À Gaza, quand une bibliothèque donne aux enfants une chance de s'évader

La plupart des visiteurs de la bibliothèque sont des enfants et de jeunes adultes qui ont rarement accès aux livres chez eux. (Photo fournie)
La plupart des visiteurs de la bibliothèque sont des enfants et de jeunes adultes qui ont rarement accès aux livres chez eux. (Photo fournie)
La plupart des visiteurs de la bibliothèque sont des enfants et de jeunes adultes qui ont rarement accès aux livres chez eux. (Photo fournie)
La plupart des visiteurs de la bibliothèque sont des enfants et de jeunes adultes qui ont rarement accès aux livres chez eux. (Photo fournie)
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Publié le Vendredi 02 juillet 2021

À Gaza, quand une bibliothèque donne aux enfants une chance de s'évader

  • Fondée après la guerre de 2014, la bibliothèque publique Edward Saïd offre aux habitants de Gaza un accès gratuit à des œuvres intemporelles
  • «Il est rare de trouver des bibliothèques dans les maisons de Gaza », se désole Abou Toha

DUBAI : Alors qu’il fouillait dans les décombres du département d'anglais de son université, pulvérisée par une frappe aérienne israélienne, Mosab Abou Toha a balayé la fine pellicule de poussière qui recouvrait un livre enfoui sous les débris.

L’ouvrage, une anthologie de la littérature américaine classique, comprend des textes de grands écrivains tels que Ernest Hemingway et Walt Whitman.

Ce moment poignant passé dans les ruines de l'Université islamique de Gaza à l'été 2014, quand Israël et le groupe militant palestinien Hamas ont mené une guerre majeure pour la dernière fois, est resté gravé dans la mémoire d’Abou Toha.

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Abou Toha veut que les enfants palestiniens découvrent le monde extraordinaire de la littérature et grandissent au-delà des limites mentales et physiques de Gaza. (Photo fournie)

Les vagues d’émotions ont de nouveau déferlé sur l’homme de 28 ans pendant les onze jours tumultueux du mois de mai de cette année, quand les hostilités entre les anciens adversaires ont repris.

Poète et professeur d'anglais, témoin de quatre guerres importantes à Gaza depuis 2008, Abou Toha a constaté alors l’urgence de protéger l'accès du public aux ressources d'apprentissage et aux œuvres littéraires classiques au milieu du blocus accablant et des bombardements réguliers. 

C'est au lendemain de la guerre de 51 jours en 2014 , «la plus dure de toutes les guerres», qu'Abou Toha commence à recevoir des dons grâce à une campagne sur les réseaux sociaux, qui a jeté les bases de ce qui allait devenir la bibliothèque publique.

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Abou Toha : Ces enfants apprennent de nouvelles choses et ils seront meilleurs que moi. (Photo fournie)

Nommée en l'honneur du défunt universitaire et théoricien palestinien Edward Saïd, la première et unique bibliothèque anglophone de Gaza a ouvert ses portes en 2017 avec l'aide de collecteurs de fonds internationaux. Aujourd'hui, ses succursales à Beit Lahiya et Gaza comportent plus de 2 000 volumes, pour la plupart des ouvrages classiques de la littérature.

Les bibliothèques sont devenues un refuge au milieu du chaos, un lieu où les jeunes Palestiniens peuvent accéder librement aux œuvres intemporelles d'auteurs tels que William Shakespeare, Léon Tolstoï, Dr. Seuss, John Le Carré, Herman Melville, Mahmoud Darwish et, bien sûr, Edward Saïd.

Abou Toha décrit la bibliothèque comme une bougie dans le noir qui offre une échappatoire aux dures réalités de la vie à Gaza.

 

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Mosab Abou Toha espère que les jeunes Palestiniens videront leurs traumatismes quotidiens dans des activités créatives enrichissantes. (Photo fournie)

«Beaucoup d'enfants semblent heureux dans la rue» a-t-il déclaré à Arab News. « Ils vous sourient, mais au fond d’eux, ils sont traumatisés. Si vous vous asseyez avec eux et leur posez quelques questions, si vous creusez profondément dans leur subconscient, vous sauriez que ces enfants font des cauchemars la nuit».

«Ces enfants ont besoin d'un espace pour comprendre que ce qu'ils vivent n'est pas normal. Ce dans quoi ils vivent est anormal».

