A Bagdad, sur les traces de Gertrude Bell, la «mère» de l'Irak moderne

Les inscriptions sur sa pierre tombale sont presque effacées et quasiment personne aujourd'hui en Irak ne connait cette archéologue, exploratrice, espionne, fonctionnaire, photographe et écrivaine britannique qui mourut dans la solitude en 1926 à 57 ans. (Photo, AFP)
Les inscriptions sur sa pierre tombale sont presque effacées et quasiment personne aujourd'hui en Irak ne connait cette archéologue, exploratrice, espionne, fonctionnaire, photographe et écrivaine britannique qui mourut dans la solitude en 1926 à 57 ans. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 02 juin 2021

A Bagdad, sur les traces de Gertrude Bell, la «mère» de l'Irak moderne

  • «Elle a été un des promoteurs de la création de ce pays. En un sens, elle a été la mère de l'Irak, pour le meilleur et pour le pire»
  • «Les Irakiens ne savent pas grand chose de leur passé. Quand vous parlez patrimoine et histoire, on vous sert une version monolithique et propagandiste»

BAGDAG: A Bagdad, il faut être tenace pour trouver le discret cimetière protestant où repose la Britannique Gertrude Bell, artisane de la formation de l'Irak moderne, et il faut compter sur la bonne volonté du préposé du lieu pour dénicher son caveau.

Les inscriptions sur sa pierre tombale sont presque effacées et quasiment personne aujourd'hui en Irak ne connait cette archéologue, exploratrice, espionne, fonctionnaire, photographe et écrivaine britannique qui mourut dans la solitude en 1926 à 57 ans.

Pourtant, elle a participé activement à créer l'Irak moderne en 1921 à la conférence du Caire avec Winston Churchill, alors secrétaire d'Etat aux colonies, élargissant les contours géographiques de ce qui était alors un pays sous mandat britannique, en y intégrant le Kurdistan, Mossoul et les champs pétroliers qui allaient avec.

"Elle a été un des promoteurs de la création de ce pays. En un sens, elle a été la mère de l'Irak, pour le meilleur et pour le pire", assure l'historienne Tamara Chalabi, spécialiste de Gertrude Bell.

Parfaite connaissance des tribus

Parlant couramment l'arabe et le persan et ayant beaucoup voyagé au Moyen-orient, cette femme excentrique issue de la haute société se fit une place unique dans l'univers machiste de l'administration coloniale britannique, intégrant notamment le Bureau arabe du Caire, l'agence britannique de renseignement dans la région.

Elle imposa Fayçal Ier comme roi d'Irak en 1921 et connaissant parfaitement les tribus, elle réussit même à le faire plébisciter. Mais sa plus grande fierté fut la construction du Musée de Bagdad, inauguré un mois après sa mort.

Cette femme, qui a travaillé avec T.E. Lawrence dit Lawrence d'Arabie, est cependant peu connue en Irak. Quand l'historienne Tamara Chalabi est arrivée dans ce pays en 2005, "les moins de 60 ans ne savaient pas de qui (elle) parlait et seuls quelques vieux messieurs se souvenaient de ce qu'elle avait fait et l'appelaient Khatoun ("Madame" en turc)".

Pour Mme Chalabi, qui a contribué au livre "Gertrude Bell et l'Irak. Une vie et un héritage", si elle est peu connue, c'est notamment "à cause de la manière dont est enseignée l'histoire en Irak".

"Les Irakiens ne savent pas grand chose de leur passé. Quand vous parlez patrimoine et histoire, on vous sert une version monolithique et propagandiste", ajoute-t-elle.

Dans ce pays qui célébrera l'an prochain son centenaire, les livres d'histoire ont été modifiés au gré des révolutions, coups d'Etat, dictatures et changements de régime. 

"A l'école, l'histoire moderne se résumait à des dates mais jamais le nom de Gertrude Bell n'a été évoqué", explique Heidi, une étudiante de 23 ans.

En revanche, en Occident, plusieurs livres lui ont été consacrés ces dernières années et l'Allemand Werner Herzog a réalisé un film en 2015, "Queen of the Desert", où Nicole Kidman incarne Gertrude.

C'est un vrai jeu de piste pour trouver le cimetière, situé dans une ruelle du centre-ville. Une fois devant, il faut frapper à plusieurs reprises sur un portail en fer avant qu'Ali Mansour, surnommé Abou Hussein, 77 ans, vienne ouvrir.

Son emploi, il l'a hérité de son beau-père, qui l'avait lui-même obtenu des Britanniques il y a plus de 60 ans. L'Eglise protestante lui verse un salaire mensuel de 250 000 dinars (170 dollars) pour entretenir le cimetière.

Quelques fleurs artificielles reposent sur la tombe. "Des visiteurs en déposent de vraies mais je les enlève rapidement à cause de la chaleur", confie Abou Hussein.

«Miss Bell»

Il assure avoir été invité l'an dernier à l'ambassade britannique pour une cérémonie à la mémoire de "Miss Bell", comme l'appellent les Irakiens.

