BAMAKO: Le colonel Assimi Goïta, investi président de transition, a donné lundi aux partenaires du Mali des gages quant à un retour des civils au pouvoir en 2022 après deux coups d'Etat militaires et quant au respect des accords engageant ce pays crucial pour la stabilité au Sahel.
Sous pression internationale, l'homme fort du Mali depuis moins d'un an a dit son intention de respecter l'engagement récemment mis en doute d'organiser des élections présidentielle et législatives le 27 février 2022. Sitôt investi, il a nommé, comme l'exigeaient les partenaires du pays, un Premier ministre civil.
L'ancien commandant de bataillon des forces spéciales a prêté serment en uniforme d'apparat comme président de la période de transition censée ramener les civils au pouvoir.
Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), ONU, France, parmi les soutiens de ce pays pauvre confronté à la propagation jihadiste et bien d'autres maux, scrutaient cette cérémonie dans l'attente de garanties après un deuxième coup de force en neuf mois.
« Je voudrais rassurer les organisations sous-régionales, régionales et la communauté internationale en général que le Mali va honorer l'ensemble de ses engagements pour et dans l'intérêt supérieur de la nation », a dit le colonel Goïta au Centre international de conférence de Bamako, devant un parterre de centaines d'officiels, magistrats en robe, civils en boubou et militaires en uniforme, gardés par des hommes en tenue de camouflage.
Il a exprimé en particulier sa volonté d'organiser « des élections crédibles, justes, transparentes, aux échéances prévues ».
Assimi Goïta, inconnu jusqu'alors, a mené avec d'autres colonels le putsch qui a renversé le 18 août 2020 le président Ibrahim Boubacar Keïta, réélu en 2018. La junte dont il était alors devenu le chef avait accepté de mauvaise grâce une transition limitée à 18 mois et les colonels s'étaient engagés à organiser des élections le 27 février 2022.
Ils avaient mis en place des organes de transition, tout en conservant les postes stratégiques, dont une vice-présidence taillée sur mesure pour le colonel Goïta.
Leurs promesses ont été remises en cause par un nouveau putsch le 24 mai quand le colonel Goïta a fait arrêter le président et le Premier ministre, cautions civiles de la transition.
« Préserver les acquis démocratiques »
Après huit années d'étroite collaboration, la France a suspendu les opérations militaires conjointes avec les forces maliennes contre les jihadistes. Elle a réclamé des « garanties » des colonels pour reprendre une coopération importante pour une armée malienne sous-équipée et sous-entraînée.
La Cédéao, suivie par l'Union africaine (UA) et l'Organisation de la Francophonie, a suspendu le Mali de ses institutions. Elle a exigé la nomination « immédiate d'un Premier ministre civil », le respect du délai de 18 mois pour la transition, et déclaré que la présidentielle devait être maintenue « à tout prix » au 27 février 2022.
Dans un signal politique, les ambassades occidentales avaient généralement décidé d'envoyer à l'investiture un collaborateur plutôt qu'un ambassadeur.
« Devant Dieu et le peuple malien », le colonel Goïta a juré « de préserver les acquis démocratiques, de garantir l'unité nationale, l'indépendance de la patrie et l'intégrité du territoire national ».
Quelques heures après, il a signé le décret nommant Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, un civil, vétéran de la politique, ministre à plusieurs reprises et trois fois candidat à la présidentielle
C'est aussi l'une des figures du collectif qui avait mené en 2020 la contestation contre le président Keïta, parachevée par le putsch des colonels. Ces derniers avaient pris soin ensuite de marginaliser le Mouvement dit du 5-Juin. Mais ils ont besoin aujourd'hui de revendiquer une assise populaire.
La personnalité de Maïga n'est pas sans préoccuper les soutiens du Mali.
Maïga est connu pour être un farouche pourfendeur d'un accord de paix signé en 2015 par le gouvernement, une coalition de groupes armés pro-Bamako et une alliance composée essentiellement d'anciens groupes armés indépendantistes touareg et nationalistes arabes qui ont combattu les forces maliennes dans le Nord à partir de 2012. Or, l'application de cet accord est jugée capitale par les partenaires du Mali.
Là aussi, le colonel Goïta s'est voulu rassurant en promettant de continuer le travail pour « la mise en œuvre intelligente et efficiente » l'accord.
Autre sujet de préoccupation, pour la France notamment : la tentation de concessions aux jihadistes.
Les colonels se sont dits ouverts au dialogue avec certains chefs jihadistes. Un tel dialogue était préconisé par une large concertation nationale ouverte sous la présidence Keïta. « Les conclusions du dialogue national inclusif continueront à être mises en œuvre de façon judicieuse », a dit le colonel Goïta, sans préciser son propos.