PARIS : Des condamnations nombreuses, mais jamais pour terrorisme : après des débuts parasités par des problèmes techniques et des querelles sur le masque, le procès des attentats de janvier 2015 est entré dans le vif du sujet jeudi à Paris, avec l'examen du profil des accusés.
"J'ai profondément honte de me retrouver aujourd'hui devant le tribunal pour une affaire comme ça. J'ai honte et un mal-être permanent", finit par lâcher Miguel Martinez, 38 ans, entendu par la cour d'assises spéciale jeudi soir, au deuxième jour du procès.
Converti à l'islam après le décès de son père au début des années 90, l'accusé, crâne rasé et forte corpulence, assure être "vacciné contre le terrorisme depuis très longtemps".
Il comparaît depuis mercredi au côté de dix autres accusés, soupçonnés de soutien logistique aux frères Saïd et Chérif Kouachi et à Amédy Coulibaly, auteurs des sanglantes attaques contre Charlie Hebdo, des policiers et le magasin Hyper Cacher. Ces attentats ont fait 17 morts et semé l'effroi et la consternation dans le monde.
Ambulancier, gérant de garage, sans profession... Ces hommes âgés de 30 à 67 ans présentent des profils divers, mais ont un point commun : de multiples condamnations, pour vol, violences, trafic de stupéfiants ou escroqueries.
Jusqu'à leur mise en cause dans le dossier des attentats de janvier 2015, jamais en revanche ils n'avaient été impliqués dans des affaires de terrorisme.
Tour à tour, ils clament leur innocence, affirmant n'avoir jamais adhéré aux thèses jihadistes.
"Cette image" selon laquelle "je suis un terroriste, alors que je suis loin de tout ça, c'est assez choquant. Je ne suis pas radical", assure Saïd Makhlouf, 30 ans, confiant vivre difficilement sa détention faite depuis cinq ans de "fouilles à nu" visant à le "casser".
"Pour moi la religion, ça n'a jamais été d'assassiner des gens. Dans ma famille musulmane, ça a toujours été la paix. C'est comme ça que j'ai été éduqué", martèle de son côté Abdelaziz Abbad, 36 ans, liant son implication dans le dossier à ses "mauvaises fréquentations".
"On n'entend rien !"
Sur les quatorze accusés, trois manquent à l'appel : Hayat Boumeddiene, compagne d'Amédy Coulibaly, et les frères Belhoucine, tous trois partis quelques jours avant les attaques pour la zone irako-syrienne. Leur mort, évoquée par diverses sources, n'a jamais été officiellement confirmée.
Leur parcours sera examiné vendredi, avec celui de plusieurs autres accusés, si les problèmes techniques ne viennent pas à nouveau perturber les débats.
Pendant plusieurs heures jeudi, des coupures de micros et des difficultés de retransmission ont en effet parasité les échanges devant la cour d'assises, diffusés en direct dans trois salles, ainsi que dans l'auditorium réservé au public.
Les premiers interrogatoires des accusés ont ainsi été interrompus à plusieurs reprises, irritant des avocats, qui criaient "on n'entend rien" comme le président de la cour d'assises Régis de Jorna, contraint de faire intervenir des techniciens.
Une avocate de parties civiles, Me Marie-Laure Barré, a dû venir à plusieurs reprises signaler à la cour que le son était inaudible dans l'une des salles de retransmission.
"Monsieur le président, il faut faire quelque chose", s'est-elle emportée. "On ne peut pas continuer dans ces conditions", a abondé Me Christian Saint-Palais, avocat de l'un des quatorze accusés.
Ces soucis techniques sont venus s'ajouter aux contraintes liées au Covid-19. Dès l'ouverture du procès, mercredi, le président de Jorna avait rappelé à tous l'obligation de port du masque permanent. Plusieurs avocats s'en sont émus, inquiets de voir cette mesure nuire à la défense des accusés.
"Vous allez juger des hommes dont vous ne voyez pas le visage", a dénoncé Me Beryl Brown, qui défend un des accusés. Cet argument a été retenu par la cour, qui a décidé d'autoriser les mis en cause et les avocats à enlever leur masque pour s'exprimer.
Une décision regrettée par Me Saint-Palais : "Si un seul de nous est contaminé, le procès sera suspendu", a-t-il prévenu, en pointant une incongruité : "on enlève le masque au seul moment où la contamination est possible", via des "postillons".