Salamé: la fin des jours tranquilles?

Les experts estiment qu’à l’heure qu’il est, l’action judiciaire est devenue inévitable, en raison de la masse de preuves accumulées concernant le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. (AFP/ Dalati and Nohra).
Les experts estiment qu’à l’heure qu’il est, l’action judiciaire est devenue inévitable, en raison de la masse de preuves accumulées concernant le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. (AFP/ Dalati and Nohra).
Short Url
Publié le Mardi 15 juin 2021

Salamé: la fin des jours tranquilles?

  • Après la Suisse, deux plaintes ont été déposées en France contre le gouverneur de la Banque centrale libanaise, Riad Salamé, qui occupe son poste depuis 1993
  • À ce stade de l’enquête, Salamé ne court aucun risque s’il vient en France, mais l’enquête pourrait vite s’accélérer, avec de nouveaux éléments joints au dossier

PARIS: Longtemps adulé comme gardien du temple de la stabilité monétaire libanaise, la vie du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, est désormais loin d’être un long fleuve tranquille.

Après la Suisse en janvier, une enquête préliminaire confiée à deux procureurs a été ouverte en France pour des faits présumés d’ «association de malfaiteurs», et de «blanchiment en bande organisée», contre celui qui est à la tête de la BDL depuis 1993. Elle fait suite à des plaintes déposées par deux organisations, qui, au-delà d’une action contre un individu, visent tout un système, en place depuis la fin de la guerre civile libanaise en 1990.

Il existe une opacité sur l’origine des biens de Salamé, et il revient à ce dernier de prouver qu’ils n’ont pas été acquis de manière illicite, affirme Laura Rousseau, une des responsables de l’organisation Sherpa.

Deux plaintes déposées en France

Une première plainte a été déposée le 16 avril dernier par la fondation Accountability Now, une organisation créée récemment en Suisse pour soutenir la société civile libanaise dans sa volonté de mettre fin à l’impunité. Selon l’avocate de l’organisation, Zena Wakim, interrogée par Arab News en Français, la plainte qui vise Salamé n’est que la partie visible de l’iceberg, le but étant de lutter contre «tout un système d’impunité et de corruption».

La seconde plainte a été déposée quinze jours plus tard par l’organisation française Sherpa, spécialisée dans la lutte contre la criminalité économique, et le Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban.

Laura Rousseau, responsable du pôle flux financiers illicites à Sherpa, affirme à Arab News en Français que le dossier constitué dans cette affaire indique l'existence d’une opacité sur l’origine des biens de Salamé, expliquant qu’il revient à ce dernier de prouver qu’ils n’ont pas été acquis de manière illicite.

La liste des faits présumés impliquant Salamé, son assistante Marianne Howayek, son frère Raja Salamé, et d’autres membres de son cercle familial ne cesse de s’allonger, selon une source bien informée: «blanchiment», «escroquerie», «recel», «association de malfaiteurs», «pratiques commerciales trompeuses»…

salame
A plusieurs reprises, le président libanais Michel Aoun (ici à droite) a fait assumer la responsabilité de l'effondrement à Riad Salamé. (AFP/Dalati and Nohra Handout).

Après l’étude des plaintes, le Parquet national financier (PNF) français a décidé fin mai d’ouvrir une enquête préliminaire portant sur le patrimoine immobilier de Riad Salamé. Cette enquête examine également, selon une source proche du dossier, l’existence d’un compte bancaire identifié au nom du gouverneur dans une banque libanaise en France.

Ce compte bancaire interpelle, étant donné que, selon la source précitée, le gouverneur de la BDL ne peut en pas en posséder en dehors de la Banque centrale. Il lui est en effet interdit d’avoir un compte auprès de banques libanaises, qu’il a pour mission de réguler. Pour William Bourdon, le fondateur de Sherpa, la juridiction française est tout à fait compétente pour se saisir du dossier.

Une grande partie de la population libanaise impute à Salamé la responsabilité de  la faillite de l'État et des banques, ainsi que l’effondrement de la livre libanaise, qui a perdu 90% de sa valeur face au dollar américain.

Plusieurs plaignants du Collectif des victimes, de même que Salamé, sont en effet de nationalité française, et des infractions ont été commises sur le sol français. Il estime cependant que l’enquête n’est pas dirigée principalement sur le patrimoine immobilier du gouverneur, mais qu’elle vise davantage à incriminer une politique monétaire, dont il est le pivot, qui a abouti à la fuite hors du Liban de capitaux considérables, à partir de la crise d’octobre 2019.

Faisceau d’indices

Une grande partie de la population libanaise impute à Salamé la responsabilité de  la faillite de l'État et des banques, ainsi que l’effondrement de la livre libanaise, qui a perdu 90% de sa valeur face au dollar américain.

