PARIS :Le Sénat dominé par l'opposition de droite se lance mercredi pour deux semaines dans l'examen en première lecture du projet de loi sur la décentralisation, qui laisse sur leur faim aussi bien les sénateurs que les collectivités.
Quelque 1600 amendements ont été déposés sur ce texte porté avec ténacité par la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault, et déjà étoffé en commission.
Le texte 4D devenu 3Ds -pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification- répond à une demande d'Emmanuel Macron. Il ambitionne d'offrir aux territoires "les moyens d'être plus dynamiques, plus agiles face aux principaux défis auxquels ils font face: la transition écologique, le logement, les transports ainsi que la santé et les solidarités".
La crise du Covid-19, en mars 2020, a donné un coup de projecteur à ces échelons de proximité.
La chambre des territoires l'attendait de pied ferme, forte des "50 propositions pour le plein exercice des libertés locales" qu'elle avait elle-même formulées en juillet 2020.
Mais si la ministre a vanté "un tournant dans les relations entre l'État et les collectivités", les sénateurs ne cachent pas leur déception devant "l'extrême timidité" du texte.
Les collectivités sont aussi déçues, à l'image d'André Laignel, vice-président (PS) de l'Association des maires de France (AMF): "Ce texte servira plus la communication du gouvernement qu'il modifiera fondamentalement les relations entre l'Etat et les collectivités".
Pour l'Association des petites villes de France, il reste "au milieu du gué et manque singulièrement d'ambition". "Si nous ne préconisons pas le grand soir, ce n'est pas pour accepter de nous acheminer à bas bruit vers un petit matin morne", ont écrit ses responsables dans une tribune au Monde.
«Un peu de souffle»
A l'issue de l'examen en commission, la corapporteure centriste Françoise Gatel a assuré que le Sénat avait l'intention "d'achever cette architecture bancale".
"Nous nous sommes attachés à donner un peu de souffle" à ce texte, a-t-elle ajouté. Sur le premier point de la différenciation, les sénateurs ont accru la portée des mesures en affirmant que "la différenciation doit être un objectif pour garantir l'égalité des droits".
La rapporteure propose, comme déjà voté par le passé par le Sénat, un transfert "à la carte" de compétences au sein des collectivités.
Le volet décentralisation décline "des mesures timides pour ne pas dire évanescentes", a regretté Mathieu Darnaud, corapporteur LR.
Les rapporteurs demandent le transfert aux collectivités de la médecine scolaire, des directeurs d'établissements de petite enfance, et des gestionnaires de cantines scolaires.
Ils proposent de confier aux régions l'exercice de la compétence du service public de l'emploi.
En matière de transports, le projet de loi ouvre la possibilité aux collectivités d'élargir leurs compétences aux petites lignes ferroviaires et aux routes nationales.
"Nous ne connaissons pas encore la liste des routes qui ont vocation à être transférées de l'Etat vers les collectivités territoriales", s'agace Mathieu Darnaud (LR).
Quant à la simplification, "la plupart des mesures n'apportent quasiment rien et une grande partie, que nous avons supprimées en commission, sont de nature à complexifier les choses, à apporter des contraintes supplémentaires et des charges nouvelles aux collectivités", déplore-t-il.
Dans le champ de la santé et du médico-social, la commission des Affaires sociales a retoqué, dans l'attente d'informations complémentaires, l'expérimentation de la recentralisation du financement et de la gestion du revenu de solidarité active (RSA).
Pour la gouvernance des Agences régionales de santé (ARS), elle propose une coprésidence par le préfet et le président de région.
Par ailleurs, le projet de loi vise à simplifier la vie entre les collectivités frontalières, une dimension qui ne figurait pas dans la première mouture présentée en décembre, en levant notamment des obstacles bureaucratiques dans le domaine de la santé et des transports.
Le Sénat se prononcera sur l'ensemble du projet de loi le mercredi 21 juillet. Mais l'Assemblée nationale ne s'en saisira pas avant la rentrée.