NEW YORK : Le Conseil de sécurité a été critiqué mercredi par les ambassadeurs israélien et palestinien auprès de l'ONU.
L'ambassadeur d'Israël aux États-Unis et à l'ONU, Gilad Erdan, a dénoncé l’attitude des membres du Conseil qui passent leur temps à discuter de la situation à Jérusalem-Est. Au moment où, a-t-il affirmé, l'Iran et les crises qu'il provoque dans la région, dans des endroits comme le Liban, la Syrie, le Yémen et l'Irak, ainsi que les activités du Hamas, devraient accaparer leur l'attention.
«Le Hamas et l'Iran luttent pour garder le Moyen-Orient coincé dans les ténèbres moyenâgeuses», a-t-il indiqué.
Erdan s’exprimait lors d’une réunion du Conseil de sécurité. La séance avait pour objet de passer en revue l’action humanitaire et les efforts de reconstruction à la suite de la guerre de mai à Gaza, les expulsions continues des familles palestiniennes, et les démolitions de leurs maisons à Jérusalem-Est. À l’ordre du jour également, la réaction violente des forces de sécurité palestiniennes aux manifestations contre la corruption, ainsi que la mort le mois dernier du militant politique Nizar Banat lors de son arrestation.
«La crise au Liban ne devrait-elle pas être discutée aujourd'hui?», demande Erdan aux quinze membres. Il a de plus accusé l'ONU de partialité contre Israël, et critiqué le Conseil pour avoir invité Yudith Oppenheimer à donner un briefing.
Oppenheimer est la directrice exécutive d'Ir Amim, une ONG israélienne qui milite pour rendre Jérusalem une ville sûre et inclusive pour tous ses habitants.
«Aucune ONG ne peut venir au Conseil de sécurité et critiquer l'Autorité palestinienne», explose Erdan, en réponse aux critiques de l'État israélien. Il a ajouté que «l’obsession face au seul État juif au monde a aussi encouragé des entreprises comme Ben and Jerry’s ( entreprise de crèmes glacées) et Unilever à imposer des boycotts antisémites à Israël».
La marque vermontoise Ben and Jerry's, détenue par Unilever, a annoncé la semaine dernière qu'elle ne compte plus vendre ses produits dans les Territoires palestiniens occupés, car ce serait «contraire» à ses valeurs.
Erdan affirme que les accords d'Abraham de l'année dernière, et qui normalisent les relations des Émirats arabes unis et de Bahreïn avec Israël, prouvent que la paix n'est possible que lorsque les parties se réunissent pour construire un avenir meilleur pour leurs enfants, «non pas par des boycotts ou une ingérence du Conseil de sécurité». Les accords n'ont été possibles que parce que le Conseil n'est pas intervenu, a-t-il ajouté.
Le Conseil de sécurité a également été critiqué par Riad Mansour, observateur permanent de la Palestine auprès de l'ONU, au sujet des «limites en temps d'agression et de guerre». De tels échecs signifient que le Conseil a «un devoir d’autant plus grand de rechercher activement la paix».
«Le Conseil connaît déjà la route vers cette destination», dit-il. «C’est inscrit dans ses propres résolutions, notamment la résolution 2334». Le texte qualifie l'activité de colonisation d'Israël dans les territoires occupés de «violation flagrante» du droit international.
«Le Conseil possède tous les outils nécessaires pour mettre en œuvre ces résolutions», poursuit Mansour. «Il dispose d'un mécanisme, le quartet, dédié à cette fin. Ce Conseil doit être le catalyseur d’une action internationale résolue qui puisse nous éloigner de la voie où nous nous trouvons et nous guider vers la sécurité».
Mansour estime que le contenu des briefings d’Oppenheimer et de Lynn Hastings, coordinatrice de l'ONU pour les territoires palestiniens occupés et coordinatrice spéciale adjointe pour le processus de paix au Moyen-Orient, indiquent clairement «la nécessité d'une action mondiale pour faire respecter le droit international et les résolutions de ce Conseil, dans notre quête collective de justice et de paix».
Dans une allusion à la décision de Ben et Jerry's, Mansour a déclaré au Conseil: «Lorsque les entreprises mettent en œuvre vos résolutions, elles ne doivent pas être critiquées, elles doivent être saluées».
