BEYROUTH: C’est une forte poussée de fièvre qui a fait craindre le pire aux Libanais, l’espace d’une matinée, avant que la tension ne retombe. Elle succède à des escarmouches dans la région frontalière entre le Liban et Israël, qui ont débuté mercredi 4 août.
Ce jour-là, les Libanais, qui étaient mobilisés par la commémoration du premier anniversaire de l’explosion du port de Beyrouth, ont appris avec stupeur que des tirs de roquettes, non revendiqués avaient visé une région frontalière israélienne. Habitués à ce genre d’incident dans une zone qui vit constamment sous tension, ils ont respecté le programme prévu pour cette journée si particulière.
Israël a bien sûr, comme à l’accoutumée, riposté aux tirs par des frappes d’artillerie, visant des régions inhabitées dans le sud du Liban, sans essuyer de réaction de la part du Hezbollah. Cependant, la tension est montée d’un cran durant la journée de jeudi, où l’aviation israélienne a mené pour la première depuis 2014 des raids sur des localités frontalières libanaises.
Cette année-là, des avions de combat israéliens avaient visé des territoires libanais limitrophes de la frontière avec la Syrie, sans cibler des positions du Hezbollah. Jeudi, un communiqué de l’armée israélienne a confirmé que «des avions de combat de l’armée ont ciblé des sites de lancement de missile et des infrastructures utilisées pour des activités terroristes au Liban, d’où des roquettes ont été tirées». Ce recours à la force aérienne n’a pas provoqué de victimes.
Les raids ont visé des zones inhabitées, mais ils semblent avoir été perçus par le Hezbollah comme une modification des règles d’engagement établies tacitement entre les belligérants depuis la guerre massive menée par Israël contre le Liban à l’été 2006. Ce conflit de trente-trois jours avait causé la mort d’environ 1200 Libanais, en majorité des civils. Elle avait également provoqué l’exode des habitants du sud du pays vers Beyrouth et d’autres régions.
Cette récente escalade est-elle le signe d’une modification de la donne existante, avec l’arrivée récente au pouvoir en Israël d’un Premier ministre, Naftali Bennett, ancien ministre de la Défense, et du nouveau ministre de la Défense, Benny Gantz, ancien chef d’état-major de l’armée? La question est posée, mais quel meilleur moyen d’y répondre que de tester l’adversaire.
Un communiqué publié par le Hezbollah a pour sa part affirmé qu’en réponse aux raids israéliens, «la Résistance islamique a bombardé avec des dizaines de roquettes un territoire près des forces d’occupation israéliennes dans la région des fermes de Chebaa». Après la diffusion de cette déclaration, nombre de Libanais ont envisagé le pire. La réaction de la Finul (Force intérimaire des Nations unies pour le Liban), déployée à la frontière entre les deux pays depuis 1978, a confirmé leurs craintes. Dans un communiqué, cette dernière a qualifié la situation de «très dangereuse». Le commandant de la Finul, le général Stefano Del Col, a enjoint les parties concernées, avec lesquelles il est en contact, à «cesser immédiatement le feu».
Difficile, dans un moment pareil, de ne pas penser à la recrudescence de la tension entre Israël et l’Iran, après l’attaque récente en mer d’Oman d’un pétrolier, le Mercer Street, géré par un homme d’affaire israélien. Impossible également de ne pas penser à la toute dernière déclaration de Gantz, qui a assuré que son pays était prêt à frapper l’Iran en riposte à cette attaque toujours non revendiquée.
Un autre communiqué de l’armée israélienne a indiqué que les roquettes du Hezbollah ont ciblé des zones israéliennes inhabitées, et qu’Israël ne souhaitait pas d’escalade, tout en affirmant y être prêt. Cela signifie que la réponse a été dosée de telle manière à ce qu’elle ne donne pas lieu à une recrudescence des actes militaires.
Désormais l’épisode de violence est circonscrit, la messe est dite, et les Libanais peuvent reprendre leur souffle. Ce nouvel épisode de tension et d’escalade aura été une sorte d’échange de messages entre des parties qui parlent une même langue.
Le Hezbollah a cherché à rappeler à la nouvelle équipe dirigeante israélienne qu’elle ne pouvait pas modifier unilatéralement et sans conséquences des règles vieilles de seize ans. Il est clair toutefois que la situation interne libanaise catastrophique sur le plan économique, financier, social et sanitaire, laisse peu de marge au Hezbollah pour se lancer dans une aventure militaire dont les conséquences humanitaires seraient colossales, comme ce fut le cas en 2006.
Israël, de son côté, ne pourrait pas se permettre d’achever militairement un pays au bord de l’asphyxie, sous le poids de ses crises internes, sans essuyer les foudres de la communauté internationale.
La parenthèse qui pouvait laisser présager le pire est donc fermée, mais les Libanais on constaté une fois de plus la fragilité de leur situation. Le sud de leur pays est une poudrière permanente, qui peut exploser – et eux avec –, si les impératifs du contexte régional l’exigent.