ISTRES: Plus de 35 ans de carrière n’y font rien : Massilia Sound System a toujours « Sale caractère ». Un défaut - ou une qualité ?- typiquement marseillais, affirme le trio, qui en a même fait le nom de son dernier album.
« Prends l’exemple des supporters, cette espèce de crise d’urticaire qu’ils ont eue en allant à la Commanderie : bon, ça déborde, évidemment, il y a des choses qui ne sont pas recevables », commente Gari Greu, l’un des trois chanteurs, en référence aux incidents survenus au centre d’entraînement de l’OM fin janvier.
« C’est ça être marseillais : c’est cette capacité à peut-être gueuler fort des fois », assène-t-il, crâne rasé. Mais « avoir sale caractère, c’est être vivant aussi, c’est vouloir participer au débat ». A ses côtés, son compère Papet J, l’œil rieur, chapeau de troubadour sur le chef, acquiesce du haut de ses 60 ans.
« Sale Caractère », tout juste sorti, annonce une tournée estivale réduite à une poignée de dates. « Avec la pandémie, on a pas le droit de distribuer le ‘pastaga’, et les gens n’ont pas le droit de se lever, par contre, nous, on peut tout faire », s’amuse Tatou, le troisième larron, après leur générale donnée à Istres (Bouches-du-Rhône).
Une heure et demie de reggae aux influences multiples et aux basses bien trempées montrant que le trio marseillais, moyenne d’âge 58 ans, n’a rien perdu de sa verve et de sa poésie.
Sortir du « tourbillon »
« On a fait ce disque un peu comme le premier, assez simple, avec ce ‘rub-a-dub’ digital assez direct », résume Gari Greu. « C'est un peu le disque qu’on a fait le plus rapidement et ça nous a fait du bien ».
« On avait envie d’exprimer un peu le ras-le-bol que tout un chacun ressent sur toute la planète aujourd’hui, avec tout ce qu’on a connu depuis un peu plus d’un an maintenant et cet enfermement, ce truc qui nous amène à avoir peur de cette réclusion imposée », abonde Papet J.
Certains titres comme « A la rue », sur le « repli sur soi » entre riches et pauvres à Marseille et « deux villes côte à côte qui ne communiquent plus », ou bien « Drôles de poissons », sur les migrants en Méditerranée, évoquent des thèmes tout aussi contemporains.
Le Massilia Sound System, un des groupes les plus populaires de la deuxième ville de France, n’avait pas sorti de nouvel opus depuis neuf ans, même si chacun des membres collabore à d’autres formations sans que cela ne nuise au groupe.
Pour Tatou, qui anime aussi le groupe Moussu T e lei Jovents, les Massilia ne veulent pas dépendre de l’agenda des maisons de disques. « Tu es pris dans une espèce de tourbillon qui fait que tu sors un disque, tu fais la tournée, au bout de six mois, les mecs ils font ‘C’est quoi votre actualité ?’ », relève-t-il : « On refait un disque, tu repars en tournée, au bout de cinq mois, les mecs ils te font ‘Bon alors, Massilia, c’est quoi votre actualité ?’. A un moment donné, on a dit ‘C’est fini l’actualité’ ».
S’aventurer sur d’autres terrains, comme l’opérette marseillaise ou le punk provençal, « ça nous a sauvés de la lessiveuse », ajoute Tatou. Et Papet J de conclure : « Ca nous sauve de la mode. Si tu ne veux pas être démodé, ne sois jamais à la mode ».