PARIS: Roger Fauroux, ancien PDG du groupe Saint-Gobain et ministre de l'Industrie sous François Mitterrand, est décédé vendredi soir à l'âge de 94 ans, ont annoncé samedi l'un de ses fils et Saint-Gobain.
Grand capitaine d'industrie de la France des Trente Glorieuses, Roger Fauroux était un humaniste au riche curriculum vitae.
"Ce n’était pas seulement un homme tourné vers les affaires mais aussi un amoureux des lettres", a souligné son fils Nicolas Fauroux.
Ce chrétien convaincu, qui a oeuvré inlassablement à la recherche de consensus, était aussi un expert de grandes causes sociétales comme l'éducation, l'intégration ou le logement. Une vocation, disait-il, liée autant à sa passion pour "le service de l'intérêt général" qu'à une incurable "curiosité" héritée de l’enfance.
Né le 21 novembre 1926 à Montpellier (Hérault), normalien, licencié en théologie, agrégé (reçu premier à l'agrégation d'allemand) et énarque, il avait rejoint au début des années 1960 l'un des fleurons de l'industrie française, l'entreprise Pont-à-Mousson.
Il en a gravi tous les échelons, jusqu’à prendre en 1980 la présidence du groupe devenu Saint-Gobain (production, distribution de matériaux). Il conservera son poste après la nationalisation de l'entreprise en 1982 par le gouvernement socialiste, et en sera, bien plus tard, président d'honneur.
En 1986, il était devenu le premier industriel à diriger l'Ecole nationale d'administration (ENA) dont il a travaillé à réformer le statut.
Puis, après avoir présidé les éditions du Cerf, il fut nommé ministre de l'Industrie et de l'Aménagement du territoire dans les deux gouvernements Rocard (1988-1991).
De 1997 à 2001, succédant à Simone Veil, il avait présidé le Haut Conseil à l'intégration, l'instance fondée par Michel Rocard en 1990 après les premières affaires de voile à l'école.
M. Fauroux a ensuite consacré son temps à ses mandats d'administrateur de sociétés et à la rédaction de différents rapports, notamment sur l’école et la lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l'emploi.
En 1999, il s'était vu confier une mission interministérielle sur les Balkans.
Passionné de langues étrangères, il a présidé pendant plusieurs années l'Institut Catholique, et fut un des cofondateurs, avec notamment François Furet, de la Fondation Saint-Simon. Ce club de réflexion (1982-1999), qui regroupait universitaires et dirigeants d'entreprises, fut pendant cette quinzaine d'années une référence du monde politique et intellectuel.
"Comme Saint-Simon", disait-il au Monde en 1990, "je crois au progrès, à l'action humaine et à la raison, à l'éducation et à la morale, à l'esprit d'entreprise et à l'État. Je crois au marché mais pas à ses miracles. Bref, je crois à l'industrie des hommes".
En 2001, il avait publié "Notre Etat" avec Bernard Spitz, un essai sur la réforme de l'Etat français qui avait remporté un grand succès. Il avait récidivé en 2004 avec "Etat d'urgence", toujours avec M. Spitz. Sous leur houlette, plusieurs experts portaient alors un diagnostic sur l'Etat en France et proposaient un ensemble de réformes.
En 1981, ce père de six enfants était revenu sur les terres familiales en achetant une ferme en Ariège, près de Saint-Girons, dont il fut le maire divers gauche de 1989 à 1995.
M. Fauroux, élevé à la dignité de Grand-croix de la Légion d'honneur en 2016, s’était retiré des affaires publiques depuis plusieurs années. Son épouse, Marie, historienne, décédée en avril, était la sœur du grand historien Emmanuel Leroy-Ladurie.