ALGER: Le phénomène de la migration irrégulière reprend de plus belle à partir des côtes algériennes. En moins de deux mois, plus de 2 000 Algériens ont pris la mer, notamment en direction de l’Espagne. Phénomène relativement nouveau en Algérie, les contingents de migrants (harragas en dialecte local) ne sont plus constitués exclusivement de jeunes célibataires. Hommes et femmes de tous âges, issus de toutes les catégories sociales, y compris en famille, tentent désormais la traversée de la Méditerranée.
Des chiffres parlants
Contacté le vendredi 23 juillet, Raouf Farah, expert en questions migratoires et analyste senior à Global Initiative against Transnational Organized Crime, affirme que «dans les dernières soixante-douze heures, plus de 570 personnes ont été interceptées en Espagne dont une écrasante majorité (plus de 90%) d’Algériens, dont des dizaines de femmes et d'enfants. Au cours des quatre derniers jours, il est estimé que 825 personnes seraient arrivées sur les côtes espagnoles dont un quart aurait échappé aux garde-côtes espagnols.»
Selon notre interlocuteur, cette saison estivale est marquée par de nombreux départs en raison de conditions météorologiques favorables, bien que, précise-t-il, «les données des années précédentes donnent les mois de septembre et octobre comme étant ceux où le nombre de départs en mer est le plus élevé».
Par ailleurs, les statistiques de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés pour l’Espagne concernant la semaine allant du 12 au 18 juillet 2021, affirment que le nombre d’arrivées par mer a bondi de 64% par rapport à la même période l’année passée (2020) et de 121% par rapport à la semaine précédente. L’agence précise également que 39% des personnes arrivées en Espagne de manière illégale durant la période s’étalant de janvier à septembre 2020 étaient des Algériens.
De son côté, Frontex, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, affirme que ses services ont localisé 870 personnes sur la route de la Méditerranée occidentale en direction de l'Espagne en juin 2021 et que «le nombre total de traversées au cours des six premiers mois de cette année s'est élevé à 5800, 27% de plus qu'au cours de la même période l'année dernière.», avant d’ajouter que «les ressortissants algériens représentaient plus de 60% de toutes les arrivées sur cette route, suivis par les Marocains».
À l’exception de la première moitié de l’année 2019 qui coïncida avec le mouvement du Hirak, le phénomène des traversées irrégulières de la Méditerranée à partir des côtes algériennes est en forte progression depuis plusieurs années.
Une politique répressive
Avec la fermeture des frontières en raison de la crise sanitaire de Covid-19, certains observateurs craignent une augmentation de l'immigration irrégulière en provenance d'Algérie en particulier, et de la rive sud de la Méditerranée en général, sachant que l'espace pour l'immigration légale s’est considérablement rétréci. Il existe également des inquiétudes quant à la situation économique et politique extrêmement tendue à laquelle est confronté le pays; ce qui pourrait conduire de nombreux Algériens à regarder du côté de la rive nord du bassin méditerranéen.
Afin de faire face à ce phénomène social, les autorités algériennes ont opté pour sa criminalisation. C’est ainsi qu’en 2009, ont été promulguées des dispositions pénales contre la migration irrégulière par voie maritime par la loi n°09-01 du 25 février 2009, qui prévoient des peines de deux à six mois de prison et 20 000 à 60 000 dinars algériens (1 DA = 0,0063 euro) d’amende pour tout Algérien ou étranger résident qui «quitte le territoire national de façon illicite».
Plus de dix ans après la promulgation de cette loi, force est de constater que cette approche répressive a montré ses limites, le nombre de départs étant en nette augmentation.