BAMAKO : Un corps décapité, le dixième depuis 2018, vient d'être découvert dans la ville malienne de Fana (sud), théâtre d'une série d'assassinats dont au moins une partie seraient rituels mais qui restent tous à élucider, a-t-on appris vendredi auprès du parquet.
Le dernier crime en date, commis dans la nuit du 1er au 2 août, se distingue de la majorité des précédents: cette fois, le meurtrier a emporté la tête et laissé le sang sur place.
Quand il est arrivé lundi matin, le chef de village Baya Traoré a dit avoir "trouvé sur place les parents de la victime, le commissaire de police, la gendarmerie. Ils avaient déjà emmené le corps. Ils ont cherché sa tête sans la retrouver, le corps était sans tête".
A une exception près, la tête des victimes avait jusqu'alors été retrouvée, a rappelé le procureur, Boubacar Diarra, joint par téléphone.
En revanche, le plus souvent, le ou les auteurs avaient collecté le sang, comme cela avait été le cas pour la dernière victime, un père de famille d'une cinquantaine d'années, en novembre. Ce qui conforte la conviction répandue dans la population de pratiques occultes où le sang pourrait par exemple servir à imprégner des fétiches.
Cette fois, le défunt est un jeune d'une vingtaine d'années, Aghibou Bagayoko, mort chez lui, et le fait que son sang soit resté sur place, mais aussi sa vie et ses derniers instants poussent le procureur à mettre en garde contre les conclusions hâtives.
"C'est peut-être un acte rituel. C'est peut-être un règlement de comptes. Les deux sont des hypothèses d'investigation", a dit le magistrat.
Aghibou Bagayoko est décrit localement comme un vendeur ambulant travaillant sur le marché.
Il a eu maille à partir avec la justice par le passé, a dit le procureur. Et les jeunes avec lesquels il a passé l'après-midi et une partie de la nuit "ne sont pas des féticheurs, des marabouts, ce sont tous des consommateurs d'alcool et de stupéfiants" selon les premières investigations, a rapporté le procureur. L'un de ces jeunes est recherché.
Fana est, comme le sud, plutôt préservée par les agissements jihadistes, les violences intercommunautaires et les exactions de toutes sortes qui sévissent depuis des années dans le nord et le centre.
Cette cité cotonnière et commerçante de 36 000 habitants construite le long de la nationale reliant la capitale Bamako à Ségou serait sans histoire sans ces décapitations et le mystère qui les entoure.
Les victimes, une ménagère, un gardien d'antenne téléphonique, un enfant albinos de cinq ans ou encore une fillette de deux ans, n'avaient pas grand-chose en commun. Les enquêteurs ont procédé à un certain nombre d'interpellations et réuni dans certains cas des indices "graves et concordants" contre des suspects, a dit le procureur. Certains crimes présentent les caractéristiques du rituel, a-t-il dit, mais aucun n'est encore résolu.