«L'occupation et la paix ne peuvent coexister. Elles s'excluent mutuellement. Pour faire avancer la paix, il faut mettre fin à l'occupation», selon l’envoyé.
«Nous devons nommer l'alternative à (la paix): un apartheid des deux côtés de la ligne verte».
Linda Thomas-Greenfield, l'envoyée américaine auprès de l'ONU, affirme que son pays reste attaché à une solution à deux États, et qu’il «continuera de s'opposer aux efforts visant à distinguer Israël de manière injuste dans les forums de l'ONU».
Elle a exhorté les Israéliens et les Palestiniens à «faire preuve de retenue et à s'abstenir de toute action et discours provocateurs». Elle cite particulièrement les «activités de colonisation, l'annexion de territoires, les expulsions, les démolitions, l'incitation à la violence et l'indemnisation d’individus emprisonnés pour des actes de terrorisme».
Thomas-Greenfield a également appelé les États membres de l'ONU, «en particulier nos partenaires du Golfe», à intensifier leur engagement envers l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA).
Si elle a félicité le personnel de l'agence qui travaille «sans relâche» pour répondre aux besoins humanitaires des réfugiés palestiniens, Thomas-Greenfield rappelle par contre que l'organisme a besoin «d'améliorations en termes d’activité et de gestion».
«Je veux être claire, les États-Unis ont une (politique de) tolérance zéro pour les expressions d'antisémitisme et de racisme et d'autres formes de haine dans les agences des Nations Unies, et ceci inclut l'UNRWA», dit-elle.
«Il est essentiel que l'UNRWA soit en mesure de s'acquitter de ses obligations conformément aux principes humanitaires de neutralité, d'impartialité et d'indépendance», ajoute la diplomate.
Thomas-Greenfield qualifie d'inacceptables les récents rapports au sujet de l'Autorité palestinienne qui tente de «restreindre la liberté d'expression des Palestiniens et harceler les militants et les organisations de la société civile».
Elle a aussi souligné la mort de Nizar Banat et a demandé que les circonstances de sa mort fassent l'objet d'une enquête, et que les responsables soient tenus de rendre des comptes.
Dans son briefing, Oppenheimer s'est concentrée sur les démolitions et les expulsions israéliennes, et affirme qu'elles ont récemment «augmenté en portée et en ampleur de manière inégalée».
Elle révèle que 3 000 Palestiniens sont menacés d'expulsion massive, notamment les communautés de Cheikh Jarrah et Batan Al-Hawa.
«Beaucoup de ces familles menacées d'expulsion sont des réfugiés palestiniens qui ont perdu leurs maisons en 1948, et qui risquent maintenant d'être déplacés pour la deuxième fois», a-t-elle avisé le Conseil.
«Au-delà des implications géopolitiques, ces mesures violent sévèrement le droit des Palestiniens au logement, ainsi qu'à la vie familiale et communautaire, en tant que groupe minoritaire occupé, protégé par le droit international. Le gouvernement israélien dit son action légitime dans le cadre des institutions démocratiques. Cependant, ces institutions sont pour la plupart inaccessibles aux Palestiniens de Jérusalem-Est, qui eux sont dépourvus de droits politiques (et ne peuvent) participer aux processus législatifs et politiques qui régissent leur vie».
Hastings, la coordinatrice de l'ONU, chiffre le coût estimé de redressement et de la reconstruction à court terme à Gaza après les hostilités de mai entre $345 et $485 millions.
Des efforts internationaux pour remédier à la situation sont en cours, mais elle a appelé Israël à mettre en œuvre des mesures supplémentaires pour l'entrée sans entrave de l'aide humanitaire.
Hastings a en outre exhorté le Hamas et d'autres groupes armés à cesser «le lancement d'engins incendiaires, de roquettes et de mortiers et à mettre fin à la mobilisation des militants».
Hastings a appelé l'Autorité palestinienne à veiller à ce qu'une enquête approfondie soit menée sur la mort de Banat et sur «toutes les allégations d'usage d'une force disproportionnée contre les manifestants par les forces de sécurité palestiniennes». Les responsables doivent répondre de leurs actes, dit-elle.
«Le peuple palestinien doit pouvoir exercer ses droits relatifs à la liberté d'expression, d'opinion et de rassemblement pacifique», dit-elle. «Les arrestations arbitraires et politiquement doivent cesser».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com