La passion d'Abou Toha pour la lecture et la langue anglaise découle d'une enfance où il était entouré de livres. Après avoir obtenu un baccalauréat en cours de langue, il a enseigné l'anglais dans les écoles de l’Agence de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA).

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La bibliothèque est un lieu où les jeunes Palestiniens peuvent accéder librement aux œuvres de William Shakespeare, Léon Tolstoï et John Le Carré. (Photo fournie)

Un tournant majeur, il est invité à se rendre aux États-Unis en 2019 en tant que poète invité à l'Université Harvard, dans le cadre du programme international Scholars at Risk (intellectuels à risque). C'était la première fois qu'il quittait la bande de Gaza.

«Je crois que mes expériences, surtout en tant qu'enfant qui n'a jamais voyagé hors de Gaza, qui y est resté jusqu'à l'âge de 27 ans, qui n'a pas d'aéroport dans son pays, qui n'a pas de port maritime, qui n'a jamais cessé d'entendre le bruit des drones dans le ciel et des bombardements de chars, m'a poussé à découvrir mon propre talent d'écriture créative», a révèle Abou Toha à propos de ses inspirations littéraires.

 

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Edward Saïd n'était pas seulement un Palestinien mais un citoyen du monde, et donner son nom à la bibliothèque est un honneur pour nous, affirme Abou Toha. (Photo fournie)

Il espère que d'autres jeunes Palestiniens videront également leurs traumatismes quotidiens dans des activités créatives enrichissantes.

«Je pense qu'il est très important pour les jeunes écrivains de parler de leurs expériences dans différents genres, à la fois en arabe et en anglais», souligne-t-il. «C'est un devoir. Vous devez dire au monde ce que vous voyez».

La plupart des visiteurs de la bibliothèque sont des enfants et de jeunes adultes, a-t-il expliqué, qui ont rarement accès aux livres à la maison. 

«Il est rare de trouver des bibliothèques dans les maisons de Gaza », se désole Abou Toha. «C'est même très rare, peut-être à cause des circonstances financières; les gens peuvent à peine mettre de la nourriture sur leur table».

«Mais certains enfants, quand ils viennent à la bibliothèque, voient ces livres, de belles tables et chaises, et ils veulent s'en servir», poursuit-il.

Pour Abou Toha, la bibliothèque est devenue l'œuvre de sa vie. Mais remplir les étagères s'est avéré être une lutte sans fin en raison du blocus hermétique. Chaque livraison de nouveaux livres est retenue et minutieusement fouillée par la douane israélienne.

 

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«Il est rare de trouver des bibliothèques dans les maisons de Gaza », se désole Abou Toha. (Photo fournie)

Néanmoins, grâce aux généreux dons de donateurs étrangers, dont de nombreux auteurs qui fournissent des éditions signées de leurs œuvres, la bibliothèque publique Edward Saïd est abondamment approvisionnée.

Même Noam Chomsky, le célèbre linguiste, philosophe et intellectuel américain, a contribué à la collection de la bibliothèque, en la décrivant la bibliothèque comme «une rare lueur vacillante de lumière et d'espoir pour les jeunes Gazaouis».

La famille d'Edward Saïd, après son décès en 2003 à l'âge de 67 ans, a aussi offert son soutien en envoyant des exemplaires des travaux influents du chercheur. Abou Toha n'a jamais rencontré Edward Saïd, mais il est convaincu que son nom est approprié pour la bibliothèque.

«C'est un symbole pour la Palestine, un symbole pour la liberté», a affirmé Abou Toha. «C’est un intellectuel public, qui n’a pas choisi de se mettre du côté de ceci ou de cela. Il a dit haut et fort ce qu'il pensait sans craindre l'Autorité palestinienne ou Israël ou encore l'administration américaine». 

«J’admets qu'il est un exemple marquant pour tous ceux qui recherchent la justice dans ce monde. Je crois qu'Edward Saïd n'était pas seulement un Palestinien mais un citoyen du monde, et donner son nom à la bibliothèque est un honneur pour nous».

 

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Le célèbre philosophe américain Noam Chomsky a contribué à la collection de la bibliothèque. (Photo fournie)

Les deux succursales de la bibliothèque ont eu la chance de survivre aux hostilités de mai de cette année avec des dommages minimes.

