« Ame meurtrie »: les survivants de l'explosion de Beyrouth toujours hantés

"L'explosion vit toujours en moi", confie M. Rizk à l'AFP devant ses anciens bureaux en ruine. (AFP).
"L'explosion vit toujours en moi", confie M. Rizk à l'AFP devant ses anciens bureaux en ruine. (AFP).
Short Url
Publié le Mercredi 04 août 2021

« Ame meurtrie »: les survivants de l'explosion de Beyrouth toujours hantés

  • Shady Rizk va toujours à l'hôpital, un an après, pour se faire retirer des morceaux de verre logés dans sa chair
  • En ce 4 août 2020, sur les coups de 18 heures, il filme au téléphone l'épaisse fumée qui s'échappe d'un entrepôt au port de Beyrouth, juste en face. Quelques secondes plus tard, le souffle de la déflagration le frappe de plein fouet

BEYROUTH : Un an après la gigantesque explosion meurtrière au port de Beyrouth, Shady Rizk va toujours à l'hôpital pour se faire retirer des morceaux de verre logés dans sa chair. Mais s'affranchir du traumatisme est impossible.

"Pratiquement chaque mois, on trouve un nouveau morceau de verre. J'ai encore des éclats dans les cuisses, dans les jambes, et mes bras je crois", confie cet ingénieur en télécommunications de 36 ans.

"Les médecins ont dit qu'il y aurait des débris de verre dans mon corps pendant encore plusieurs années", ajoute-t-il.

En ce 4 août 2020, sur les coups de 18 heures, il filme au téléphone, de son lieu de travail, l'épaisse fumée qui s'échappe d'un entrepôt au port de Beyrouth, juste en face. 

Quelques secondes plus tard, le souffle de la déflagration le frappe de plein fouet. Transporté à l'hôpital, toute la peau de son visage est striée de coupures, son corps sanguinolent.

L'explosion, dont les images ont fait le tour du monde, a fait plus de 200 morts, plus de 6.500 blessés et dévasté des quartiers entiers de la capitale. 

Le drame a aussi traumatisé toute une population, déjà mise à genoux par un naufrage économique et une pandémie inédits.

"L'explosion vit toujours en moi", confie M. Rizk à l'AFP devant ses anciens bureaux en ruine.

Les stigmates sont toujours vifs alors que l'enquête locale n'a toujours pas abouti à des conclusions ni expliqué pourquoi des centaines de tonnes de nitrate d'ammonium ont été abandonnées pendant plus de six ans dans l'entrepôt numéro 12, "sans mesure de précaution" de l'aveu même des autorités.

L'opinion publique pointe du doigt la classe dirigeante, qu'elle juge corrompue. "Quand on sait que personne n'a été emprisonné (...) ça donne envie de tout casser, d'aller manifester (...) de jeter des cocktails Molotov, de mettre le feu. N'importe quoi pour extérioriser cette colère", s'emporte l'ingénieur.

« Pleurer de l'intérieur »

Sur ses bras et ses jambes, le trentenaire qui veut émigrer au Canada pour fuir l'enfer qu'est devenu le Liban exhibe ses cicatrices. Une multitude de petites striures rouges qui rappellent les 350 points de sutures qu'il a dû recevoir après l'explosion.

Blessé aux yeux par les éclats de verre, sa vison a aussi été sévèrement endommagée. Il y a aussi les séquelles psychologiques avec lesquelles il faut apprendre à vivre.

"Le traumatisme, ça vous déchire de l'intérieur, c'est comme si je pleurais de l'intérieur", lâche M. Rizk.

rony mecattaf
Rony Mecattaf a perdu sa vision périphérique. (AFP). 

Rony Mecattaf a lui fait le tour des spécialistes en Europe et a subi trois opérations. Mais le psychothérapeute de 59 ans s'est résigné à vivre avec la perte de sa vision périphérique.

Au quotidien, il doit s'asseoir dans une position particulière pour avoir son interlocuteur dans son champ de vision. Dans la rue il marche toujours sur la gauche. Ses amis le taquinent en le surnommant "l'homme à un œil".

