ADDIS ABEBA: La commission électorale éthiopienne assure que les élections de lundi, repoussées à deux reprises à cause de la pandémie puis de problèmes sécuritaires et logistiques, seront crédibles, malgré les doutes exprimés par certains observateurs.
Le Premier ministre Abiy Ahmed a promis que ces élections législatives et régionales seraient les plus démocratiques de l'histoire de l'Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique.
« Nous sommes très confiants », déclarait il y a quelques jours la porte-parole de la commission, Solyana Shimeles, disant espérer que ces élections seraient « meilleures, participatives et crédibles ».
Certains observateurs s'inquiètent pourtant de la crédibilité de ce double scrutin, auquel ne participeront pas lundi environ un cinquième des 547 circonscriptions. La plupart des circonscriptions en question ne voteront que le 6 septembre, tandis qu'aucune date n'a été fixée pour celles du Tigré, région du Nord en proie à la guerre et à la famine.
Lundi, de nombreuses circonscriptions n'afficheront pas de candidature de l'opposition, qui boycotte par endroits le vote.
Ainsi en région Oromia, la plus peuplée du pays et d'où Abiy est originaire, la majorité des sièges à pourvoir ne sont brigués que par un candidat du parti au pouvoir, selon les données officielles.
Selon Solyana, seuls 3 des 49 partis enregistrés ne participent pas au scrutin, et plus de 9 500 candidats concourent pour les deux scrutins - un record absolu dans l'histoire de l'Ethiopie.
« 24 heures sur 24 »
La commission actuelle a été formée à l'arrivée au pouvoir de Abiy en 2018, dans un mouvement de démocratisation après des décennies de régime autoritaire.
Ainsi, la nomination à sa tête de Birtukan Mideska - ancienne magistrate et leader de l'opposition en exil - fut perçue comme un signe d'ouverture.
Face au défi d'organiser un vote inclusif et crédible - reporté de près d'un an à cause du coronavirus - dans un pays de 110 millions d'habitants, vaste, accidenté et aux infrastructures déficientes, la commission électorale a manqué de ressources.
Faute de pouvoir recruter et former les dizaines de milliers d'assesseurs nécessaires, elle a été contrainte de repousser de nouveau les élections, initialement prévues le 5 juin.
Vendredi, Birtukan a réclamé dans une lettre au Premier ministre l'aide urgente du gouvernement, affirmant avoir besoin d'avions et de camions pour livrer le matériel à temps. « Nous travaillons 24 heures sur 24, à plein régime », a-t-elle écrit.
Un diplomate basé à Addis Abeba, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, reconnaît la « détermination » de la commission électorale, mais « reste à savoir si cela aboutira à des élections viables ».
Selon plusieurs analystes, les problèmes logistiques qui ont émaillé les préparatifs du vote pourraient se révéler problématiques au moment du dépouillement.
Les responsables de la commission « font vraiment de leur mieux mais ils travaillent dans un environnement difficile et font face à d'immenses défis d'acheminement » du matériel de vote, estime un expert électoral basé à Addis Abeba qui a requis l'anonymat.
Le vote sera suivi par cinq missions d'observation et par des milliers de membres de la société civile. En raison de désaccords avec le gouvernement, l'Union européenne (UE) a décidé de ne pas envoyer d'observateurs.
La Commission éthiopienne des droits de l'Homme, un organisme indépendant mais nommé par le gouvernement, a, elle, été empêchée de suivre le scrutin.
« Notre mandat nous autorise à nous déployer et à surveiller les élections sur le plan des droits de l'Homme », a déclaré son directeur de la communication, Aaron Maasho, ajoutant que les discussions se poursuivent avec la commission électorale.
A Addis Abeba, Endalkachew Girma, un électeur de 35 ans, reconnaît les efforts de cette dernière.
« Mais comme pour les précédentes élections, je ne pense pas que ces élection seront ni historiques ni crédibles », affirme-t-il.