«Bien que cette guerre fût courte, l'ampleur du terrorisme, des destructions et des expulsions de familles était aberrante. C'était très vraiment difficile», a confié Abou Toha. «De nouvelles armes ont été utilisées et c'était incroyablement effrayant. Même maintenant, quand je me souviens de ce qui s'est passé, je ne peux pas croire que nous sommes encore en vie».

 

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Mosab Abou Toha contemple un livre qu'il a trouvé parmi les décombres à la suite d'une frappe aérienne israélienne. (Photo fournie)

Pour aider la communauté à se remettre sur pied, soutenir la bibliothèque et financer des programmes de soutien psychologique pour les familles touchées par la dernière guerre, Abou Toha a lancé une campagne de collecte de fonds qui a permis de récolter jusqu'à présent environ la moitié de son objectif de 20 000 $.

Il souhaite en outre ouvrir plusieurs succursales supplémentaires de la bibliothèque afin que beaucoup plus d'enfants palestiniens puissent découvrir et explorer le monde extraordinaire de la littérature, mettre leur sort en perspective et, finalement, grandir au-delà des limites mentales et physiques de Gaza. 

 

Ces enfants font des cauchemars la nuit, explique Mosab Abou Toha. (Photo fournie)
Ces enfants font des cauchemars la nuit, explique Mosab Abou Toha. (Photo fournie)

«Ce qui me donne espoir, c'est quand je vois des enfants venir à la bibliothèque, lire des livres, participer à des activités, rentrer chez eux, raconter à leurs parents ce qu'ils ont fait, et revenir le lendemain avec leurs amis», a dévoilé Abou Toha.

«C’est la seule chose qui me donne de l'espoir : que ces enfants apprennent de nouvelles choses, et qu'ils deviennent meilleurs que moi».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Nucléaire: le chef de la diplomatie iranienne à Oman pour de nouvelles discussions avec Washington

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  • L'agence de presse iranienne Mehr a diffusé une courte vidéo montrant M. Araghchi descendre d'un appareil officiel iranien à l'aéroport de Mascate
  • M. Araghchi se rendra à Mascate "à la tête d'une délégation composée de diplomates et d'experts techniques" pour mener ces discussions indirectes avec les Etats-Unis, avait auparavant indiqué le porte-parole de son ministère

TEHERAN: Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas  est arrivé vendredi à Oman pour une troisième session de discussions sur le nucléaire avec les Etats-Unis prévue samedi, Téhéran augurant de "possibles progrès" si Washington fait preuve de "bonne volonté, sérieux et réalisme".

L'agence de presse iranienne Mehr a diffusé une courte vidéo montrant M. Araghchi descendre d'un appareil officiel iranien à l'aéroport de Mascate.

M. Araghchi se rendra à Mascate "à la tête d'une délégation composée de diplomates et d'experts techniques" pour mener ces discussions indirectes avec les Etats-Unis, avait auparavant indiqué le porte-parole de son ministère, Esmaïl Baghaï.

Le département d'Etat américain a annoncé que l'émissaire du président Donald Trump, Steve Witkoff, participerait bien à ces pourparlers, dans la foulée des deux précédents rendez-vous à Mascate le 12 avril et Rome le 19, salués comme de bonnes discussions par Téhéran et Washington.

Ce troisième cycle prévoit une session de pourparlers techniques entre experts sur le programme nucléaire iranien, en complément de la négociation diplomatique principale.

Michael Anton, qui occupe le poste de responsable de la planification politique au sein du département d'Etat américain, dirigera les travaux techniques du côté américain.

L'agence de presse iranienne Tasnim a de son côté rapporté que les discussions techniques seront menées côté iranien par les vice-ministres des Affaires étrangères Kazem Gharibabadi et Majid Takht-Ravanchi.

Vendredi, M. Baghaï a déclaré que "pour que les négociations progressent, il faut une démonstration de bonne volonté, de sérieux et de réalisme de la part de l'autre partie".

Dans une interview jeudi, le ministre iranien des Affaires étrangères a déclaré que Téhéran "aborderait les négociations de samedi avec sérieux, et que si l'autre partie fait également preuve de sérieux, des progrès sont possibles".

Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a relancé sa politique dite de "pression maximale" contre l'Iran, avec qui les Etats-Unis n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980. Il a initié des négociations avec Téhéran, tout en menaçant de bombarder l'Iran en cas d'échec.