Pour le quinquagénaire, les survivants du 4 août n'ont pas eu la possibilité de confronter leur traumatisme.

Ereintés comme le reste de la population par un enchaînement de crises, toutes inédites, ils doivent surmonter les difficultés d'un quotidien marqué par la dépréciation historique de la livre libanaise, les pénuries en tout genre, les files d'attente devant les stations-service et les coupures de courant dans la chaleur étouffante de l'été.

"Nous sommes tous en mode survie", reconnaît M. Mecattaf.

« Rage et désespoir »

Sur le toit de son appartement dans le quartier de Mar Mikhael soufflé par l'explosion, Julia Sabra partage un ressenti similaire.

Cinq mois après le drame, elle s'est réinstallée dans son ancien logement entièrement rénové. Mais elle et son petit ami ne s'y sentent toujours pas en sécurité.

"N'importe quel bruit nous terrifie", raconte la chanteuse de 28 ans: "Les portes qui claquent, l'orage, les rafales de vent, quelque chose qui tombe dans les escaliers".

liban
Cinq mois après le drame, Julia Sabra s'est réinstallée dans son ancien logement entièrement rénové. (AFP).

Son quartier, célèbre pour sa vie nocturne, a retrouvé un semblant de normalité. Les soirs de weekend, les noctambules affluent dans les rues où se mêlent la cacophonie des musiques diffusées par les différents bars. 

Le jour de l'explosion, le quartier connu pour ses galeries d'art et ses restaurants mignonnets a pris des allures d'apocalypse: immeubles éventrés, ruelles envahies par les monticules de décombres et de verre brisé, blessés ensanglantés affluant de tous les côtés.

"Mon petit ami était inconscient au sol, avec du sang partout sur le visage et aux jambes", se souvient Julia.

A l'approche du 4 août, il ne lui reste que "de la rage et du désespoir. Il n'y a pas de répit. On essaye de guérir d'un certain traumatisme, d'une blessure, et il faut aussi gérer le quotidien et son lot de pénuries", regrette la jeune femme.

Malgré l'explosion, Beyrouth n'a pas totalement perdu son âme, dit-elle: "Mais c'est une âme meurtrie. Il y a un avant auquel on ne pourra jamais revenir".


L'armée israélienne dit avoir frappé plusieurs cibles du Hezbollah au Liban

Jeudi, l'armée israélienne avait annoncé avoir "intercepté" un drone du Hezbollah, lancé selon elle en direction du territoire israélien. L'armée a dénoncé vendredi une "violation" de l'accord de cessez-le-feu qui a mis fin à la guerre le 27 novembre entre Israël et le mouvement pro-iranien. (AFP)
Jeudi, l'armée israélienne avait annoncé avoir "intercepté" un drone du Hezbollah, lancé selon elle en direction du territoire israélien. L'armée a dénoncé vendredi une "violation" de l'accord de cessez-le-feu qui a mis fin à la guerre le 27 novembre entre Israël et le mouvement pro-iranien. (AFP)
Short Url
  • "Dans la nuit (jeudi) (...), l'armée de l'air israélienne a frappé de multiples cibles terroristes du Hezbollah dans la vallée de la Békaa (...) qui présentaient une menace", a indiqué l'armée dans un message sur les réseaux sociaux
  • Un des sites visés renferme une "infrastructure souterraine, utilisée pour le développement et la fabrication d'armement", a ajouté l'armée

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé vendredi matin avoir frappé dans la nuit plusieurs cibles du mouvement islamiste Hezbollah dans l'est du Liban, malgré un cessez-le-feu en vigueur depuis fin novembre.

"Dans la nuit (jeudi) (...), l'armée de l'air israélienne a frappé de multiples cibles terroristes du Hezbollah dans la vallée de la Békaa (...) qui présentaient une menace", a indiqué l'armée dans un message sur les réseaux sociaux, affirmant rester "engagée" dans le cessez-le-feu entre Israël et le mouvement libanais.