Issue d'une grande famille irakienne exilée à la chute de la monarchie en 1958, Tamara Chalabi a réhabilité la tombe, planté des arbres autour et mis une plaque sur laquelle on peut lire: "Restaurée par Tamara Chalabi en reconnaissance de la contribution historique de Gertrude Bell à l'Irak".

Mais pour Ali al-Nashmi, professeur d'histoire à l'université Mustansariya à Bagdad, l'archéologue "ne servit que les intérêts de la couronne britannique, pas ceux des Irakiens".   

Pour trouver une autre trace de Gertrude Bell, direction le Musée de Bagdad. Dans son bureau, le directeur du Conseil des antiquités et du patrimoine Laith Hussein montre une plaque fixée au mur où sont inscrits les noms de ses prédécesseurs, dont le premier est celui de Gertrude Bell (1922-1926).

"Elle n'a jamais été oubliée", assure-t-il. "Elle a établi le Musée irakien et contribué à la première institution archéologique du pays". 

Cependant, sa statue érigée par Fayçal Ier a disparu lors du pillage du musée durant l'invasion américaine de l'Irak en 2003. "Nous ne l'avons toujours pas retrouvée", confie Laith Hussein.


Le Liban réforme le secret bancaire, une mesure clé pour ses bailleurs

Cette photo prise le 20 mai 2020 montre une vue de l'entrée fortifiée de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, dans la capitale Beyrouth. (AFP)
Cette photo prise le 20 mai 2020 montre une vue de l'entrée fortifiée de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, dans la capitale Beyrouth. (AFP)
Short Url
  • Le Liban a accordé jeudi, par un vote au Parlement, un accès plus large des organismes de contrôle aux informations bancaires, une réforme clé réclamée dans ce pays
  • Le gouvernement a indiqué que la loi s'appliquerait de manière rétroactive sur 10 ans

BEYROUTH: Le Liban a accordé jeudi, par un vote au Parlement, un accès plus large des organismes de contrôle aux informations bancaires, une réforme clé réclamée dans ce pays, plongé dans une grave crise économique, par les bailleurs internationaux, dont le FMI.

Le gouvernement a indiqué que la loi s'appliquerait de manière rétroactive sur 10 ans, couvrant donc le début de la crise économique lorsque les banquiers ont été accusés d'aider des personnalités à transférer des fonds importants à l'étranger.

Le Premier ministre libanais, Nawaf Salam, a salué une "étape indispensable vers la réforme financière" que son gouvernement a promis de réaliser et un "pilier essentiel d'un plan de reconstruction".

Cette mesure, a-t-il ajouté, est "fondamentale pour restaurer les droits des déposants et la confiance des citoyens et de la communauté internationale". Il a mis en avant que l'opacité financière, prévalant de longue date au Liban, n'était plus aussi attractive pour les investisseurs qu'elle avait pu l'être.

"Il ne faut pas croire qu'avec cette loi, n'importe qui va entrer dans une banque et demander des détails sur un compte", a tempéré le ministre des Finances, Yassine Jaber, en déplacement à Washington avec son collègue de l'Economie, Amer Bisat, et le nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid.

Ces responsables doivent se rendre à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI).

Le Liban a longtemps été une plaque-tournante financière régionale, dont la législation stricte sur le secret bancaire était perçue comme un atout, jusqu'à la profonde crise économique et financière qui a éclaté en 2019 et terni sa réputation.

Depuis, les autorités sont sous pression, interne et internationale, pour réformer une législation accusée d'avoir permis une fuite de capitaux au déclenchement de la crise, alors que les simples déposants étaient privés de leur épargne et que la valeur de la monnaie locale plongeait.

- Loi rétroactive sur dix ans -

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les changements votés jeudi autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations sans raison particulière".

Ces organismes pourront avoir accès à des informations comme le nom des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars et aider à la relance de l'économie libanaise, dont les maux sont imputés à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a besoin de fonds pour la reconstruction.

M. Salam a souligné que la réforme "ouvrait une page nouvelle" dans la lutte contre l'évasion fiscale, la corruption et le blanchiment.

Le ministre des Finances a relevé que la Banque centrale aura "plus de marge de manoeuvre" pour accéder à certains comptes.

Selon Alain Aoun, membre de la commission des finances du Parlement, une première réforme en 2022 avait été jugée insuffisante par le FMI. Les organismes de contrôle pourront désormais demander "l'information qu'ils veulent", a-t-il dit à l'AFP.

En avril 2022, le Liban et le FMI avaient conclu un accord sous conditions pour un prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord, et le nouveau gouvernement libanais a promis d'autres réformes. Il doit prochainement soumettre au Parlement un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.

Mercredi, le gouvernement a aussi signé un accord de 250 millions de dollars avec la Banque mondiale pour relancer son secteur électrique en déshérence, qui prive régulièrement les Libanais de courant.


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Short Url
  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.