BEYROUTH : L'ambassadeur saoudien au Liban Walid Boukhari a déclaré jeudi que la profonde relation entre le Royaume et le Patriarcat maronite constitue une «véritable garantie» pour préserver un État «libre, souverain et indépendant».
Boukhari a fustigé le «discours, sans aucun réel bien-fondé, qui véhicule le conflit et la division, et celui qui mine l'identité arabe du Liban».
Des observateurs politiques à Beyrouth expliquent à Arab News que «le timing de la prise de position saoudienne est extrêmement important», d'autant plus qu’il offre aux parties concernées l’assurance que le Royaume ne compte pas «abandonner» le pays pris dans une crise politique, financière et économique.
L'Arabie saoudite «ne va pas laisser le Liban affronter seul un destin funeste ou lui permettre de graviter autour d’axes qui l’éloignent de son identité arabe», estiment-ils.
Boukhari s'exprimait à Bkerké, siège du Patriarcat maronite, lors d'un événement qui marquait la parution du livre «Les relations du patriarcat maronite avec le Royaume d'Arabie saoudite» du Père Antoine Daou.
Ses propos surviennent alors que l'ambassadrice américaine au Liban Dorothy Shea et son homologue française Anne Grillo s’entretiennent à Riyad avec un nombre de responsables saoudiens.
Leur visite fait suite à la réunion tripartite du 29 juin sur le Liban entre le secrétaire d'État américain Antony Blinken, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et le ministre saoudien des Affaires étrangères Faysal ben Farhane. La rencontre a eu lieu en marge du sommet du G20 à Matera, en Italie.
Boukhari a également appelé jeudi les partis politiques libanais «à prioriser l'intérêt national du Liban» afin de faire face à certaines tentatives de nuire à la dimension profondément arabe du pays.
La préface de la constitution «déclare sans équivoque que le Liban est l’ultime patrie de tous ses citoyens et souligne le caractère arabe de son identité et son appartenance. Toute autorité qui s’oppose à la charte (qui balise) cette coexistence n’a aucune légitimité», poursuit-il.
Boukhari a insisté sur «l'importance du rôle national et global du Patriarche Béchara Boutros Raï», et recommandé «le maintien de la diversité et la coexistence, dont les fondements ont été définis par l'Accord de Taif, dépositaire de l'unité nationale et de la paix civile au Liban».
L'envoyé a de plus assuré que le Royaume «ne permettrait sous aucun prétexte que l'identité du Liban soit compromise».
Les chrétiens et les musulmans «sont tous deux des éléments essentiels de cette identité arabe orientale authentique», rappelle-t-il.
Un délégué du président Aoun et des personnalités politiques, militaires, syndicales, religieuses et diplomatiques ont assisté à cet événement.
De son côté, Raï estime que «cette réunion inclusive fait office d’appel sincère à un rassemblement national globale qui assurera le salut du Liban».
Selon lui, le gouvernement «doit être formé, et les élections parlementaires et présidentielles doivent se tenir à temps tel que prévu par la constitution». Ce serait le seul moyen de se retrouver sur la «trajectoire du salut».
Raï a également ajouté que l'Arabie saoudite «a toujours compris le sens et la valeur de l'existence du Liban au cœur du monde arabe, et n'a jamais tenté d’attiser des conflits. Au contraire, (elle) a toujours cherché à préserver la position neutre du Liban et à assurer sa souveraineté et son indépendance».
Raï rappelle par ailleurs que l'Arabie saoudite «n'a pas porté atteinte à la souveraineté du Liban, violé son indépendance et ses frontières, ou impliqué dans des guerres. Elle n'a pas déstabilisé sa démocratie et n'a pas abandonné son État».
Il souligne que le Royaume «a soutenu le Liban dans les forums arabes et internationaux, lui a fourni une aide financière et a investi dans ses projets de régénération économique et urbaine».
Raï a de plus ajouté que le pays «a parrainé des réconciliations et des solutions, accueilli les Libanais et leur a fourni des résidences et des opportunités d'emploi».
«Avec l'Arabie saoudite, l'arabisme reflète l'ouverture, la modération, le respect des spécificités de chaque pays, de chaque peuple et de chaque groupe, ainsi que l'attachement au concept de souveraineté et d'indépendance. (….) L'arabisme dans ce contexte une émotion, et non un projet idéologique qui remet en question les sentiments et les caractéristiques nationales et minimise les nationalités et les identités».
Entre-temps, un communiqué de l'ambassade américaine a indiqué que Shea «discutera de la gravité de la situation au Liban lors de ses réunions en Arabie saoudite».
L'ambassadrice «mettra l'accent sur l'importance de l'aide humanitaire au peuple libanais, ainsi que sur un soutien accru aux forces armées libanaises et aux forces de sécurité intérieures».
En partenariat avec ses homologues français et saoudien, Shea continuera ainsi à développer «la stratégie diplomatique trilatérale (préconisée par les États-Unis) axée sur la formation d’un gouvernement, et l'impératif d'entreprendre des réformes urgentes et cruciales dont le Liban a désespérément besoin», poursuit le communiqué.
L'ambassade de France affirme pour sa part que la visite de Grillo en Arabie saoudite «est une extension de la réunion en Italie».
Elle révèle par ailleurs que Le Drian et Blinken «ont déjà constaté à Paris le 25 juin l'incapacité des leaders politiques libanais de prioriser à ce jour l'intérêt public du Liban plutôt que les leurs, et ont convenu de la nécessité pour la France et les États-Unis d’œuvrer ensemble pour sortir le Liban de la crise».
Lors de ses entretiens, l'ambassadrice de France «mettra l'accent sur l'urgente nécessité de voir les responsables libanais former un gouvernement efficace et crédible qui mette en œuvre les réformes nécessaires dans l'intérêt du Liban, conformément aux aspirations du peuple libanais», ajoute le communiqué.
Avec son homologue américaine, Grillo exprimera la volonté de la France et des États-Unis de coopérer avec leurs partenaires régionaux et internationaux de façon à faire pression sur les responsables de tous ce désordre au Liban.
Elle «mettra l'accent sur la nécessité que l'aide humanitaire française soit fournie directement au peuple libanais, aux Forces armées libanaises et aux Forces de sécurité intérieure, que la France et les États-Unis vont continuer de soutenir», a affirmé le communiqué.
Lors d'une rencontre avec des diplomates mardi, Grillo a également répondu au Premier ministre par intérim du Liban, Hassan Diab, qui accuse la communauté internationale d’assiéger le Liban.
«La crise libanaise est le résultat d'une mauvaise gestion qui a duré des décennies, et non le résultat d'un blocus international», a martelé Grillo.
«La classe politique est la seule responsable; c’est vous qui imposez le blocus car vous refusez de former un gouvernement», tonne la diplomate.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com