Un des sites visés renferme une "infrastructure souterraine, utilisée pour le développement et la fabrication d'armement", a ajouté l'armée, qui dit avoir également frappé des installations "à la frontière syro-libanaise utilisées par le Hezbollah pour le trafic d'armes à destination du Liban".

Jeudi, l'armée israélienne avait annoncé avoir "intercepté" un drone du Hezbollah, lancé selon elle en direction du territoire israélien. L'armée a dénoncé vendredi une "violation" de l'accord de cessez-le-feu qui a mis fin à la guerre le 27 novembre entre Israël et le mouvement pro-iranien.

Les hostilités entre Israël et le Hezbollah avaient débuté le 8 octobre 2023 au lendemain de l'attaque sans précédent du Hamas, allié du mouvement libanais, contre Israël, qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza.

 


Liesse à Ramallah à l'arrivée des prisonniers palestiniens libérés

A l'arrivée des deux bus transportant les prisonniers libérés, les policiers palestiniens ont eu du mal à retenir la foule. (AFP)
A l'arrivée des deux bus transportant les prisonniers libérés, les policiers palestiniens ont eu du mal à retenir la foule. (AFP)
Short Url
  • Des coups de feu ont été tirés en guise de célébration
  • Au total, 110 Palestiniens ont été libérés jeudi, selon les autorités israéliennes et palestiniennes

RAMALLAH: Agitant des drapeaux et tirant des coups de feu en l'air, des milliers de Palestiniens en liesse ont accueilli les prisonniers libérés par Israël à Ramallah en Cisjordanie occupée.

Pour ce troisième échange d'otages israéliens à Gaza contre des prisonniers palestiniens dans le cadre de l'accord de trêve entre Israël et le Hamas, l'Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas a organisé l'accueil et seuls les drapeaux jaunes du parti Fatah de M. Abbas étaient visibles au départ.

Mais à l'arrivée des deux bus transportant les prisonniers libérés, les policiers palestiniens ont eu du mal à retenir la foule, selon un correspondant de l'AFP sur place.

Des coups de feu ont été tirés en guise de célébration. Plusieurs Palestiniens ont scandé des slogans pro-Hamas et d'autres ont agité le drapeau vert du mouvement islamiste palestinien qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007.

Au total, 110 Palestiniens ont été libérés jeudi, selon les autorités israéliennes et palestiniennes.

Selon Amin Shuman, chef du comité chargé des affaires des prisonniers palestiniens à Ramallah, 66 sont arrivés en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, 21 ont été expulsés, 14 ont été transféré à Jérusalem-Est et neuf à Gaza.

Ils ont tous été libérés en échange de trois Israéliens enlevés lors de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 et retenus depuis à Gaza.

Après plusieurs heures d'attente, la foule a fait exploser sa joie à la vue des bus affrétés par la Croix-Rouge internationale.

"Où est papa?" 

"Où est papa?" En larmes, Raghda Nasser, 21 ans, s'est faufilée dans la foule pour atteindre son père, Hussein Nasser, qu'elle serrait dans ses bras pour la première fois.

Hussein Nasser avait été emprisonné alors que sa femme était enceinte il y a 22 ans, pour des motifs que Raghda n'a pas révélés. Elle et sa sœur Hedaya, 22 ans, ont enlacé leur père qui pleurait avec elles.

Quelques heures avant sa libération, Raghda Nasser a raconté à l'AFP qu'elle venait de lui rendre visite en prison "derrière la vitre".

Elle et sa soeur avaient quitté tôt le matin leur village près de Naplouse (nord) pour venir à Ramallah. Pour l'occasion, elles ont porté des robes noires traditionnelles palestiniennes avec des motifs rouges finement cousus.

Etudiante en littérature anglaise, Raghda Nasser a dit avoir de la chance car son père serait présent pour sa remise de diplôme dans quelques mois.

Porté en triomphe 

Parmi les prisonniers libérés jeudi, figurent Mohammad Abou Warda qui purgeait 48 peines de prison à vie et Zakaria al-Zoubeidi, responsable d'attentats anti-israéliens et ex-leader local de la branche armée du Fatah.

