PARIS: Le ralentissement de la campagne vaccinale contre la Covid-19 commence à inquiéter le gouvernement, qui brandit la carotte et le bâton pour atteindre les objectifs qu'il a fixés, mais qui pourraient ne pas suffire à empêcher une quatrième vague épidémique.
A première vue, la France vaccine toujours à tour de bras, avec près de 700 000 injections quotidiennes. Mais la cadence n'est maintenue que par les deuxièmes doses, tandis que le nombre de primo-vaccinés fond comme neige en été: plus de 400 000 par jour début juin, à peine plus de 200 000 cette semaine.
« C'est trop peu, on a fait beaucoup mieux, on doit faire beaucoup mieux », a sermonné Jean Castex jeudi, lors d'un déplacement dans les Landes, où le variant Delta provoque un premier rebond épidémique.
Le Premier ministre n'a pu que constater que « les prises de rendez-vous pour la première vaccination sont en décélération », augurant d'un été en pente douce. Doctolib recense désormais moins de 150 000 inscriptions quotidiennes pour une première dose, contre encore plus de 250 000 début juin.
A ce rythme, la plateforme de rendez-vous médicaux prévoit qu'un peu plus de 35 millions de personnes auront été vaccinées le 15 juillet, dont 29 millions avec un « schéma complet » (une, deux ou trois doses selon les cas).
Pas de quoi compromettre, a priori, les objectifs annoncés la semaine dernière par le chef du gouvernement: 40 millions de personnes vaccinées, dont 85% des adultes atteints de « comorbidités » ou âgés de plus de 50 ans, et 35 millions de « schémas complets » d'ici fin août.
Mais le manque d'engouement observé ces derniers jours pousse l'exécutif à faire feu de tout bois. « Nous devons accélérer, encore », a twitté Emmanuel Macron, appelant tous ceux « qui ne sont pas encore vaccinés à prendre rendez-vous ».
« Ayez peur du virus, n'ayez surtout pas peur du vaccin. Le vaccin c'est pour votre santé, votre sécurité (et) votre liberté », a lancé M. Castex de son côté.
« Planche de salut », érigée en « cause nationale », la vaccination « doit désormais progresser chez les plus jeunes », incités à décrocher ce « sésame » qui « permet d'aller dans les lieux de culture, les lieux sportifs (et) de se déplacer à l'étranger », a-t-il ajouté.
« La campagne n'est pas terminée »
Le ton est plus coercitif avec les soignants, en particulier dans les Ehpad, où l'on recense seulement "42% de professionnels complètement vaccinés", selon la ministre déléguée à l'Autonomie, Brigitte Bourguignon.
« Il est impératif que les personnels des Ehpad soient tous vaccinés d'ici la fin du mois d'août. Il faut à tout prix en faire davantage », a lancé M. Castex. Un « appel solennel » assorti d'une menace: si la « couverture vaccinale des soignants » ne progresse pas, « je pourrais être amené à proposer une vaccination obligatoire (...) vraisemblablement en septembre « , a indiqué mercredi le ministre de la Santé, Olivier Véran.
La situation française n'est pas « inhabituelle ou exceptionnelle », comparée aux pays voisins qui rencontrent les mêmes obstacles, chez les soignants comme en population générale. Mais « la campagne vaccinale n'est pas terminée », a insisté le ministre.
Pendant les vacances, les autorités sanitaires vont multiplier les initiatives pour aller chercher les indécis et les récalcitrants. L'Assurance maladie va ainsi étendre ses campagnes d'appels et de textos, jusqu'ici ciblées sur les plus âgés, aux assurés souffrant de comorbidités et aux bénéficiaires de la « complémentaire santé solidaire ».
En parallèle, les médecins libéraux recevront la semaine prochaine la liste de leurs patients non vaccinés et la Sécu va renforcer ses « partenariats » avec les associations de malades chroniques et les centres de distribution alimentaire.
Les agences régionales de santé vont également pousser le feu, comme en Île-de-France où des « opérations spéciales » sont programmées dans des « espaces très fréquentés » comme la Canopée des Halles au coeur de la capitale, mais aussi auprès de « populations particulières » (étudiants, femmes enceintes, chauffeurs-livreurs) ou des « publics précaires » (travailleurs migrants, bidonvilles).
Des efforts qui pourraient s'avérer insuffisants: avec un variant Delta 50% à 80% plus contagieux que la souche Alpha actuellement dominante, le biologiste Samuel Alizon estime « qu'il faudrait plus de 80% de vaccinés », soit environ 55 millions de personnes, pour atteindre l'immunité collective.
L'épidémiologiste Pascal Crépey évalue pour sa part le seuil à « 85% de personnes immunisées pour que l'épidémie s'arrête » et redoute une rentrée périlleuse, « une fois que le frein estival disparaîtra ».