Des espions turcs «capturent», au Kenya, le neveu d'un ennemi d'Erdogan

Le président turc et chef du Parti de la justice et du développement (AKP), Recep Tayyip Erdogan, prend la parole à la Grande Assemblée nationale de Turquie (GNAT), à Ankara, le 26 mai 2021. (Photo / AFP)
Le président turc et chef du Parti de la justice et du développement (AKP), Recep Tayyip Erdogan, prend la parole à la Grande Assemblée nationale de Turquie (GNAT), à Ankara, le 26 mai 2021. (Photo / AFP)
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Publié le Mardi 01 juin 2021

Des espions turcs «capturent», au Kenya, le neveu d'un ennemi d'Erdogan

  • Des personnes et médias liés au mouvement de Fethullah Gülen ont déclaré sur les réseaux sociaux que Selahaddin Gülen avait été «kidnappé»
  • Selahaddin Gülen, qui faisait l'objet d'une notice rouge d'Interpol émise à la demande de la Turquie, avait été arrêté à son arrivée au Kenya le 17 octobre 2020 avant d'être libéré

ISTANBUL : Les services de renseignement turcs ont interpellé à l'étranger et rapatrié un neveu du prédicateur Fethullah Gülen, bête noire du président Recep Tayyip Erdogan, ont rapporté lundi des médias, l'épouse de Selahaddin Gülen affirmant qu'il avait été "capturé" au Kenya.

Selahaddin Gülen a été ramené en Turquie par des agents de l'Organisation nationale du renseignement (MIT) après avoir été interpellé à l'étranger, a rapporté l'agence de presse étatique Anadolu, sans dire dans quel pays.

Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux le 20 mai, son épouse a affirmé qu'ils vivaient tous les deux au Kenya et qu'elle était sans nouvelles depuis le 3 mai de son mari, qui enseignait dans une école à Nairobi.

Des personnes et médias liés au mouvement de Fethullah Gülen ont eux aussi déclaré sur les réseaux sociaux que Selahaddin Gülen avait été "kidnappé" au Kenya, et lancé une campagne appelant à sa libération.

Selahaddin Gülen est accusé par les autorités turques d'appartenir à l'"organisation terroriste Fetö", un acronyme qu'Ankara utilise pour désigner le mouvement du prédicateur Fethullah Gülen.

Dans une décision rendue le 6 mai, un tribunal kényan avait interdit l'arrestation de Selahaddin Gülen et son extradition vers la Turquie. Il avait ordonné la restitution de son passeport en vue de son retour aux États-Unis, pays en provenance duquel il était arrivé au Kenya en octobre 2020, selon les attendus de l'arrêt consultés par l'AFP.

Selahaddin Gülen, qui faisait l'objet d'une notice rouge d'Interpol émise à la demande de la Turquie, avait été arrêté à son arrivée au Kenya le 17 octobre 2020 avant d'être libéré sous caution deux jours plus tard dans l'attente de l'examen de son cas par la justice.

L'AFP n'a pas pu joindre son avocat au Kenya lundi.

«Chef terroriste»

M. Erdogan, qui était autrefois allié à M. Gülen, le décrit aujourd'hui comme un "chef terroriste" et l'accuse d'avoir ourdi contre lui une tentative de coup d'État en juillet 2016.

Le prédicateur, qui réside aux États-Unis, affirme être à la tête d'un réseau pacifique d'ONG et d'entreprises et nie toute implication dans la tentative de putsch.

Depuis le putsch manqué, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées et plus de 140.000 limogées ou suspendues de leurs fonctions dans le cadre de purges d'une ampleur sans précédent dans l'histoire de la Turquie.

Ankara traque également les membres présumés du réseau de Fethullah Gülen à l'étranger et affirme avoir "rapatrié" plusieurs dizaines de personnes depuis 2016, quitte à susciter des remous.

En 2018, l'enlèvement au Kosovo par des agents du MIT de six ressortissants turcs accusés de liens avec M. Gülen avait provoqué une crise politique dans ce pays et conduit au limogeage du ministre de l'Intérieur et du chef du renseignement.

Par ailleurs, Ankara fait pression sur de nombreux pays, notamment des Balkans, d'Asie centrale et d'Afrique pour qu'ils ferment les écoles liées au mouvement "guléniste".

Le Kenya avait refusé en 2016 de fermer six établissements malgré l'insistance d'Ankara.

Il n'était pas clair dans l'immédiat si la "capture" de Selahaddin Gülen s'est faite avec l'accord des autorités kényanes.

En 1999, le Kenya avait été le théâtre d'une spectaculaire opération des services turcs qui y avaient arrêté le dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Ocalan, aujourd'hui emprisonné en Turquie.

"Nous allons bientôt annoncer la capture d'un membre très important de Fetö. Il est entre nos mains", avait déclaré M. Erdogan le 19 mai, vraisemblablement en référence à Selahaddin Gülen.


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
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  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
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  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
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  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.