WASHINGTON : Joe Biden a annoncé jeudi un accord avec un groupe de dix sénateurs républicains et démocrates sur un plan d'investissements massifs dans les infrastructures, enregistrant un net succès après des mois de négociations, même s'il devra encore s'assurer du soutien de l'aile gauche de son parti.
"Nous avons un accord", a lancé M. Biden à l'issue de cette réunion très attendue. Image rare, il est lui-même sorti pour l'annoncer sur le parvis de la Maison Blanche, en présence des élus.
Ce plan s'appuie sur plus de 1200 milliards de dollars d'investissements sur huit ans (973 milliards sur cinq ans), a précisé la Maison Blanche, dont 312 milliards dans les transports, y compris les routes et aéroports, et 266 milliards dans d'autres types d'infrastructures comme celles permettant le transport des eaux, ou l'internet à haut débit.
Pour le président démocrate, élu sur la promesse de réconcilier l'Amérique, cet accord démontre que "la démocratie américaine fonctionne et peut obtenir des résultats".
S'il représente une avancée majeure, il ne marque cependant pas la fin des discussions.
"Je n'ai aucune garantie" d'avoir les votes pour faire passer ce projet au Sénat, a reconnu M. Biden, tout en affichant son optimisme. "Aucun des deux partis n’a obtenu tout ce qu’il voulait", a-t-il souligné, assurant que c'était le prix à payer pour obtenir un consensus.
C'est la question du financement qui avait constitué jusqu'ici le plus grand obstacle à un accord.
Les sénateurs sont parvenus à ne pas toucher aux grandes lignes rouges de chacun des partis -- hausses d'impôts sur les entreprises ou taxes frappant la classe moyenne, notamment --, mais un certain flou demeure sur le financement effectif de ces investissements.
Avare en détails, l'accord de principe évoque notamment un renforcement des inspections fiscales pour "réduire" le montant des impôts impayés, l'emploi de fonds déjà débloqués en 2020 pour lutter contre la pandémie ou même... "l'impact" productif sur l'économie de ces investissements eux-mêmes.
"Nous avons tous fait des concessions", a déclaré la sénatrice démocrate centriste Kyrsten Sinema, qui a mené avec le républicain Rob Portman les négociations pour obtenir cet "investissement historique".
Les deux chefs des majorités démocrates au Congrès ont souligné jeudi que ce plan devrait impérativement aller de pair avec le développement d'un autre vaste projet de loi qui comprendrait d'autres grandes priorités de l'administration Biden.
Après des mois de discussions, les négociations s'orientent ainsi vers deux voies parallèles.
D'un côté, ce plan sur les infrastructures "traditionnelles", ponts, routes, aéroports etc. Et de l'autre, les priorités Biden que les démocrates ont surnommées "infrastructures familiales" ou "humaines".
La présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a fermement indiqué jeudi qu'elle n'organiserait pas de vote sur le texte de consensus entre républicains et démocrates sur les infrastructures "à moins" que le Sénat approuve aussi l'autre projet démocrate, qui devrait comprendre les grandes priorités sociales de l'administration Biden -- aides aux personnes d'âgées, gardes d'enfant etc. -- et ses grandes mesures pour lutter contre le changement climatique.
Une déclaration applaudie par des figures de l'aile gauche du parti, comme l'élue de la Chambre Alexandria Ocasio-Cortez.
Le chef démocrate du Sénat, Chuck Schumer, s'était lui dit jeudi matin "encouragé" par l'accord entre sénateurs, tout en rappelant qu'il comptait toujours avancer sur cette double voie de projets "liés".
"On doit accomplir les deux", a renchéri Joe Biden en exhortant le Congrès à faire avancer ces projets "rapidement et en tandem".
L'équilibre pour maintenir les accords de part et d'autres s'annonce toutefois très délicat.
S'ils veulent que les projets de lois survivent, les chefs démocrates doivent impérativement s'assurer du soutien aussi bien de leurs élus plus conservateurs que des plus progressistes, tout en maintenant celui des républicains centristes sur les infrastructures.
Chuck Schumer a prévu d'organiser les premiers votes de procédures sur les infrastructures dès le "retour" des sénateurs, qui sont partis jeudi soir en vacances parlementaires jusqu'au 12 juillet.
Il a du même coup annoncé qu'il comptait organiser "aussi vite que possible" l'autre vote sur un texte budgétaire de "réconciliation", sorte de véhicule législatif qui devrait permettre, in fine, d'adopter le second pan du programme Biden avec les seules voies démocrates.