TOKYO : Deux salles, deux ambiances: alors que le softball a ouvert le bal des épreuves sportives des Jeux olympiques de Tokyo mercredi matin, le patron de l'organisation mondiale de la santé a rappelé que "la course contre le virus" du Covid-19 n'était toujours pas gagné.
Ces JO seront décidément hors-normes: dans un silence de cathédrale en raison du huis-clos, seulement interrompu par quelques encouragements de ses partenaires, la Japonaise Yukiko Ueno a lancé à 09h00 locales (00h00 GMT) les Jeux et la première balle du match de softball contre l'Australie, à Fukushima. Une première bouffée d'oxygène pour ces JO, reportés d'un an pour raisons sanitaires, qui se disputeront sous des conditions strictes, deux jours avant la traditionnelle cérémonie d'ouverture officielle, vendredi soir.
Le coup d'envoi de ce match de softball (version féminine du baseball), depuis Fukushima - dont la région a été gravement affectée par l'accident nucléaire de mars 2011 consécutif à un puissant séisme et à un tsunami meurtrier - devait être le symbole fort de ces "Jeux de la reconstruction": c'était la formule employée en 2013, au moment de l'attribution de ces Jeux à la capitale japonaise.
Mais depuis, le Covid est passé par là.
Et au moment même de ce premier lancer, à 300 km au sud à Tokyo, le discours du directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus, invité à s'exprimer devant la 38e session du Comité international olympique, a rappelé que ces XXXIIe JO d'été seraient plutôt "les Jeux de la pandémie".
Invité inattendu
"Nous ne sommes pas dans une course les uns contre les autres, nous sommes dans une course contre le virus", a déclaré le directeur général de l'agence onusienne face aux membres du CIO réunis dans la capitale japonaise pour leur 138e session. "Pour réussir ces Jeux olympiques, il faut de la vitesse, de la force et de l'habileté, mais aussi de la détermination, du dévouement et de la discipline", a-t-il souligné, appelant le monde à faire preuve des mêmes qualités pour "triompher de la pandémie".
Alors que le Covid-19 a déjà fait plus de quatre millions de morts, "nous sommes au premier stade d'une nouvelle vague d'infections et de décès", et "100.000 personnes supplémentaires perdront la vie d'ici l'extinction de la flamme olympique le 8 août", a-t-il insisté. "La pandémie prendra fin lorsque le monde choisira d'y mettre fin. Tout ceci est entre nos mains", a-t-il lancé, appelant à accélérer l'administration de vaccins et surtout à partager plus équitablement les doses entre pays.
Au Japon, le bilan quotidien des tests effectués depuis le 1er juillet sur les personnes travaillant sur les JO (sportifs, encadrements, médias) affichaient mercredi 79 cas positifs, sur plus de 20.000 personnes testées. Pendant ce temps, à Fukushima, les Japonaises remportaient finalement leur premier match de la compétition, lors d'un huis clos seulement entrecoupé d'un habillage musical lors des changements de joueuses... avec toutefois un invité inattendu: un ours, aperçu sur le site dans la nuit de mardi à mercredi et à nouveau mercredi matin. Des Jeux hors-normes ont débuté.
JO-2020: la technologie peut-elle compenser l’absence de public?
TOKYO : Alors que les Jeux olympiques de Tokyo s'ouvrent vendredi dans un huis clos quasi-total à cause de la pandémie, les téléspectateurs pourront compter plus que jamais sur les progrès des technologies de diffusion pour leur faire vivre l'événement en immersion.
Après le report des Jeux d'un an dû à la pandémie, "nous avons pris l'engagement de ne pas réduire l'amplitude et la qualité de notre couverture", explique à l'AFP Yiannis Exarchos, directeur général d'Olympic Broadcasting Services (OBS), société chargée de filmer et diffuser tous les JO depuis 2008.
Les retransmissions olympiques ont bien évolué depuis la première expérience télévisée à Berlin en 1936, avec trois caméras captant des images pour un public installé à quelques kilomètres de là. Les équipes d'OBS se préparent ainsi à filmer pendant ces JO-2020 quelque 9.500 heures d'images - 30% de plus qu'à Rio en 2016 - mises à disposition des chaînes de télévision du monde entier ayant acquis les droits de diffusion, et promettent aux téléspectateurs une expérience améliorée par diverses nouveautés technologiques.
Parmi ces innovations, Yiannis Exarchos cite le 3D Athlete-Tracking, un système combinant les images de plusieurs caméras grâce à l'intelligence artificielle pour revoir des actions sportives sous tous les angles. "Quelques secondes après un 100m, vous pouvez recréer toute la course en 3D et identifier par exemple les pics de vitesse des athlètes, un bon moyen pour montrer aux téléspectateurs les coulisses de ces performances incroyables", décrit-il.
Bruits de public enregistrés
Pour la première fois, les Jeux seront intégralement filmés et mis à disposition des chaînes en ultra-haute définition (4K), et les téléspectateurs japonais disposant d'un téléviseur adéquat auront même droit pour certains sports à une diffusion en 8K, standard à la définition quatre fois supérieure sur lequel planche depuis 1995 la chaîne publique japonaise NHK, leader mondial dans ce domaine.
"L'un des points forts de la 8K est de rendre de manière inégalée le détail du mouvement des corps à l'écran", explique Takayuki Yamashita, du centre de recherche technologique de la NHK, évoquant notamment les ralentis de haute qualité permis par des caméras développées récemment.
"Il ne faut pas non plus que ce soit la course aux K", pense toutefois le directeur des sports de France Télévisions Laurent-Eric Le Lay, avant d'évoquer une nouveauté de la chaîne pour ces Jeux, un plateau de télévision qui semblera immergé dans la Baie de Tokyo grâce à la réalité virtuelle.
"On va créer une bulle de verre virtuelle, avec un décor qui montrera les plus beaux immeubles de Tokyo derrière. Il y aura un très gros travail pour faire vivre ce plateau." Pour pallier l'absence de spectateurs dans les stades, OBS a créé à partir des enregistrements de Jeux précédents des ambiances sonores adaptées à chaque sport, qui seront diffusées sur les lieux de compétition.
Les sportifs privés de public pourront quand même voir les fans les encourager, via des écrans affichant des mosaïques de selfies vidéos envoyés du monde entier, et être connectés en vidéo à leurs proches dès la fin de leurs épreuves.
«Au service du storytelling»
Les mesures sanitaires drastiques ont forcé les diffuseurs nationaux, à qui OBS fournit les images, à dépêcher moins de personnel au Japon, assurant une partie des opérations techniques comme la réalisation depuis leur propre pays.
Optimisant son dispositif comme la majorité des diffuseurs, France Télévisions envoie ainsi 180 collaborateurs sur place, contre 210 à Rio en 2016, un changement rendu possible grâce à l'adoption par OBS des technologies IP et du Cloud, permettant de manipuler à distance des fichiers informatiques toujours plus volumineux.
Mais "il est très important pour nous qu'une partie du dispositif reste sur place, notamment tout l'aspect éditorial et commentaire des épreuves", note M. Le Lay, qui précise que France Télévisions enverra plus d'une trentaine de journalistes et une quarantaine de consultants sportifs.
Les interviews des sportifs tricolores seront ainsi réalisées au Japon: "je pense que pour les téléspectateurs français c'est important d'être sur place, plutôt que d'être à Paris avec un Skype mal cadré sur les athlètes." "La technologie doit être au service du storytelling", résume Yiannis Exarchos: "C'est un de nos mantras incontournables: nous adorons la technologie, mais elle doit être utilisée pour raconter les histoires des meilleurs athlètes du monde."