FRANCFORT: La Banque centrale européenne devrait mettre l'accent, jeudi, sur son soutien sans faille à la relance monétaire alors que les récentes tensions sur les taux obligataires et les craintes d'un retour de l'inflation ont alimenté les doutes.
Depuis le début de la pandémie de Covid-19, l'institution monétaire a musclé sa réponse pour venir en aide à l'économie et les instruments en place seront, selon toute attente, confirmés lors de sa deuxième réunion de l'année.
Mais un nouveau front s'est ouvert pour les gardiens de l'euro : une montée des taux obligataires à dix ans aux Etats-Unis qui reflète l'espoir d'un redémarrage économique mais aussi la crainte d'une surchauffe de l'inflation qui inciterait les banques centrales à resserrer leur politique.
D'où la nécessité pour la BCE de réaffirmer clairement le cap.
« La politique monétaire, c'est comme la cuisine ou la musique électronique : une bonne recette, une bonne chanson, nécessitent les bons ingrédients dans la bonne proportion », relève Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management.
Depuis un an, la recette de l'institution de Francfort s'appuie sur le programme de rachats de dette de son programme d'urgence contre la pandémie (PEPP), fort de 1 850 milliards d'euros, les vagues de prêts géants et bon marché aux banques et la communication sur ses intentions de maintenir les taux directeurs à leur plus bas historique.
Enveloppe disponible
Face aux remous provoqués par les récentes tensions sur les taux obligataires, la BCE a fait savoir qu'elle n'avait pas l'intention de rester les bras croisés.
Un membre de son directoire, l'Italien Fabio Panetta, a prôné cette semaine une intervention monétaire plus forte en établissant même un parallèle avec un tube de l'ex-duo électro Daft Punk : « Harder, better, faster, stronger » (plus dur, meilleur, plus rapide, plus fort).
Concrètement, la BCE pourrait décider jeudi d'augmenter temporairement le rythme hebdomadaire des achats du PEPP, d'autant plus que moins de la moitié de l'enveloppe a été engagée à ce jour.
Même s'ils restent à des niveaux très bas, les taux d'intérêt obligataires en zone euro se sont tendus. Depuis le début de l’année, le rendement de l'emprunt à 10 ans a notamment pris 0,31% en Allemagne, 0,32% en France et 0,24% en Italie, relève Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, aura à cœur jeudi de « convaincre les acteurs de marché que la BCE est fermement engagée à maintenir des conditions de financement favorables » pour le secteur privé, estime la banque Unicredit.
Elle pourrait à cet égard préciser dans quelle mesure les indicateurs mesurant ces « conditions financières » englobent les rendements obligataires et les taux de crédit bancaire, dont la surveillance n'entre pas officiellement dans le mandat de la BCE.
Limiter la montée des rendements obligataires est un impératif pour la BCE car ces derniers « servent souvent de base pour déterminer les taux des banques sur leurs prêts au secteur privé », dont les conditions pourraient à leur tour se détériorer, explique Dor.
Prévisions révisées ?
Un scénario que la BCE veut à tout prix éviter pour ne pas voir le crédit et l'investissement freiner. Cela compromettrait la perspective d'une reprise graduée de l'économie et d'une hausse des prix convergeant vers l'objectif « proche de 2% », fixé par la BCE.
La BCE publiera jeudi un nouveau jeu de prévisions trimestrielles servant traditionnellement de base pour son action.
Actuellement de 1,0%, la prévision d'inflation pour 2021 devrait être relevée, selon les analystes de Capital economics, après le rebond observé depuis janvier en zone euro. Les experts s'accordent cependant pour y voir un phénomène transitoire, lié à des facteurs comme le relèvement de la TVA en Allemagne.
Quant à la dernière prévision de croissance formulée en décembre par la banque (3,9% pour 2021) elle a du plomb dans l'aile, alors que la pandémie poursuit ses ravages et que la campagne de vaccination avance à petite vitesse.
De quoi susciter un nouvel appel de Lagarde aux gouvernements pour qu'ils ne retirent pas de sitôt leurs généreux soutiens budgétaires aux économies.