Loin des promesses, pas d' «Algérie nouvelle» à l'issue des législatives

Vue du front de mer d'Alger. (Photo, AFP)
Vue du front de mer d'Alger. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Jeudi 17 juin 2021

Loin des promesses, pas d' «Algérie nouvelle» à l'issue des législatives

  • Trente mois après le soulèvement populaire antisystème du Hirak, l'Assemblée nationale issue du scrutin du 12 juin va ressembler à s'y méprendre aux Parlements de l'ère Bouteflika
  • En fort recul, l'ex-parti unique a néanmoins bénéficié de son implantation ancienne et de son réseau de militants

ALGER: En Algérie, les élections législatives, boudées par plus de trois électeurs sur quatre, ont consacré la victoire des partis au pouvoir, loin du renouveau promis par le président Abdelmadjid Tebboune.

Trente mois après le soulèvement populaire antisystème du Hirak, et malgré « l'Algérie nouvelle » vantée par le régime, l'Assemblée nationale issue du scrutin du 12 juin va ressembler à s'y méprendre aux Parlements de l'ère Bouteflika, soulignent les analystes.

Selon des résultats encore provisoires, le Front de libération nationale (FLN), première formation du Parlement sortant, est sorti vainqueur d'une élection sanctionnée par une abstention historique (77%).

En fort recul, l'ex-parti unique a néanmoins bénéficié de son implantation ancienne – il a incarné la lutte pour l'indépendance (1962) –  et de son réseau de militants.

En conséquence, le politologue Mansour Kedidir prédit le « statu quo »: « Je ne pense pas qu'il y ait un renouveau ».

Le FLN, malgré son association avec le président déchu Abdelaziz Bouteflika, arrive en tête devant un groupe disparate d'indépendants, les islamistes du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP) et un vieil allié proche du pouvoir, le Rassemblement national démocratique (RND).

« La victoire des partis traditionnels s'explique par le fait que les candidats préfèrent s'adosser à eux pour gagner », souligne Smaïl Debeche, analyste politique.

Les résultats « semblent montrer que le président (Tebboune) n'a pas réussi à mobiliser une base sociale différente de celle du président précédent », analyse l'universitaire Louisa Dris-Aït Hamadouche.

« Echec patent »

Devenu quasiment invisible après un AVC en 2013, Abdelaziz Bouteflika a été chassé du pouvoir sous la pression de la rue et de l'armée en avril 2019, après 20 ans de règne. Le Hirak, le mouvement inédit et pacifique qui a conduit à son éviction, réclame un changement radical du « système » de gouvernance.

Aussi, M. Tebboune se retrouve aujourd'hui devant « une assemblée doublement illégitime: participation très basse et partis politiques discrédités », observe Mme Dris-Aït Hamadouche.

Le FLN, le RND, le MSP ainsi que des indépendants, ont de fait soutenu M. Bouteflika pendant plusieurs mandats.

Et l'assemblée qui s'annonce pourrait revoir une coalition similaire aux commandes.

Principal parti islamiste, le MSP s'est dit mercredi prêt à examiner toute proposition d'entrée au gouvernement.

Mais le succès des piliers de l'ère Bouteflika est entaché par le taux de participation le plus bas (23,03%) de l'histoire de l'Algérie, toutes élections confondues. L'abstention est le « plus grand parti en Algérie », rappellent les analystes.

« L'abstention aura in fine travaillé en faveur du FLN et d'autres partis traditionnels, ainsi que des candidats indépendants », relève le Quotidien d'Oran.

Le Hirak et une partie de l'opposition avaient appelé à boycotter les urnes, dénonçant une « mascarade électorale » et une « fuite en avant » du pouvoir.

« Ce scrutin fut un échec patent et un véritable affront pour les tenants du pouvoir », a réagi l'opposant Karim Tabbou, sous contrôle judiciaire, dans une déclaration sur Facebook.

« Enorme gâchis »

Le résultat du vote « donne raison » à ce que dénonce le Hirak, durement réprimé par les autorités, assure Mme Dris-Aït Hamadouche.