Soudan: deux années de guerre et toujours pas d’issue

Les personnes qui ont fui le camp de déplacés de Zamzam après qu'il soit tombé sous le contrôle du RSF, se reposent dans un campement de fortune dans un champ près de la ville de Tawila dans la région du Darfour occidental déchirée par la guerre au Soudan, le 13 avril 2025. (AFP)
Les personnes qui ont fui le camp de déplacés de Zamzam après qu'il soit tombé sous le contrôle du RSF, se reposent dans un campement de fortune dans un champ près de la ville de Tawila dans la région du Darfour occidental déchirée par la guerre au Soudan, le 13 avril 2025. (AFP)
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  • La reprise, le mois dernier, du contrôle de la capitale Khartoum a donné lieu à une petite lueur laissant espérer une issue au conflit
  • Elle a vite été balayée par l’intransigeance des deux parties concernées

PARIS: Depuis le 15 avril 2023, le Soudan est en proie à des affrontements meurtriers entre l’armée soudanaise et les Forces de Soutien Rapide « FSR ».

Le bilan de ces affrontements est très lourd, et s’élève, selon les Nations unies, à plus de 20 mille morts et 14 millions de déplacés.

La reprise, le mois dernier, du contrôle de la capitale Khartoum a donné lieu à une petite lueur laissant espérer une issue au conflit.

Elle a vite été balayée par l’intransigeance des deux parties concernées.

L’armée soudanaise, dirigée par le général Abdel Fatah Al-Burhan, a exigé que les « FSR » déposent leurs armes comme condition préalable à toute négociation.

Malgré leur défaite, les « FSR », menées par le général Mohamed Dagalo, dit Hemedti, n’ont prêté aucune attention à cette proposition.

Elles se sont repliées dans leur province d’origine, le Darfour, située à l’ouest du Soudan, et semblent se préparer à une guerre d’usure.

Selon les informations en provenance du Soudan, elles encerclent la ville d’El-Fasher, capitale de la province.

Si cette ville leur tombe entre les mains, elles contrôleront alors toute la région, ce qui fait dire à certains observateurs que Hemedti pourra, à partir de là, annoncer la formation de son propre gouvernement.

Après avoir été amputé du Sud-Soudan, le pays serait en voie de subir une nouvelle mutilation, puisqu’en février dernier les « FSR » et 24 organisations soudanaises ont signé une charte jetant les bases d’un gouvernement « de paix et d’unité ».

Ce n’est pas l’avis du directeur du Centre d’étude du monde arabe et méditerranéen « EMAM » à Tours, Marc Lavergne, qui doute de cette hypothèse.

Selon lui, « On ne voit pas très bien quel est l’élément qui peut souder ce mouvement », car chacun des groupes qui le constituent « lutte d’abord pour ses objectifs propres ».

Pas de lumière au bout du tunnel

Cette coalition, qui s’est regroupée autour des « FSR », a réussi à agréger beaucoup d’éléments de la société civile, ceux qui ont mené la révolution pacifique depuis avril 2019.

Mais cette coalition est des plus hétéroclites, indique Lavergne, puisqu’il y a en son sein « toutes sortes de formations, de partis politiques ou de groupes qui sont eux-mêmes divisés ».

D’autre part, il souligne l’incapacité des « FSR » à gérer une région, et affirme « que le problème de ces forces, c’est qu’elles sont incapables de gérer ce qu’elles gagnent ».

« Elles l’ont montré dans le désert. Elles l’ont montré dans l’est du Soudan », ajoute-t-il, à « force de tuer, de violer et puis de vivre sur l’habitant parce qu’ils n’ont pas de casernes, ils n’ont pas où loger ».

Pour Lavergne, « elles ne peuvent pas gagner, mais elles peuvent résister », et peuvent, par conséquent, « servir d’idiots utiles aux forces démocratiques. C’est un peu ce que j’imagine ».

Paradoxalement, du côté de l’armée, « il y a quand même cette solidité et cette discipline, qui lui ont permis de gagner du terrain très progressivement », mais « c’est une armée qui possède un pays et non pas un pays qui possède une armée ».

Ce modèle, indique Lavergne, est rejeté par « les démocrates, les intellectuels, et par toutes les forces non armées, qui n’ont pas d’armes, violemment réprimées » pendant « le printemps soudanais ».

La chute de Khartoum, estime-t-il, « c’est aussi la chute de toutes ces catégories de Soudanais modernes, si l’on veut, enfin tournés vers l’Occident, vers les idées de démocratie et de liberté », qui ont fait le choix de se regrouper autour des rebelles du Darfour.

