FRANCFORT : Malgré les signes de reprise économique, la Banque centrale européenne devrait reconduire jeudi sa potion anti-crise sans se laisser impressionner par le retour de l'inflation et les investisseurs à l'affût d'un changement de cap monétaire.
Sauf grosse surprise, l'institution présidée par Christine Lagarde, qui réunit son conseil des gouverneurs, va conserver un rythme élevé d'achats de dettes publiques et privées.
La BCE veut ainsi garantir des taux d'intérêt bas pour les ménages et entreprises afin de soutenir la relance de l'activité avec la sortie espérée de la pandémie.
Ces achats d'actifs s'inscrivent dans le cadre de son plan d'urgence (PEPP) lancé au début de la crise sanitaire et de son programme plus ancien d'assouplissement quantitatif (QE).
La BCE devrait certes un peu ralentir ses interventions lors des mois d'été, en partie à cause d'effets saisonniers, mais maintenir une cadence mensuelle supérieure à la moyenne, selon Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management.
Pour cela, le communiqué des décisions de politique monétaire publié à 11H45 GMT pourrait signaler que des achats "modérément" plus élevés seront conduits au troisième trimestre. Depuis mars, ces achats sont "significativement plus élevés" que la moyenne, afin de contrer les tensions sur les taux obligataires.
Les taux directeurs à court terme de la BCE, campant depuis septembre 2019 au plus bas, devraient eux rester, selon la formule d'usage, "à leurs niveaux actuels ou inférieurs".
Dernière «danse des colombes»
Christine Lagarde a rappelé début juin l'engagement de la BCE à maintenir des "conditions de financement favorables" jusqu'à la reprise durable de l'économie.
La Française se range ainsi du côté des "colombes", majoritaires au conseil des gouverneurs de la BCE, adeptes d'un large soutien à l'économie, par rapport aux "faucons" préférant une politique monétaire restrictive.
Or, la réunion de jeudi pourrait mettre en scène "la dernière danse des colombes", selon Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.
Les prochaines échéances, surtout en septembre, pourraient alors voir les faucons "élever la voix de manière beaucoup plus audible", poursuit-il.
Avec le retour attendue de la croissance et celui de l'inflation, ces partisans de l'orthodoxie monétaire, issus principalement des pays du nord de la zone euro, ont "aujourd'hui les meilleurs arguments" pour réduire la voilure sur les rachats de dette, avance Friedrich Heinemann, économiste à l'institut allemand ZEW.
Aussi, les marchés financiers seront attentifs pendant la conférence de presse de Mme Lagarde, à partir de 12h30 GMT, à toute déclaration qui pourrait suggérer un changement de cap progressif à compter de septembre.
La BCE pourrait faire dépendre cette évolution d'indices sur les données économiques, les conditions de financement voir l'évolution de la situation sanitaire.
Prévisions relevées
La BCE dévoile jeudi un jeu actualisé de projections économiques à l'horizon 2023.
Concernant la croissance, un relèvement de la prévision est attendu au moins pour 2021, sur fond de rebond du climat des affaires qui préfigure une accélération de la reprise dans la seconde partie d'année.
L'activité serait même déjà plus forte sans des retards importants dans les chaînes d'approvisionnement et des difficultés à redémarrer certaines usines pour répondre à la demande.
Le taux d'inflation de la zone euro, également tiré par la flambée des prix de l'énergie, a atteint en mai 2% sur un an, plus vite que la BCE ne l'avait prévu.
Les observateurs s'attendent par conséquent à un relèvement de la prévision d'inflation en 2021, actuellement à 1,4%.
Pour la suite, le courbe des prix devrait rester sous la cible d'une hausse "inférieure mais proche de 2%".
La BCE voit dans la hausse actuelle des prix un phénomène temporaire n'appelant pas de riposte monétaire. De récentes interventions publiques de ses dirigeants ont permis de calmer les tensions sur les taux de la dette souveraine.
Ces tensions pourraient vite réapparaître si la BCE surprend jeudi par des annonces présageant d'un resserrement plus rapide qu'attendu de sa politique ultra-accommodante.