PARIS: La gauche accuse le président français, Emmanuel Macron, de mener une campagne de «karcherisation» à son égard. La droite l’accuse de chercher à la «dissoudre». Les deux s’accordent pour dire qu’il n’a eu de cesse, depuis son arrivée au pouvoir en 2017, de tenter de les affaiblir.
Certains vont jusqu’à lui prêter l’intention de vouloir faire le vide à sa droite et à sa gauche pour faire émerger l’extrême droite comme seule alternative à sa politique. Les deux n’ont pas tout à fait tort, ni tout à fait raison. Macron comme Le Pen profitent de la décrépitude des forces politiques traditionnelles.
Retour en 2017: l’état des lieux des forces politiques était loin d’être reluisant.
Perte de vitesse
Les partis traditionnels de droite et de gauche étaient en perte de vitesse, les électeurs étaient lassés, voire contrariés, de leur alternance stérile au pouvoir. Le parti de droite, Les Républicains (LR), de même que le Parti socialiste étaient usés; leurs pratiques respectives du pouvoir ont nourri chez les Français une sorte de défiance allant jusqu’au rejet.
Le corps politique de gauche comme de droite était nécrosé, il suffisait de le secouer pour qu’il s’effondre et permette à la France d’accéder au changement.
Les gouvernants se succédaient avec leurs recettes diverses, mais les problèmes du quotidien, de la dégradation du niveau de vie au chômage ou à l’insécurité, persistaient et même s’aggravaient.
Le corps politique de gauche comme de droite était nécrosé, il suffisait de le secouer pour qu’il s’effondre et permette à la France d’accéder au changement.
Double peine
C’est probablement l’analyse qu’a dû faire Macron, c’est d’ailleurs le défi qu’il a décidé de relever et qui l’a mené triomphalement à l’Élysée.
En 2017, le verdict des urnes avait donné lieu à une double peine.
Non seulement Macron est élu président, mais LR et socialistes sont hors jeu, puisqu’il a affronté au second tour des élections la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen, qui a récolté 33,9% [cf. site gouv.fr] des suffrages.
Chaque projet de réforme, chaque modification de loi faisait l’objet d’un bras de fer entre le pouvoir et la rue, par manque de confiance d’un côté et de projet convaincant et fédérateur de l’autre.
Ce score représentait une véritable montée en puissance du Rassemblement national sous la houlette de Marine Le Pen, après avoir été pendant plusieurs décennies un parti contenu en marge de l’échiquier politique français.
Poussée historique
Les élections législatives qui ont suivi la présidentielle sont venues conforter cette progression de l’extrême droite, avec une première, l’entrée de Marine Le Pen au Parlement à la tête d’un groupe de cinq députés.
Cette poussée historique était le fruit de plusieurs éléments, dont en tête l’aggravation continuelle de la crise économique et sociale, avec son lot de grèves multiples et d’opposition systématique à toute velléité de changement de la part des gouvernants.
Chaque projet de réforme, chaque modification de loi faisait l’objet d’un bras de fer entre le pouvoir et la rue, par manque de confiance d’un côté et de projet convaincant et fédérateur de l’autre.
«dédiabolisation»
Assoiffés de changement et de besoin de rupture, de plus en plus de Français, toutes classes sociales et toutes catégories d’âge confondues, se tournaient vers une extrême droite porteuse de promesses qu’ils n’ont pas encore expérimentées.
Il faut dire que cette tendance a été bien nourrie par la campagne de «dédiabolisation» entamée par la droite sarkozyste à l’égard des idées de l’extrême droite.
Ce pari qui avait pour objectif de couper l’herbe sous les pieds de Le Pen, sous prétexte de ne pas isoler les porteurs de ses idées, a tourné en sa faveur.
À ce jour, soit presque quatre ans après l’arrivée au pouvoir de Macron, droite et gauche peinent à se remettre sur pieds, incapables d’unifier leurs composantes et de trancher les rivalités et la guerre des egos entre leurs grandes personnalités.
En réalité, il a décomplexé les électeurs qui adhèrent à ses idées, tout en provoquant une profonde fracture toujours d’actualité au sein de la droite.
S’ajoute à cela une gauche inapte à se réinventer et à se reconstruire autour d’idées innovantes et d’une personnalité pouvant les incarner, et qui poursuit sa descente aux enfers, plus inaudible et plus affaiblie que jamais.
Guerre des egos
À ce jour, soit presque quatre ans après l’arrivée au pouvoir de Macron, droite et gauche peinent à se remettre sur pieds, incapables d’unifier leurs composantes et de trancher les rivalités et la guerre des egos entre leurs grandes personnalités.
Pendant ce temps, Le Pen édulcore son programme, en chasse les aspérités et adoucit ses propos.
Face à une classe politique en état de paralysie, et face à un président éreinté par une crise sanitaire qui a freiné – voire bloqué – ses élans réformateurs, les sondages promettent à Le Pen des lendemains qui chantent.
Jamais le Rassemblement national n’a semblé aussi proche de l’accès à l’Élysée, jamais auparavant Le Pen n’a eu autant de raison d’espérer.
Nouvel habillage
Sans avoir à déployer de grands moyens, elle déroule sereinement les éléments de son programme, toujours axé sur le repli, dans le cadre des prochaines élections régionales.
Avec un visage souriant et un verbe apaisé, elle cherche à incarner une sorte de douceur et même d’humilité…
Lors d’une conférence de presse à Nîmes où elle s’est rendue pour un meeting électoral, elle a proposé aux Français un slogan pétri de modestie: «Vous avez tout essayé, la droite, la gauche», et avec Macron «le pire de la droite et le pire de la gauche», alors «essayez-nous»!
Impossible de ne pas penser à une campagne de publicité pour un produit de consommation.
Ce nouvel habillage des idées lepénistes portera-t-il ses fruits ?
Éléments de réponse à l’issue du scrutin régional des 20 et 27 juin.