sociales et environnementales de 3 500 milliards de dollars voulu par le président Joe Biden, qui pourrait être adopté plus tard cette année malgré l'opposition des républicains.
"C'est un début", dit à propos du plan sur les infrastructures Tracy Brown, directrice régionale pour la protection de l'eau à Save the Sound.
Un système débordé
Cette organisation, qui se concentre sur le Long Island Sound, un bras de mer, et d'autres cours d'eau dans les Etats de New York et du Connecticut, presse les responsables locaux de s'attaquer aux problèmes d'eaux usées qui forcent régulièrement les plages locales à fermer après de fortes pluies.
Le groupe a recensé 164 débordements d'eaux d'égouts dans le comté de Westchester, près de New York, entre 2010 et 2019, et pointe du doigt la diminution du soutien fédéral comparé aux années 1970, quand la majorité du réseau a été construit.
"Les ruptures sont provoquées par des dégradations dans des canalisations vieillissantes et mal entretenues qui se fissurent ou ne fonctionnent plus", selon un rapport de novembre 2020.
Les pires incidents ont été enregistrés dans la ville majoritairement noire de Mount Vernon, à une trentaine de kilomètres de New-York, où les habitants doivent parfois collecter leurs propres excréments et les vider dans une bouche d’égouts.
Une femme a affirmé à une émission locale que ses petits-enfants appelaient sa maison "la maison à excrément".
La ville, qui a été poursuivie en justice par l'agence fédérale de protection de l'environnement pour ces problèmes d’égouts, estime que le coût des réparations pourrait dépasser les 100 millions de dollars.
"C'est souterrain", explique Mme Brown. "Les gens veulent investir dans des choses qu'ils peuvent voir, comme les routes, les ponts et la police".
Vieilles maisons
En Virginie-Occidentale, l'office des eaux de Clarksburg a testé 228 maisons et a trouvé six cas de niveaux élevés de plomb, selon le directeur général Jason Myers.
L'office a remplacé les canalisations allant des rues vers les maisons et a fourni de l'eau en bouteille à plus de 500 foyers.
Mais dans cette ville, il pourrait aussi y avoir du plomb dans les tuyaux à l'intérieur des maisons, car la plupart ont été construites des dizaines d'années avant qu'on ne connaisse les dangers du plomb.
"Je soupçonne que ce soit assez répandu", dit Michael McCawley, professeur à l'école de santé publique de l'université de Virginie-Occidentale.
"Il est essentiel d'avoir un programme national, parce que si vous laissez ça aux autorités locales, elles ne vont pas avoir assez d'impôts pour entretenir les infrastructures", ajoute-t-il.
Le Conseil de défense des ressources naturelles estime que s'attaquer au problème du plomb à travers le pays coûtera 45 milliards de dollars. Mais la proposition du Sénat ne prévoit que 15 milliards pour ce sujet.
"C'est un pas dans la bonne direction, mais nous avons besoin de beaucoup plus", affirme Becky Hammer, directrice adjointe du Conseil pour la politique fédérale en matière d'eau.