Drapeau palestinien autour du cou, souriant et faisant le V de la victoire, Zakaria al-Zoubeidi a été porté en triomphe par la foule à sa descente du bus l'ayant emmené de la prison militaire israélienne d'Ofer en Cisjordanie.

L'ex-détenu qui portait toujours son survêtement gris de prisonnier, a embrassé des bébés et serré la main des gens.

Plus d'une heure après l'arrivée des bus, la foule a commencé à se disperser dans la nuit alors que les familles ramenaient leurs proches libérés à la maison, au milieu d'une parade de scooters klaxonnant joyeusement.

 


L'émir du Qatar est le premier dirigeant arabe à se rendre en Syrie depuis la chute d'Assad

L'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, et Ahmed Al-Sharaa, le président intérimaire de la Syrie. (QNA)
L'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, et Ahmed Al-Sharaa, le président intérimaire de la Syrie. (QNA)
L'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, est arrivé à Damas, en Syrie. (QNA)
L'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, est arrivé à Damas, en Syrie. (QNA)
Ahmed Al-Sharaa a été déclaré président intérimaire de la Syrie lors d'une conférence tenue cette semaine. (QNA)
Ahmed Al-Sharaa a été déclaré président intérimaire de la Syrie lors d'une conférence tenue cette semaine. (QNA)
Short Url
  • Le président intérimaire de la Syrie, Ahmed Al-Sharaa, accueille le cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani à l'aéroport de Damas
  • Cette visite marque une reprise significative des relations entre le Qatar et la Syrie, le Qatar étant appelé à jouer un rôle majeur dans la reconstruction

LONDRES : L'émir du Qatar, le cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, est arrivé à Damas jeudi, devenant ainsi le premier dirigeant arabe à se rendre en Syrie depuis l'effondrement du régime de Bachar Assad.

Ahmed Al-Sharaa, déclaré président intérimaire de la Syrie lors d'une conférence mercredi soir, a accueilli le cheikh Tamim à son arrivée à l'aéroport international de Damas.

Le premier ministre syrien Mohammed Al-Bashir, le ministre des affaires étrangères Asaad Al-Shaibani et le ministre de la défense Murhaf Abu Qasra étaient également présents.

Le Qatar a soutenu les factions de l'opposition syrienne pendant les 13 années de guerre civile qu'a connues le pays avant que M. Assad ne quitte Damas pour Moscou au début du mois de décembre.

La visite du cheikh Tamim marque une reprise significative des relations entre le Qatar et la Syrie, le Qatar devant jouer un rôle majeur dans la reconstruction, selon l'agence de presse du Qatar.

L'analyste politique et auteur Khaled Walid Mahmoud a déclaré à la QNA que la visite de Cheikh Tamim était "hautement symbolique et historiquement significative, étant la première d'un dirigeant arabe depuis la chute de l'ancien régime".

La visite pourrait rouvrir les canaux diplomatiques et soutenir une résolution politique durable à Damas, en soulignant les liens étroits du Qatar avec les États-Unis et la Turquie, ainsi que son rôle de médiateur de confiance en Syrie et au Moyen-Orient, a-t-il ajouté.

Le Qatar jouera un rôle crucial dans la reconstruction de la Syrie, en particulier dans des secteurs clés tels que l'énergie, les transports et le logement, qui ont été dévastés par la guerre civile.

Ahmed Qassim Hussein, chercheur au Centre arabe de recherche et d'études politiques, a déclaré à la QNA que la visite de l'émir était le signe d'une évolution du rôle du Qatar dans les sphères politique, économique et sécuritaire de la Syrie.

Le soutien du Qatar aux nouveaux dirigeants syriens dirigés par le président Al-Sharaa, devenu insurgé, s'est manifesté par sa décision de rouvrir l'ambassade à Damas après sa fermeture en 2011.

Il a déclaré que "la visite reflète l'engagement du Qatar à rétablir les relations diplomatiques et à favoriser la coopération avec la Syrie", ajoutant que Doha aide les dirigeants syriens à traverser la phase de transition de la Syrie et à favoriser la stabilité à long terme.