Ce qui surprend ce fin connaisseur du Soudan, « c’est l’incapacité des Soudanais à s’entendre », et c’est pour ça que l’armée prend le pouvoir à chaque fois.

Pour conclure, Lavergne concède à regret qu’il n’y a pas de lumière au bout du tunnel pour l’instant, mais que le Soudan, pays riche en ressources naturelles et minières, pouvait s’éviter de nombreux malheurs.

Il fallait ouvrir des routes, créer des institutions, former les jeunes, développer des industries locales, « des choses à faire qui n’ont pas été faites mais qui ne sont pas compliquées à faire. Mais je pense que c’est un peu tard ».


1985 – Un prince saoudien dans l’espace: une première historique

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  • La une d’Arab News a retracé le parcours du prince Sultan, célébrant ce moment historique que le monde arabe a qualifié de «jour de fierté»
  • Au cours de dix semaines d'entraînement intensif en Arabie saoudite et à la Nasa aux États-Unis, le prince Sultan est passé du statut de pilote de la Royal Saudi Air Force à celui d'astronaute

RIYAD: Le 17 juin 1985, l’Arabie saoudite a marqué l’histoire lorsque la navette spatiale Discovery de la Nasa a décollé de Cap Canaveral, en Floride, pour sa cinquième mission. À son bord se trouvait le premier astronaute arabe, musulman et membre d’une famille royale – un événement symbolisant l’aube d’une nouvelle ère pour l’exploration spatiale dans le monde arabe.

Le prince Sultan ben Salmane, pilote de l'armée de l'air royale saoudienne âgé de 28 ans, a passé sept jours à mener des expériences dans l'espace au sein d'un équipage international composé de sept personnes.

Pendant le voyage de Discovery, le prince, deuxième fils du roi Salmane d'Arabie saoudite, a également surveillé le déploiement d'Arabsat-1B, le deuxième satellite lancé par l'Organisation arabe de communication par satellite, conçu pour stimuler les communications téléphoniques et télévisuelles entre les nations arabes.

Le leadership de l'Arabie saoudite dans le secteur de l'exploration spatiale régionale a commencé à ce moment-là, préparant le terrain pour les progrès remarquables qui ont suivi et qui ont façonné sa vision.

La confiance dans la capacité du Royaume à mener le voyage du monde arabe dans l'espace a été évidente lorsque les États membres de la Ligue arabe ont désigné le prince Sultan comme spécialiste de charge utile pour voyager à bord de la navette spatiale.

Le Royaume a joué un rôle essentiel dans la création par la Ligue arabe de la société de communication par satellite Arabsat. Son premier satellite, Arabsat-1A, a été lancé dans l'espace par une fusée française en février 1985.

Comment nous l'avons écrit

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La une d’Arab News a retracé le parcours du prince Sultan, célébrant ce moment historique que le monde arabe a qualifié de «jour de fierté».

Au cours de dix semaines d'entraînement intensif en Arabie saoudite et à la Nasa aux États-Unis, le prince Sultan est passé du statut de pilote de la Royal Saudi Air Force à celui d'astronaute, prêt pour une mission au cours de laquelle il serait le plus jeune membre de l'équipage.

Il a été accueilli en héros, tant en Arabie saoudite que dans l’ensemble du monde arabe, lorsque la navette spatiale a atterri sans encombre sur la base aérienne d’Edwards, en Californie, à 6 h 11, heure locale, le 24 juin 1985. Cet événement marquant a inspiré une génération d’Arabes à tourner leur regard vers les étoiles.

Sa propre mission dans le secteur spatial était cependant loin d'être terminée. À son retour, le prince a été promu au rang de major de l'armée de l'air royale saoudienne et, lorsque l'Arabie saoudite a décidé d'accélérer ses efforts d'exploration spatiale dans le cadre de Vision 2030, il n'y avait pas de meilleur choix pour présider la Commission spatiale saoudienne lors de sa création en 2018.

Les efforts du prince Sultan pour former une nouvelle génération d'astronautes saoudiens ont rapidement commencé à porter leurs fruits. Et le 21 mai 2023, le Royaume a célébré une nouvelle étape dans son voyage dans l'espace lorsque la première femme astronaute saoudienne et arabe a pris son envol.

