BRUXELLES : Les règles de discipline budgétaire imposées aux Etats membres de l'UE, qui ne sont plus appliquées depuis mars 2020, resteront suspendues en 2022 afin de surmonter la crise économique liée au coronavirus, a annoncé mercredi la Commission européenne.
Bruxelles s'attend à ce que la totalité des Vingt-Sept retrouvent leur niveau économique d'avant-crise d'ici à la fin 2022. Si tel est bien le cas, la "clause dérogatoire générale", qui permet de déroger temporairement aux limites de dettes et de déficits fixées par le Pacte de stabilité, prendra fin en 2023, a expliqué l'exécutif européen lors d'une conférence de presse.
"Nous allons continuer à utiliser tous les outils pour remettre nos économies sur les rails. Nous prolongeons la clause de sauvegarde générale en 2022, en vue de la désactiver en 2023", a déclaré le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis.
"Cette année et l'année prochaine, nous encourageons les États membres à maintenir des politiques budgétaires favorables à la croissance, en préservant l'investissement public et en tirant le meilleur parti des financements du plan de relance européen", a-t-il ajouté.
Dette commune
L'UE va lancer en juin un processus historique d'émission de dette commune pour financer quelque 672 milliards d'euros de subventions et de prêts aux Etats membres afin de les aider à financer des investissements dans la transition verte et numérique, dans le cadre d'un plan global de 750 milliards d'euros.
L'argent doit permettre de financer la rénovation thermique de bâtiments, des projets ferroviaires, des bornes de recharge pour véhicules électriques, des réseaux de télécommunications à haut débit ou encore des infrastructures de stockage des données.
La Commission avait déjà laissé entendre début mars qu'elle se préparait à maintenir la suspension des règles budgétaires, mais elle attendait ses prévisions économiques de printemps pour annoncer une décision.
Début mai, Bruxelles a réévalué à la hausse ses prévisions de croissance pour cette année et l'an prochain, grâce à la mise en oeuvre attendue de ce plan et à la forte progression de la vaccination en Europe.
L'exécutif européen table désormais sur une croissance de 4,3% en 2021, puis de 4,4% en 2022 pour les 19 pays partageant l'euro.
La crise économique liée à la pandémie a contraint les gouvernements à laisser filer les dépenses publiques pour protéger les entreprises et les emplois.
Mais ces politiques accommodantes ont eu pour conséquence de propulser pour la première fois le ratio de dette publique de la zone euro à plus de 100% de son produit intérieur brut (PIB).
Et la conjoncture reste fragile, avec de grandes disparités entre les pays du sud, les plus affectés par la chute du tourisme consécutive aux restrictions sanitaires, et ceux du nord, comme l'Allemagne, qui profitent davantage du rétablissement vigoureux de l'activité industrielle.
«Un printemps radieux»
"Un hiver terne a laissé la place à un printemps radieux pour l'économie européenne", s'est félicité le commissaire à l'Economie Paolo Gentiloni. Mais "la reprise reste inégale et l'incertitude est toujours élevée", a-t-il souligné, appelant tous les pays à "maintenir leurs investissements".
La dette publique devrait atteindre cette année près de 120% du PIB en France et en Espagne, 160% en Italie et plus de 200% en Grèce. Elle plafonnera cependant autour de 60% du PIB aux Pays-Bas --soit la limite fixée par le Pacte de stabilité-- et 70% en Allemagne.
La barre des 3% du PIB pour le déficit public sera dépassée par tous les Etats membres à l'exception de la Bulgarie, du Danemark et de la Suède.
Un débat sur une réforme du Pacte de stabilité et de croissance doit s'ouvrir au deuxième semestre, alors que plusieurs pays, dont la France, estiment que certaines de ses règles sont devenues obsolètes.
La Commission a estimé que trois pays de l'UE souffrent de déséquilibres macroéconomiques excessifs: Chypre, la Grèce et l'Italie, à cause de leur endettement. Neuf autres, dont l'Espagne et la France, mais aussi l'Allemagne (à cause de son excédent des comptes courants trop élevé), affichent des "déséquilibres" moins graves.
La France pâtit d'une "dette publique élevée, d'une faible compétitivité et d'une faible croissance de la productivité", a souligné Bruxelles.