AVIGNON: Le Festival d'Avignon, qui a démarré lundi, après l'annulation de l'édition 2020 pour cause de pandémie, s'est doté d'un nouveau directeur: le Portugais Tiago Rodrigues, premier étranger à diriger la prestigieuse manifestation théâtrale française.
Située dans le sud-est de la France, Avignon redevient la capitale du théâtre pendant quatre semaines, mais va vivre au rythme des restrictions sanitaires: centres de dépistage, distribution d'autotests, aération des salles de 40 minutes et surtout masque dans la rue - à la différence du reste de la France - en raison de l'affluence. Cette dernière mesure était inégalement respectée lundi parmi les passants.
Pour les organisateurs, l'heure est à la fête, avec la reprise des spectacles dans la Cité des Papes et la nomination de Tiago Rodrigues, qui succédera en septembre 2022 à Olivier Py.
À 44 ans, ce metteur en scène portugais est un des plus en vue d'Europe. Il dirige depuis 2014 le Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne, équivalent au Portugal de la Comédie-Française.
"C'est le plus beau festival au monde", a-t-il déclaré lors d'un point de presse au Palais des Papes, haut lieu de la ville et du festival, disant vouloir consacrer toute son énergie "à cette grande fête de la liberté artistique et de la démocratisation culturelle".
"Je voudrais remercier la France (...) qui accueille et a accueilli tellement de migrants et d'exilés, tellement de Portugais, notamment mon père, qui s'est échappé de la dictature au Portugal", a-t-il ajouté.
Avec Isabelle Huppert
Le président de son pays natal, Marcelo Rebelo de Sousa, a félicité le metteur en scène, qui "a été ces dernières années un des noms les plus célébrés du théâtre portugais et européen", tandis que le Premier ministre Antonio Costa a salué sur Twitter une nomination qui "atteste de la visibilité du théâtre portugais sur la scène européenne".
Quant au ministère de la Culture portugais, il a rendu hommage à "un ambassadeur de la Culture contre la haine et l'intolérance" et "une attitude engagée avec son temps".
"C'est le premier étranger à devenir directeur du festival, mais il n'est pas vraiment un étranger", a plaisanté la ministre française de la Culture Roselyne Bachelot après avoir annoncé sa nomination.
Tiago Rodrigues a été nommé quelques heures avant de présenter sa version de "La Cerisaie" de Tchekhov, avec Isabelle Huppert, dans la cour d'honneur où est traditionnellement donné le spectacle d'ouverture du Festival.
Parfaitement francophone, il connaît bien le festival: il y a triomphé avec "Antoine et Cléopâtre" de Shakespeare en 2015 et avec "Sopro" en 2017, où il rendait hommage au métier de souffleuse au théâtre.
«Euphorique»
Malgré l'ombre de la Covid qui plane encore - un spectacle sud-africain a été annulé en raison de contaminations au sein de l'équipe -, l'heure est aux retrouvailles.
Dans les ruelles de la ville fortifiée, le flux des festivaliers commence à grossir et des volontaires se pressent pour accrocher les affiches qui ornent traditionnellement les murs d'Avignon.
"Je suis euphorique, c'est comme si c'était mon premier festival!" s'enthousiasme son directeur, Olivier Py.
Une bonne nouvelle est tombée fin juin: jauge à 100% pour toutes les salles. "Ce n'était pas gagné", explique-t-il, évoquant "une renaissance".
"On a tellement eu 'On ouvre, on ferme, on ouvre, on ferme' que finalement, on a préparé le festival sans trop savoir ce qui va se passer. Là on est carrément en train d’afficher, c’est vraiment du réel", s'enthousiasme Sophie Vonlanthen, comédienne. "On sent le public aussi qui, dès qu’on pose une affiche, vient nous poser des questions. Il y a une ébullition".
Avec 21 lieux et 50 spectacles, le festival "in" se dit prêt, tout comme le "off", qui se tient parallèlement à la manifestation officielle. Les deux représentent un poids économique estimé à près de 65 millions d'euros.
Sébastien Benedetto, président de l'association qui gère le "off", le plus grand marché de spectacle vivant en France, est "soulagé": "Petit à petit, on est rassurés car on vend pas mal de billets et de cartes d'abonnements". Le "off" rassemble près de 1.500 spectacles en temps normal mais n'en présente que 1 070 cette année, avec cinq à six spectacles par salle, contre huit habituellement.