NEW YORK: Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a dénoncé mercredi une « interférence étrangère ayant atteint des niveaux sans précédent » en Libye, avec « la livraison d'équipements sophistiqués et le nombre de mercenaires impliqués dans les combats ».
S'exprimant lors d'une visioconférence ministérielle du Conseil de sécurité, Antonio Guterres a exprimé son inquiétude sur le regroupement de forces militaires autour de la ville de Syrte, située à mi-chemin entre Tripoli à l'ouest et Benghazi à l'est.
Les forces du Gouvernement d'union libyen (GNA), basé à Tripoli et reconnu par l'ONU, « avec un soutien externe significatif, continuent leur avance vers l'est et sont maintenant à 25 km à l'ouest de Syrte », a-t-il relevé. Dans le passé, les forces du GNA ont tenté à deux reprises de prendre la ville, a précisé le chef de l'ONU.
« Nous sommes très préoccupés par la concentration militaire alarmante autour de la ville et le haut niveau d'interférence étrangère directe dans le conflit en violation de l'embargo sur les armes décrété par l'ONU, les résolutions du Conseil de sécurité et les engagements pris par les Etats membres à Berlin » en janvier, a insisté Antonio Guterres, sans désigner aucun pays en particulier.
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a également dénoncé les violations de l'embargo sur les armes imposé pour la Libye en 2011.
« Pendant que le monde entier ferme ses frontières, les navires, les avions et les camions avec des armes et des mercenaires continuent d'arriver dans les villes libyennes », s'est-il insurgé. Il faut que cela cesse: « plus d'avions, plus de chars, plus de camions ou navires chargés d'armes. Et plus de mensonges », a lancé Heiko Maas.
Son homologue du Niger, Kalla Ankourao, a aussi critiqué les ingérences étrangères, comme l'ont fait lors de la session du Conseil plusieurs autres intervenants comme la France qui a réaffirmé son impartialité dans le conflit.
« La Libye n'a pas besoin d'armes supplémentaires, n'a pas besoin de mercenaires mais a besoin de réconciliation », a fait valoir Kalla Ankourao.
Le secrétaire général de l'ONU a par ailleurs indiqué que les discussions menées par la mission onusienne en Libye avec des représentants militaires des deux parties portaient notamment sur « le départ des mercenaires étrangers », une « coopération antiterroriste », un « désarmement et une démobilisation », ainsi que sur « la possibilité d'un mécanisme de cessez-le-feu ».
Il a également évoqué sans détails la possibilité de créer une « zone démilitarisée » dont le contrôle serait confié à la mission de l'ONU présente en Libye.
Paris dément tout parti pris
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a pour sa part démenti mercredi à Paris tout parti pris de la France dans le conflit libyen, assurant parler avec "l'ensemble des acteurs" et déplorant les « parties de poker menteur » de certains.
« J'entends beaucoup de choses sur le fait que la France aurait choisi le camp du maréchal Khalifa Haftar. Il importe de bien recadrer tout cela », a-t-il lancé devant la Commission des Affaires étrangères du Sénat.
L'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar a combattu le groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui prenait pied en Libye, avant de se lancer en avril 2019 dans la conquête de Tripoli, a-t-il expliqué.
« Nous appuyions l'Armée nationale libyenne reconnue internationalement pour son combat contre Daechm non pas par des soutiens militaires très actifs mais par des conseils et par un soutien politique », a-t-il dit.
« Je m'entretiens très régulièrement avec l'ensemble des acteurs », a insisté Jean-Yves Le Drian. « On se parle, on essaie de faire avancer les choses mais c'est parfois, si je peux me permettre l'expression, des parties de poker menteur ».
Paris, Rome et Berlin sont sur la même longueur d'onde, a-t-il affirmé. « Nous parlons le même langage tous les trois aux uns et aux autres pour leur dire qu'il est urgent de se mettre d'accord pour stabiliser le front Syrte-Joufra, de valider la trêve et de commencer à travailler sur les éléments d'un cessez-le-feu », a-t-il encore dit.