BEYROUTH: Une Libanaise saluée pour son héroïsme après avoir affronté Gebran Bassil, le député qui fait l’objet d’un mépris quasi anonyme, s’est engagée à ne pas reculer, bien que son père ait été contraint de s'excuser en son nom.
Dimanche, une vidéo de Yasmine Masri a fait le tour des réseaux sociaux. On y voit la jeune femme dans une altercation avec les gardes du corps du chef du Courant patriotique libre (CPL), après avoir interpellé ce dernier en criant «honte à vous».
Les événements se sont produits dans un restaurant à Batroun, fief de Bassil, dans le nord du Liban.
Masri révèle qu'elle a été agressée et son téléphone brisé par les gardes du corps du député. Elle confie à Arab News être fière d'affronter Bassil, mais que son père a plus tard été «contraint de s'excuser» pour elle.
Mardi, une photo de Bassil avec le père de la femme de 31 ans a été publiée dans les médias locaux. L’article qui l’accompagne explique que l’homme aurait rencontré Bassil pour s’excuser du comportement de sa fille.
Masri déjeunait avec des amis dans un nouveau restaurant à Batroun lorsqu'elle a aperçu Bassil et son entourage.
Les Libanais sont furieux contre l'élite au pouvoir, et leur reprochent d’avoir plongé le pays dans une spirale d’effondrement économique.
— Yasmine Masri (@YasmineMasri7) June 16, 2021
Gendre du président libanais Michel Aoun et puissant allié politique du Hezbollah soutenu par l'Iran, Bassil incarne aujourd’hui le politicien libanais corrompu et égoïste.
L'année dernière, les États-Unis lui ont imposé des sanctions, et l’ont accusé d'être «d’être un corrompu notoire».
S'adressant à Arab News, Masri a confié que Bassil «a forcé son père à s'excuser sous la menace. Il l’a fait chanter et humilié». Elle a préféré ne pas donner de détails sur la nature du chantage.
« J'ai reçu des menaces physiques », a-t-elle déclaré. «Tout à l'heure, peu de temps avant de me présenter à l’interview, ma mère m'a appelé et m’a demander d’arrêter, car elle ne veut pas venir me chercher de hôpital».
Mais Masri, qui, comme de nombreux jeunes Libanais, est en colère à cause de la situation critique de son pays, s’engage à ne pas se laisser museler.
La femme, qui travaille comme gérante dans le domaine de la restauration, est outrée que Bassil ait eu l'audace de se montrer en public, comme s'il n'a aucune part de responsabilité dans les malheurs du pays.
Elle s'est sentie dans son droit quand elle a crié «honte à vous», en arabe.
Selon elle, Bassil lui a envoyé ses gardes du corps qui ont menacé de la battre.
«Je leur ai dit «allez-y» et c’est là qu’ils ont commencé à me frapper. J’ai alors repris mon téléphone et je les ai suivis en les filmant. Ils m'ont encore battue avant de jeter mon téléphone par terre et le casser», dit-elle.
Masri ajoute que les partisans du CPL l'ont pourchassé pendant quatre heures à Batroun après l’altercation, et ont bloqué ses tentatives de quitter la ville.
«les partisans du CPL et de Bassil me crachaient dessus, m'insultaient et me menaçaient là où j’allais», poursuit-elle.
Masri se décrit comme une militante de la société civile politiquement indépendante, qui est devenue active lors des manifestations antigouvernementales généralisées en octobre 2019.
Lorsqu'on lui a demandé si elle compte atténuer ses critiques envers Bassil pour la sécurité de son père, elle a répondu : «Non, certainement pas. Je ne jouerai pas le jeu car je n’ai pas peur des menaces… et s'ils deviennent violents, ils vont perdre».
Quant à savoir si elle envisage d’intenter un procès, Masri confie qu'elle a consulté un avocat.
Le bureau des médias de Bassil a déclaré dimanche que le député et sa famille étaient sur le point de monter en voiture lorsqu'une femme l’a accosté avec des termes grossiers.
Son entourage a réagi «spontanément, pacifiquement et de manière civilisée» pour empêcher la femme de l’insulter.
La déclaration indique cependant que «l'ère des insultes sans réponse est révolue», et a exhorté les partisans du CPL à «agir en conséquence».
Après avoir entendu les nouvelles au sujet des excuses de son père, Masri a publié une clarification. «Je confirme par la présente que je ne me tairai jamais… Je ne cacherai jamais mon opinion face à la peur, aux menaces et au terrorisme… mon père a été menacé… tout ce qu'il fait, c'est uniquement pour me protéger».
L'artiste libanaise internationale Elissa a tweeté que «toute main qui frappe une femme devrait être cassée».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com