Rayyanah Barnawi a été rejointe par Ali Alqarni, le deuxième Saoudien dans l'espace après le prince Sultan, lors de la première mission du programme de vols spatiaux habités de la Commission spatiale saoudienne. Au cours de leur mission de 10 jours à bord de la Station spatiale internationale dans le cadre de la mission Axiom 2, les deux astronautes saoudiens ont mené 11 expériences de recherche en microgravité.

Un mois plus tard, la commission a été rebaptisée Agence spatiale saoudienne par une résolution du Cabinet. Ses objectifs sont de développer les technologies spatiales, de stimuler la diversification économique, de soutenir la recherche et le développement dans le secteur et de former les futures générations d'astronautes saoudiens.

«Ce pays a été construit pour tant de générations, et chaque génération ouvre la voie à la suivante, et crée la plateforme qui lui permettra de passer au niveau supérieur», a déclaré le prince Sultan lors d'un entretien accordé à Arab News en 2019.

En 2020, l'Arabie saoudite a annoncé l'allocation de 2,1 milliards de dollars (1 dollar = 0,88 euro) à son programme spatial dans le cadre des efforts de diversification décrits dans le cadre stratégique Vision 2030 pour le développement national. Deux ans plus tard, le secteur spatial saoudien a généré 400 millions de dollars de revenus, et ce chiffre devrait atteindre 2,2 milliards de dollars d'ici à 2030.

Au-delà de l'Arabie saoudite, le voyage pionnier du prince Sultan dans l'espace a également inspiré d'autres Arabes de la région. Deux ans plus tard, en juillet 1987, le Syrien Mohammed Faris était cosmonaute de recherche pour une mission de huit jours et de trois personnes à bord d'un vaisseau spatial soviétique à destination de la station spatiale Mir. Accompagné de deux cosmonautes soviétiques, il a mené plusieurs expériences de recherche dans les domaines de la médecine spatiale et du traitement des matériaux.

Hazza al-Mansouri, le troisième Arabe dans l'espace, qui est devenu en septembre 2019 le premier astronaute émirati et le premier Arabe à poser le pied sur la Station spatiale internationale, s'est également inspiré du prince Sultan.

«La passion de Hazza al-Mansouri pour l'espace et son désir d'ouvrir la voie aux générations futures pour l'explorer ont été inspirés par la mission du prince Sultan en 1985», a écrit Mohammed Nasser al-Ahbabi, ancien directeur général de l'Agence spatiale des Émirats arabes unis, dans un article publié en 2020 à l'occasion du 45e anniversaire d'Arab News.  

«En tant que jeune élève, le futur astronaute a découvert, dans son manuel solaire, une photo du prince Sultan, premier Arabe dans l’espace – un moment charnière qui allait transformer sa vie.»

En 1988, le président des Émirats arabes unis de l'époque, le cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane, a rencontré le prince Sultan et l'a interrogé sur tous les détails de son voyage dans l'espace.

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De retour dans son pays, le prince Sultan Salman al-Saoud a été accueilli en héros et nommé major de l'armée de l'air royale saoudienne. (Nasa)

«L'expérience du prince Sultan a eu un impact considérable sur les Émirats arabes unis en particulier, un pays qui a fait preuve d'un engagement fort envers l'espace depuis l'époque de son fondateur et premier président, le cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane», a écrit M. Al-Ahbabi.  

«La vision du cheikh Zayed et l'étape historique franchie par le prince Sultan ont servi de tremplin à l'enthousiasme des Émirats arabes unis et de la région pour l'exploration spatiale.»

L'agence spatiale des Émirats arabes unis a signé un accord avec l'Agence spatiale saoudienne en 2020 afin de renforcer la coopération dans les activités spatiales à des fins pacifiques, de renforcer les capacités techniques et scientifiques et d'échanger des connaissances et de l'expertise.

Alors que la région arabe continue de développer ses projets et ses investissements dans le secteur spatial, on se souviendra toujours du rôle joué par le prince saoudien pour rappeler aux jeunes générations qu'il faut viser les étoiles.

Lorsqu'elles verront la Terre depuis l'espace, elles constateront, comme l'a déclaré le prince Sultan à Arab News en 2019, que «votre intérêt et votre passion pour les choses deviennent plus globaux, plus universels».

Sherouk Zakaria est une journaliste d'Arab News basée aux Émirats arabes unis, avec plus d'une décennie d'expérience dans les médias et la communication stratégique.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com