« Les 18 millions d'Algériens qui n'ont pas voté prouvent que la défiance (à l'égard du pouvoir) est encore plus forte que le Hirak lui-même », estime-t-elle.

Pour le politologue Mansour Kedidir, les législatives « ont donné un argument de taille au Hirak », dont les manifestations hebdomadaires sont désormais interdites.

« Cela signifie que tout ce qui a été scandé dans les marches s'avérait juste. Le système politique refuse le changement ».

Si des analystes pointent le troisième échec du président Tebboune après sa propre élection avec un faible score fin 2019 et le référendum constitutionnel en novembre, déserté par les Algériens, d'autres considèrent qu'il a désormais les coudées franches pour appliquer sa « feuille de route ».

Le pouvoir est déterminé à « normaliser » le fonctionnement des institutions et reprendre la main après le séisme du Hirak, mais en ignorant les revendications de la rue: Etat de droit, transition démocratique, souveraineté populaire, justice indépendante.

« Résultat: un énorme gâchis, avec un pouvoir qui tourne en rond, un pays qui stagne, une société non structurée, des institutions désespérément vides, et un Hirak en lambeaux », assène le journaliste et écrivain Abed Charef.

Prochaine étape : la désignation d'un Premier ministre qui exécutera le programme du président Tebboune – l'actuel, Abdelaziz Djerad, pourrait être reconduit –  et la formation d'un nouveau gouvernement, avant des élections locales en automne.

« La première difficulté sera de former un gouvernement cohérent » alors que le pays est confronté à une grave crise politique, économique et sociale, avance Mme Dris-Aït Hamadouche.

 


Manipulation médiatique et instrumentalisation de Forbes France au service de la propagande royale du Maroc

Le bâtiment des galeries du magazine Forbes. 62, 5th avenue, Manhattan, New York, NYC, USA. (Photo par : -/VW Pics/Universal Images Group via Getty Images)
Le bâtiment des galeries du magazine Forbes. 62, 5th avenue, Manhattan, New York, NYC, USA. (Photo par : -/VW Pics/Universal Images Group via Getty Images)
Short Url
  • Les chiffres sont accablants : sur 49 articles publiés par Forbes France sur le Maroc, près de la moitié sont des contenus payants étiquetés « Brandvoice », financés directement ou indirectement par des proches du régime marocain.
  • Dominique Busso, le PDG de l’édition française, ne cache pas que ces transactions douteuses sont monnaie courante.

RIYAD : L’enquête explosive menée par Marianne, complétée par les révélations incisives d’Africa Intelligence, lève le voile sur un système d’influence sophistiqué dans lequel le Maroc, sous couvert de soft power, orchestre une propagande méthodique via des relais médiatiques internationaux.

Forbes France, autrefois symbole d’excellence journalistique, apparaît aujourd’hui comme un instrument docile entre les mains des autorités marocaines.

Les chiffres sont accablants : sur 49 articles publiés par Forbes France sur le Maroc, près de la moitié sont des contenus payants étiquetés « Brandvoice », financés directement ou indirectement par des proches du régime de Mohammed VI.

Ces textes déguisés en journalisme peignent un portrait idyllique du royaume, occultant sciemment la répression des libertés individuelles, les inégalités criantes et les réalités économiques sombres du pays. Il s'agit d'une véritable mascarade qui sape l’intégrité journalistique et trompe délibérément les lecteurs.

Forbes France : un média au service de la propagande royale

Plus qu’un simple complice passif, le magazine semble s’être vendu au plus offrant, troquant son indépendance contre des millions d’euros provenant des cercles de pouvoir marocains.

Dominique Busso, le PDG de l’édition française, ne cache pas que ces transactions douteuses sont monnaie courante. Pire, selon des sources internes, le Maroc achète régulièrement des articles pour redorer l’image de son régime monarchique, tout en évitant toute transparence sur les financements réels.

Abdelmalek Alaoui, présenté comme un analyste ou un économiste, mais qui n'est en réalité qu'un agent de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), est identifié comme un rouage clé de cette machinerie propagandiste.

