LONDRES: Le géant américain du tabac Philip Morris a annoncé vendredi un accord pour racheter pour un milliard de livres Vectura, société britannique spécialisée dans les inhalateurs médicaux destinés à soigner les maladies notamment liées... au tabagisme.
Le groupe explique qu'il se développe "dans les produits hors du tabac et de la nicotine dans le cadre d'une évolution naturelle vers la santé et le bien-être", d'après un communiqué publié sur le site de la Bourse de Londres.
Il rappelle avoir annoncé en février l'objectif de générer au moins un milliard de dollars de chiffre d'affaires d'ici 2025 dans les produits sans nicotine, et "a identifié les inhalateurs de médicaments comme une priorité".
Le géant du tabac revendique son but de "remettre en cause son activité traditionnelle, la fabrication et vente de cigarettes, et d'accélérer la fin du tabagisme".
"C'est un peu comme si le braconnier se retrouvait protecteur des animaux dans cette transaction", commente Russ Mould, analyste d'AJ Bell.
Philip Morris "semble vouloir utiliser son expertise de l'inhalation dans un but positif", poursuit-il.
Il relève cependant que les actionnaires de Vectura pourraient certes être "attirés par l'offre en cash mais repoussés par des considérations éthiques ou sociales et se retrouver chez un fabricant de cigarettes au lieu de rester une entreprise qui travaille pour la santé des gens".
Les dirigeants de Philip Morris ont répété que les ventes de tabac pourraient s'interrompre d'ici "10 à 15 ans" dans certains pays comme au Japon.
Le groupe ne prévoit pas la disparition du tabac mais plaide pour l'essor d'alternatives potentiellement moins dangereuses pour la santé comme le tabac à chauffer, qui à la différence d'une cigarette traditionnelle, se consomme sans combustion et sans papier.
L'effet du tabac à chauffer ou des cigarettes électroniques sur la santé reste mal connu. Ils contiennent certes moins de substances toxiques mais toujours de la nicotine, qui entraîne la dépendance.
Murano Bidco, un consortium mené par le fonds Carlyle qui avait fait une première offre avant que Philip Morris ne surenchérisse, a réagi vendredi en déclarant "évaluer ses options".
Cette possible nouvelle guerre d'enchères pour une entreprise britannique par des sociétés étrangères risque de relancer les craintes sur une offensive visant "le Royaume-Uni S.A.".
L'acquisition annoncée des supermarchés britanniques Morrisons par un consortium d'investisseurs mené par le fonds Fortress, propriété du japonais Softbank, et la marque d'intérêt concurrente de l'américain Apollo avaient suscité l'émoi dans le pays il y a quelques jours.
M. Mould note que les sociétés britanniques semblent être devenues "des proies de choix pour les prédateurs étrangers".
Certains commentateurs et médias estiment que le Brexit et la pandémie, qui ont pesé sur le cours de nombre de valeurs britanniques, les ont rendues vulnérables à ce type de prises de contrôles.