PARIS: Une « tromperie assumée » et « grave » : tel est le jugement sévère du tribunal correctionnel de Paris qui a condamné jeudi la banque Natixis à une amende de 7,5 millions d'euros pour information trompeuse durant la crise des subprimes.
Jugée depuis le 29 mars devant le tribunal correctionnel de Paris, Natixis a été reconnue « coupable des faits qui lui étaient reprochés » et condamnée au montant maximal demandé lors du réquisitoire début avril, selon le jugement lu jeudi par l'un des trois magistrats en charge de ce dossier.
Outre cette amende de 7,5 millions d'euros, l'établissement a par ailleurs été condamné à indemniser les parties civiles à hauteur de 3 euros par action détenue sur la période concernée par les faits, a précisé le tribunal.
Le montant total d'indemnisation pourrait ainsi avoisiner plus d'un million d'euros, a précisé à l'AFP une source proche du dossier.
Interrogés par l'AFP, les avocats de la banque, Bruno Quentin et Éric Dezeuze, ont regretté ce jugement et étudient désormais « l'opportunité de former une voie de recours », considérant toujours que la communication de l'établissement à l'époque des faits reprochés était « parfaitement adaptée ».
Seul procès subprimes en Europe
Natixis, filiale du groupe bancaire mutualiste BPCE créée et introduite en Bourse fin 2006, était accusée d'avoir sous-estimé, dans un communiqué de novembre 2007, son exposition indirecte aux subprimes, un type de crédit hypothécaire distribué aux États-Unis. Dans ce communiqué sur ses résultats du troisième trimestre de l'année, la banque avait indiqué que les risques portés sur les subprimes étaient « limités ».
Dans son communiqué, la banque « rappelle que les éléments du communiqué concerné avaient déjà été examinés par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) » et qu'elle « avait décidé qu'il n'y avait pas lieu d'engager des poursuites à l'encontre de Natixis ».
La crise des subprimes aura coûté cher à la jeune banque, qui verra son cours s'effondrer, passant de 19,55 euros lors de son introduction en Bourse en 2006 à moins d'un euro par action en 2009
À ce jour, « c'est le seul dossier subprimes qui soit arrivé devant un tribunal pénal dans toute l'Europe », avait relevé lors des débats en avril le vice-procureur Patrice Amar.
Dans son jugement aux accents particulièrement sévères, le tribunal considère que la banque « a sciemment diffusé des informations trompeuses, notamment en communiquant des chiffres d'exposition aux subprimes sans jamais préciser les hypothèses retenues », ce qui a contribué à rendre « sa communication incompréhensible ».
Il lui est également reproché d'avoir notamment omis de signaler certaines expositions à hauteur de 850 millions d'euros.
« Tromperie assumée »
Tous ces éléments « ne permettaient pas au marché d'apprécier correctement » les perspectives de l'établissement, ont estimé les juges, soulignant qu'il y a eu une « tromperie assumée au plus haut niveau de la direction de Natixis et destinée à préserver le cours de Bourse de la société »".
« L'ensemble des organes et des représentants de Natixis (de l'époque, ndlr) étaient informés » et « l'infraction a été commise en parfaite connaissance de cause », ont-ils ajouté, citant nommément l'ancien dirigeant de la banque Dominique Ferrero.
Ces faits ont été jugés « d'autant plus graves » par le tribunal que les actions Natixis avaient été massivement distribuées à des petits porteurs clients des réseaux de détail du groupe BPCE lors de l'introduction en Bourse de l'établissement. Le groupe BPCE, maison mère de Natixis, est en effet né de la réunion des réseaux Caisse d'Épargne et Banque Populaire.
Fin 2006, « nos conseillers de Caisse d'Épargne et de Banque Populaire nous ont fait une cour effrénée pour que nous achetions des actions Natixis. L'objectif fixé à nos conseillers était de récolter au total 5 milliards d'euros auprès de braves gens et ils ont réussi », avait ainsi relaté lors de sa plaidoirie Me Alain Géniteau, qui représente 746 petits porteurs emmenés par l'Adam, l'Association de défense des actionnaires minoritaires.
Entre les demandes de réparation au titre d'un préjudice de « perte de chance » et celles au titre d'un préjudice moral, les différents avocats des parties civiles avaient réclamé au total plus de 5 millions d'euros à Natixis.