Des courriels internes obtenus par Marianne montrent comment Alaoui et d’autres agents influencent directement la ligne éditoriale de ces articles en faveur de la monarchie marocaine. Forbes France ne serait rien d’autre qu’un outil au service de cette désinformation orchestrée depuis Rabat.

Un documentaire sous influence : glorification du règne de Mohammed VI

Les tentacules de cette stratégie de manipulation s’étendent bien au-delà de la presse écrite. Africa Intelligence révèle qu’un documentaire diffusé sur Public Sénat à l’approche d’une visite officielle d’Emmanuel Macron au Maroc a été conçu comme une véritable opération de communication. 

Réalisé par des proches de l’élite politique marocaine et française, ce film, présenté comme un travail journalistique, n’est rien d’autre qu’une glorification du roi Mohammed VI.

Tout en vantant les prétendus succès du roi, notamment en matière de condition féminine et de développement économique, le documentaire escamote les critiques concernant les inégalités sociales et la répression des libertés. Il s'agit là d'une manipulation éhontée, à peine voilée, où les consignes éditoriales semblent avoir été dictées par Rabat pour protéger l’image royale.

Le Maroc : un État stratège du mensonge médiatique

Ce qui se dévoile ici est bien plus qu’un simple scandale médiatique. Il s’agit d’une stratégie délibérée et agressive de soft power, dans laquelle le Maroc utilise des moyens financiers considérables pour infiltrer et manipuler les récits médiatiques internationaux.

En contrôlant la narration sur des plateformes influentes telles que Forbes France, le royaume impose une version réécrite et aseptisée de la réalité, tout en muselant les voix dissidentes.

Ces pratiques immorales révèlent la complicité choquante de médias qui, en échange d'avantages financiers, renoncent à leur devoir d'informer honnêtement. Ce brouillage systématique de la frontière entre journalisme et propagande constitue une attaque directe contre l’intégrité de l’information.

Un appel urgent à l’éthique journalistique

Les révélations de Marianne et d’Africa Intelligence mettent en lumière le manque de diligence de la part d'acteurs tels que Forbes France.

Il est désormais impératif de mener une enquête indépendante sur ces pratiques. En effet, tant que des médias accepteront de se vendre au plus offrant, les citoyens continueront à être trompés par des récits soigneusement fabriqués pour servir des intérêts politiques. 

L’intégrité de la presse n’est pas à vendre, il est temps de le rappeler.


Les États-Unis débloquent 117 millions de dollars pour les Forces libanaises

Drapeau américain agitant isolément sur fond blanc (Photo iStock)
Drapeau américain agitant isolément sur fond blanc (Photo iStock)
Short Url
  • Selon un communiqué du département d'État, ces fonds doivent aider les Forces armées libanaises (FAL) et les Forces de sécurité intérieure (FSI, chargées du maintien de l'ordre) à « garantir la souveraineté du Liban dans tout le pays ».
  • C'est ce dernier qui est à l'origine de la réunion des donateurs internationaux qui a eu lieu jeudi « avec partenaires et alliés pour évoquer le soutien crucial à la sécurité du Liban afin de pérenniser la cessation des hostilités avec Israël ».

WASHINGTON : Lles États-Unis ont annoncé  samedi le transfert de 117 millions de dollars destinés à soutenir les forces de l'ordre et l'armée libanaises, à l'issue d'une réunion de donateurs internationaux, jeudi.

Selon un communiqué du département d'État, ces fonds doivent aider les Forces armées libanaises (FAL) et les Forces de sécurité intérieure (FSI, chargées du maintien de l'ordre) à « garantir la souveraineté du Liban dans tout le pays ».

C'est ce dernier qui est à l'origine de la réunion des donateurs internationaux qui a eu lieu jeudi « avec partenaires et alliés pour évoquer le soutien crucial à la sécurité du Liban afin de pérenniser la cessation des hostilités avec Israël ».

