PARIS: Réalisée par le cabinet d’études financières Finabi Conseil pour le compte du Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise (Care), une étude sur le factoring révèle que les petites et moyennes entreprises (PME) algériennes sont le parent pauvre du financement. Elles y accèdent difficilement.
«À l’instar des autres pays africains, l’accès au financement demeure une contrainte majeure de l’Algérie. Une part importante des crédits bancaires est captée par les entreprises publiques ainsi que les complexes sidérurgiques, les cimenteries et les entreprises de construction», indique l’étude.
En effet, cette étude sur le factoring mentionne que, selon la Banque mondiale, l’Algérie se positionne à la 181e place en matière d’accès au crédit pour le secteur privé. Selon la même source, les crédits au secteur privé ne dépassent pas 25 % du produit intérieur brut (PIB) alors qu’ils atteignent 68 % en Tunisie, 85 % au Maroc et une moyenne régionale de 33 %. «Les PME algériennes souffrent de la difficulté de l’accès au financement ainsi que de la difficulté de mobiliser leurs créances, de délais de règlement trop longs, estimés à près de quatre-vingt-dix jours», mentionne le document.
Les crédits proposés ne sont pas adaptés d’une manière optimale aux demandes de financement des PME
L’étude stipule que les crédits proposés par les banques ne sont pas adaptés d’une manière optimale aux demandes de financement des entreprises sur le court terme et précise que les raisons de la défiance sont nombreuses.
Interrogé par Arab News en français sur les conclusions de l’étude concernant les obstacles au financement des PME, Chabane Assad, fondateur et directeur de Finabi Conseil, nous explique que la première cause concerne la qualité des situations comptables et des business plans réalisés par les entreprises pour contracter des crédits, lesquels sont au-dessous des attentes des banques.
L’auteur de l’étude considère que cette situation «alimente l’asymétrie d’information entre les financiers et les entreprises», et précise que les établissements bancaires hésitent à faire confiance aux entreprises, exigeant, dans le cas où elles décident de prendre le risque, des garanties pléthoriques alors que la situation patrimoniale de l’entreprise et du fondateur sont limitées. «Les normes prudentielles imposées par la Banque d’Algérie aggravent cette aversion aux risques vu le niveau de pondération des risques exigé», ajoute-t-il.
Le directeur du cabinet Finabi affirme que la deuxième cause réside dans «l’accaparation par le secteur public économique d’une part importante de la capacité de crédit des banques publiques adossée à une rareté des ressources causée par la crise économique, accentuée par la crise sanitaire». Quant à la troisième raison, elle est liée, selon lui, au business model du secteur bancaire algérien (privé ou public), lequel «est nourri» généreusement depuis des années par l’importation et la commande publique.
Afin de remédier à ce constat, l’expert financier prévient que «le changement de paradigme est long, difficile et exige un changement radical dans les stratégies des banques algériennes». Pour lui, les solutions à court terme existent. «Il faudra encourager les produits bancaires alternatifs à l’instar du factoring et de la finance islamique moins focalisés sur les garanties réelles et personnelles et booster le rôle des fonds de garanties sur le modèle de la Caisse de garantie des crédits d’Investissements (CGCI)», recommande-t-il.
Le factoring est-il la solution?
Le factoring, une technique du droit commercial qui consiste à ce qu’une société financière, dite «factor» ou «affactureur», accepte de se charger des risques de recouvrement des factures d’une entreprise commerciale à laquelle elle règle le montant moyennant le paiement d’une commission, est, selon le cabinet Finabi, la solution la plus adaptée aux PME qui ont besoin de fonds de roulement significatifs. Les grandes entreprises choisissent ce mécanisme afin d’externaliser leurs comptes clients, notamment les clients à l’international. Le factor prendra en charge tous les services: garantie, relance et recouvrement.
«Ces entreprises choisissent ce mécanisme afin d’externaliser partiellement ou totalement leurs comptes clients sans que le factor exige des garanties, c’est le seul véhicule financier bancaire qui améliore le fonds de roulement des entreprises», observe Chabane Assad. Il rappelle qu’en France «le factoring est devenu le premier financement à court terme des entreprises avec 32,9 milliards d’euros fin 2018, soit 22 % des financements à court terme, l’affacturage a dépassé pour la deuxième fois consécutive le découvert bancaire, estimé à 31,6 milliards d’euros».
Dans ce but, l’étude recommande la mise en œuvre d’une loi bancaire permettant de définir le contrat de factoring, les formes et les aspects opérationnels de ce type de financement grâce auxquels les opérations seraient autorisées, agréées et contrôlées par la Banque d’Algérie. «L’émergence rapide d’un marché du factoring et la limitation des délais de règlement rendraient d’importants services à la sphère économique», estime l’étude, car, «en mobilisant les créances, considérées comme ressources financières à court terme, cela permettrait aux PME d’accélérer leur dynamique de croissance», nous indique le directeur de Finabi Conseil.
Pour rappel, selon l’étude, le marché mondial du factoring représente 2917 milliards de dollars (1 dollar = 0,84 euro) en 2019, avec une hausse de 77 % en dix ans. En Afrique, le marché a atteint 24,5 milliards de dollars dont l’Afrique du Sud détient la majeure partie avec 85 % de ce marché, suivie par le Maroc avec 10 % et 3 % pour la Tunisie, l’Égypte et l’Île Maurice.
Le marché des capitaux est embryonnaire
L’étude Finabi révèle que le marché des capitaux, avec une capitalisation de la bourse à hauteur de 0,1 % du PIB en 2020, est encore au stade embryonnaire. En effet, au 31 décembre de la même année, la capitalisation boursière globale de la bourse d’Alger s’élevait à 42,881 milliards de dinars algériens (DZD), avec une perte de 4,23 % comparativement à la même période de l’année précédente.
«Cette décrue est justifiée par la baisse des transactions sur le marché en raison de la pandémie et par la radiation du titre de la société NCA-Rouiba des cotations, nous explique Chabane Assad, en précisant que ces chiffres renseignent sur la contribution insignifiante de la bourse d’Alger dans le financement de l’économie. À titre de comparaison, l’expert financier ajoute, que selon un calcul Bloomberg, la capitalisation boursière mondiale représente actuellement 108 % du PIB global. «Cela signifie que la valeur de l'ensemble des entreprises cotées en bourse sur la planète dépasse la quantité de richesse créée dans le monde.»
En Algérie, le marché des capitaux peine à croître malgré des dispositifs fiscaux significatifs accordés aux entreprises cotées. M. Assad explique que les principales raisons de ce retard s’expliquent, entre autres, par un taux d’intérêt bancaire bonifié qui éloigne les entreprises du marché des capitaux, la demande timide des investisseurs et le manque d’agressivité commerciale de certains Intermédiaires en opérations de bourse (IOB).