Rousseau soutient que la plainte de Sherpa s’appuie sur des documents, des extraits du registre des sociétés luxembourgeoises, des preuves de propriétés de biens immobiliers en France. «Nous avons  alimenté notre plainte d’un faisceau d’indices qui seront évalués par la justice», explique-t-elle.

Les experts estiment qu’à l’heure qu’il est, l’action judiciaire est devenue inévitable, en raison de la masse de preuves accumulées dans le cadre du dossier, juste après le début des investigations.

La présence de nombreux montages financiers avec des sociétés offshores témoigne d’une volonté d’opacité, affirme Rousseau. Il revient donc à Salamé lui-même de prouver que l’origine des biens en question a été obtenue de façon licite. Pour l’instant, et à ce stade de l’enquête, Salamé ne court aucun risque s’il vient en France. Il n’existe pas d’instruction ouverte, mais le cours des événements pourrait s’accélérer, selon la responsable de Sherpa, grâce à de nouveaux éléments ou informations qui pourront s’ajouter au dossier. «Récemment, nous avons décidé avec le Collectif des victimes d’en ouvrir l’accès, et les personnes désireuses d’y adhérer peuvent le faire», ajoute Rousseau.

Il ne s’agit pas d’une action contre un individu, mais contre tout un système en place depuis la fin de la guerre civile libanaise en 1990.

De son côté, Wakim affirme que l’organisation Accountability now  inscrit son action dans un cadre plus global et plus large. Elle explique qu'il s'agit en fait d’une action anti-corruption, qui vise l’ensemble de la classe politique libanaise, qui s’est enrichie au détriment du peuple, faisant primer son bien-être sur l’intérêt général. «Le premier cas est le gouverneur de la Banque du Liban, mais  ce n’est pas une action punitive contre lui», assure Wakim.

salame
Une grande partie de la population libanaise impute à Salamé la responsabilité de  la faillite de l'État et des banques, ainsi que l’effondrement de la livre libanaise, qui a perdu 90% de sa valeur face au dollar américain. (AFP).

Les experts estiment qu’à l’heure qu’il est, l’action judiciaire est devenue inévitable, en raison de la masse de preuves accumulées concernant le gouverneur de la BDL, juste après le début des investigations. Si Salamé affirme, par le biais de son avocat Pierre-Olivier Sur, qu’il n’y a pas de preuves probantes contre lui, «c’est parce qu’il n’a pas encore eu accès au dossier d’accusation», tranche Wakim. Une source proche de la Banque du Liban, qui tient à garder l’anonymat, a indiqué à Arab News en Français que Salamé estime que les faits présumés qui lui sont attribués ne sont pas du tout fondés.

Le gouverneur semble, selon la source, très détendu et très confiant, affirmant qu’il est pressé de voir les démarches judiciaires aboutir, pour que la vérité éclate au grand jour. Marianne Howayek, contactée par Arab News en Français, n’a pas souhaité faire de commentaires, bien qu’étant impliquée dans la plainte déposée par les deux organisations.

Me Pierre-Olivier Sur estime pour sa part que derrière la plainte, il y a une ONG  française et «un collectif inconnu», dans le cadre d’une procédure qui consiste «à désigner un bouc émissaire». «Le gouverneur, adulé tout au long de sa carrière au Liban est aujourd’hui rejeté. Il s’agit d’un «retournement politique avec des moyens médiatiques plutôt que juridiques et financiers», assure-t-il à Arab News en Français.

Il n’en reste pas moins qu’au moment précis où l’espoir de lutter contre l’impunité est sur le point de s’éteindre avec la faillite annoncée du Tribunal Spécial pour le Liban, un autre renaît, cette fois sur le territoire européen, puisque les biens mal acquis par la classe dirigeante libanaise s’y trouvent.


Dans Gaza affamée, des Palestiniens se rabattent sur la viande de tortue

(Photo AFP)
(Photo AFP)
Short Url
  • Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
  • « La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

KHAN YOUNES, TERROIRES PALESTINIENS : Dans une bande de Gaza où les protéines sont rares, certains se résignent à manger des tortues marines.

« Les enfants étaient réticents, on leur a dit que c'était aussi délicieux que du veau », explique Majida Qanan, qui surveille les morceaux de viande rouge mijotant sur un feu de bois.

« Certains en ont mangé, d'autres pas. »

Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

Depuis 18 mois de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le territoire et ses 2,4 millions d'habitants se trouvent dans une situation humanitaire critique.

« La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

Depuis le 2 mars, Israël bloque toute livraison humanitaire, accusant le Hamas de détourner l'aide. Le mouvement palestinien dément ces accusations et accuse en retour Israël d'utiliser « la famine comme arme de guerre ».

Selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), la bande de Gaza est aujourd'hui probablement plongée dans « la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël.

En juin dernier, les acteurs du secteur humanitaire avaient évoqué des Palestiniens si démunis qu'ils en étaient parfois réduits à se nourrir d'aliments pour animaux ou d'herbe, et à boire l'eau des égouts.

Entretemps, une trêve, entrée en vigueur le 19 janvier, a permis d'augmenter les livraisons humanitaires, jusqu'au nouveau blocage israélien du 18 mars, suivi de la reprise de ses opérations militaires.

Les tortues, elles, sont tuées selon les rites halal, c'est-à-dire conformément aux préceptes de la religion musulmane, affirme Abdul Halim Qanan.

« S'il n'y avait pas de famine, on n'en mangerait pas, mais il faut bien compenser le manque de protéines avec quelque chose ».


Le président syrien reçoit un membre républicain du Congrès américain

Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
Short Url
  • En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions
  • C'est la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

DAMAS : Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Peu après l'arrivée d'Ahmed Chareh, Washington avait annoncé ne plus proposer de récompense pour son arrestation, après avoir reçu des « messages positifs » lors de la première visite officielle de diplomates américains à Damas après l'éviction de M. Assad.

Le nouveau gouvernement syrien cherche à obtenir une levée des sanctions internationales imposées à l'époque de Bachar al-Assad afin de relancer l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile.

Toutefois, certains pays souhaitent attendre de voir si les nouvelles autorités vont respecter les droits humains. 

En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions tant que des progrès sur des priorités telles que la lutte contre le « terrorisme » n'auront pas été constatés.

Les sanctions économiques ont un impact lourd sur le pays, où 90 % des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

Une délégation ministérielle syrienne et le gouverneur de la Banque centrale doivent participer à des réunions avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à Washington la semaine prochaine, ont récemment indiqué deux sources proches des participants.

La visite des deux élus américains intervient alors que les États-Unis ont annoncé le retrait prochain d'environ un millier de soldats américains déployés en Syrie pour lutter contre les jihadistes.

Washington a également mis en garde le même jour contre le risque d'attaques « imminentes » en Syrie, selon un message diffusé sur le site de l'ambassade américaine, fermée depuis 2012.


Les États-Unis annoncent réduire de moitié leurs effectifs militaires en Syrie

Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
Short Url
  • Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.
  • La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

WASHINGTON : Les États-Unis ont annoncé vendredi qu'ils allaient réduire de moitié leur présence militaire en Syrie, estimant avoir lutté avec « succès » contre le groupe État islamique (EI), même si des groupes djihadistes demeurent actifs dans un pays encore fragile.

Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.

Les États-Unis sont présents sur le sol syrien depuis des années, notamment dans le cadre de la coalition internationale contre l'EI.

La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

« Cette consolidation démontre les progrès considérables réalisés pour réduire l'attrait et les capacités opérationnelles du groupe Etat islamique, tant dans la région que dans le monde », a-t-il dit, évoquant plus globalement « le succès des États-Unis contre l'EI ».

Arrivé au pouvoir à Washington le 20 janvier, Donald Trump est depuis longtemps sceptique sur la présence militaire en Syrie. Et la chute fin décembre de Bachar al-Assad, remplacé à la tête du pays par une coalition menée par des islamistes, n'a pas changé la donne.

La prise de contrôle de pans entiers de la Syrie et de l'Irak par l'EI à partir de 2014 a déclenché l'intervention d'une coalition internationale menée par les États-Unis, dont l'objectif principal était de soutenir les unités de l'armée irakienne et les Kurdes qui combattaient l'EI au sol par les airs.

Mais Washington a alors aussi déployé des milliers de ses soldats pour soutenir ces troupes locales et mener ses propres opérations militaires.
« L'armée américaine va rester prête à mener des frappes contre ce qu'il reste de l'EI en Syrie », a déclaré vendredi le porte-parole du Pentagone, qui dit maintenir « des capacités importantes dans la région ».

Les États-Unis disposent actuellement d'environ 2 500 soldats en Irak, un chiffre appelé à diminuer.

La sécurité en Syrie reste précaire depuis la chute de Bachar al-Assad, après près de 14 ans d'une guerre déclenchée par la répression violente de manifestations antigouvernementales en 2011.

À la tête de forces de sécurité dominées par d'anciens rebelles islamistes, les autorités syriennes de transition ont la lourde tâche de maintenir la sécurité dans un pays multiethnique et multiconfessionnel où de nombreux groupes armés, parmi lesquels des djihadistes, sont encore présents.