MADRID : Trois hommes accusés d'avoir appartenu à une cellule djihadiste qui avait mené un double attentat ayant fait 16 morts en Catalogne (nord-est de l'Espagne) en 2017, ou d'en avoir été complice, ont été condamnés jeudi à des peines allant de 8 à 53 ans de prison.
L'Espagnol Mohamed Houli Chemlal, 24 ans et le Marocain Driss Oukabir, 31 ans, ont été condamnés respectivement à 53 ans et demi et à 46 ans de prison, notamment pour appartenance à une organisation terroriste et détention et fabrication d'explosifs, alors que le parquet avait requis 41 et 36 ans à leur encontre.
Dans son communiqué, le tribunal madrilène de l'Audience nationale, chargé notamment des affaires de terrorisme, a toutefois indiqué que la peine effective « ne dépasserait pas 20 ans » pour ces deux accusés, qui n'ont pas été jugés pénalement responsables de la mort des victimes comme le réclamaient les proches de ces derniers.
Le tribunal a en revanche suivi le parquet en ce qui concerne Said Ben Iazza, 28 ans, condamné à 8 ans de prison pour avoir prêté un véhicule et des papiers aux assaillants.
Improvisation
Le premier attentat avait eu lieu le 17 août sur la célèbre avenue des Ramblas à Barcelone, où une camionnette-bélier avait foncé sur les passants, tuant 14 personnes, en majorité des touristes étrangers.
Dans sa fuite, le chauffeur, Younes Abouyaaqoub, qui avait été abattu quelques jours plus tard par les forces de l'ordre, avait assassiné une autre personne pour lui voler sa voiture avant de s'enfuir.
Quelques heures après le massacre des Ramblas, cinq autres membres de la cellule, Marocains comme Abouyaaqoub, avaient perpétré la seconde attaque sur le front de mer de la petite station balnéaire de Cambrils, 100 km plus au sud.
Ils y avaient renversé plusieurs personnes avec un véhicule avant de poignarder mortellement une femme et d'être abattus par la police.
Les deux attaques avaient été revendiquées par l'organisation Etat islamique.
Autres cibles
Durant l'enquête, Mohamed Houli Chemlal, le principal accusé, avait expliqué à la police que le plan initial de la cellule, formée par neuf jeunes dans la ville de Ripoll au nord de Barcelone, était de perpétrer des attentats contre des sites célèbres, mentionnant notamment la basilique de la Sagrada Familia.
Les plans de la cellule avaient été chamboulés par l'explosion accidentelle de leur planque à Alcanar, à 200 kilomètres au sud de Barcelone, où les djihadistes fabriquaient des explosifs.
La déflagration, qui avait blessé Chemlal, avait précipité le passage à l'acte du groupe, endoctriné, selon l'accusation, par un imam marocain de 44 ans, Abdelbaki Es Satty, tué dans l'explosion.
La camionnette utilisée sur les Ramblas avait été louée par Driss Oukabir, le frère d'un des assaillants tués, qui n'a cessé de clamer son innocence pendant le procès, affirmant ne pas être une personne religieuse.
Des affirmations rejetées par le tribunal qui a considéré que sa radicalisation était visible depuis février 2017 et qu'il avait « intégré la cellule dirigée par Abdelbaki Es Satty ».
Houli Chemlal, quant à lui, faisait « partie intégrante de la cellule terroriste » et a participé à l'achat de matériel explosif, ainsi qu'à la fabrication d'engins explosifs, selon la décision du tribunal.
L'Audience nationale avait entendu plus de 200 témoins lors du procès-fleuve qui s'est déroulé de novembre 2020 à février 2021. Des vidéos glaçantes des jeunes membres de la cellule blaguant alors qu'ils fabriquaient des explosifs y avaient été notamment diffusées.
L'un des témoignages les plus poignants du procès fut celui de Javier Martínez, dont le fils de 3 ans est mort sur les Ramblas.
« Tous les sentiments que l'on a pour continuer à vivre, à se battre, se sont brisés sur le sol » des Ramblas, avait-il dit devant le tribunal.
L'Espagne avait été touchée le 11 mars 2004 par l'attaque djihadiste la plus sanglante d'Europe, lorsque des engins avaient explosé à bord de quatre trains de banlieue dans la gare madrilène d'Atocha, faisant 191 morts et environ 2 000 blessés.
Elle n'a pas subi de nouvelle attaque depuis ces attentats de 2017 en Catalogne, mais de nombreux experts estiment qu'elle reste dans le viseur de l'islam radical.