Un cessez-le-feu a pris effet fin novembre entre le mouvement islamiste pro-iranien Hezbollah et Israël, après plus d'un an de bombardements de part et d'autre, ainsi qu'une incursion des forces israéliennes en territoire libanais à partir de fin septembre.

L'enveloppe annoncée samedi par le département d'État « démontre son engagement à continuer à travailler avec ses partenaires et alliés pour s'assurer que le Liban bénéficie du soutien nécessaire pour renforcer la sécurité du pays et de la région ».

Samedi, le président libanais, Joseph Aoun, a réclamé le retrait de l'armée israélienne « dans les délais fixés » par l'accord de cessez-le-feu.

Ce dernier prévoit le déploiement de l'armée libanaise aux côtés des Casques bleus dans le sud du pays et le retrait de l'armée israélienne dans un délai de 60 jours, soit d'ici au 26 janvier.

Le Hezbollah doit, pour sa part, retirer ses forces au nord du fleuve Litani, à environ 30 km de la frontière libano-israélienne. 


Manifestation pour revendiquer la libération de l'opposante Abir Moussi

Des partisans d'Abir Moussi, chef du Parti Destourien Libre (PDL), participent à une manifestation demandant sa libération, à Tunis le 18 janvier 2025. (Photo FETHI BELAID / AFP)
Des partisans d'Abir Moussi, chef du Parti Destourien Libre (PDL), participent à une manifestation demandant sa libération, à Tunis le 18 janvier 2025. (Photo FETHI BELAID / AFP)
Short Url
  • Plusieurs centaines de sympathisants du Parti destourien libre (PDL), qui revendique l'héritage des autocrates Bourguiba et Ben Ali, ont manifesté samedi en Tunisie pour réclamer la libération de leur dirigeante, l'opposante Abir Moussi.
  • Soupçonnée d'avoir voulu rétablir un pouvoir similaire à celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par la première révolte du Printemps arabe.

TUNIS : Plusieurs centaines de sympathisants du Parti destourien libre (PDL), qui revendique l'héritage des autocrates Bourguiba et Ben Ali, ont manifesté samedi en Tunisie pour réclamer la libération de leur dirigeante, l'opposante Abir Moussi.

Brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Liberté pour Abir » ou « Nous sommes des opposants, pas des traîtres ! », ils étaient entre 500 et 1 000, selon des journalistes de l'AFP. Beaucoup portaient des drapeaux tunisiens et des photos de la dirigeante du PDL.

Ils ont critiqué virulemment à la fois le président Kaïs Saied et le parti islamo-conservateur d'opposition Ennahdha. Mme Moussi, ex-députée de 49 ans, est en détention depuis son arrestation le 3 octobre 2023 devant le palais présidentiel, où, selon son parti, elle était venue déposer des recours contre des décrets de M. Saied.

Mme Moussi fait l'objet de plusieurs accusations, dont celle particulièrement grave de tentative « ayant pour but de changer la forme de l'État », soupçonnée d'avoir voulu rétablir un pouvoir similaire à celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par la première révolte du Printemps arabe.

Les manifestants ont dénoncé le décret 54 sur les « fausses nouvelles », en vertu duquel Mme Moussi est poursuivie dans cette affaire, et dont l'interprétation très large a entraîné l'incarcération depuis septembre 2022 de dizaines de politiciens, d'avocats, de militants ou de journalistes.

Pour Thameur Saad, dirigeant du PDL, emprisonner Mme Moussi pour des critiques envers l'Isie « n'est pas digne d'un pays se disant démocratique ». « Les prisons tunisiennes sont désormais remplies de victimes du décret 54 », a renchéri à l'AFP Karim Krifa, membre du comité de défense de Mme Moussi.

D'autres figures de l'opposition, dont le chef d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, sont également emprisonnées.

Depuis le coup de force de M. Saied à l'été 2021, l'opposition et les ONG tunisiennes et étrangères ont déploré une régression des droits et des libertés en Tunisie. Le chef de l'État a été réélu à une écrasante majorité de plus de 90 % des voix le 6 octobre, lors d'un scrutin marqué toutefois par une participation très faible (moins de 30 %).