BAGDAD: Deux manifestants ont été tués par balle et plusieurs dizaines de personnes blessées à Bagdad lors d'échauffourées à l'issue d'un rassemblement mardi à la mémoire de militants prodémocratie récemment assassinés, selon la police et des sources médicales.
Vingt-huit protestataires ont été blessés par des tirs de gaz lacrymogènes des forces de police qui tentaient de disperser le rassemblement ayant attiré des milliers de personnes dans la capitale, ont indiqué ces sources.
Cinquante-sept policiers ont par ailleurs été blessés par des jets de projectiles, ont précisé des sources de sécurité.
Le premier manifestant décédé, Mohammad Baker, était venu de Diwaniya (sud) pour participer à la manifestation, a-t-on indiqué à l'hôpital al-Kindi de Bagdad, où il avait été transporté. Une source médicale a précisé qu'il avait été atteint au cou et était mort peu après son admission aux urgences.
Le deuxième manifestant tué n'as pas été identifié dans l'immédiat.
Sous le slogan « Qui m'a tué? » et arborant les photos des victimes abattues par des tueurs armés de pistolets avec silencieux, les manifestants s'étaient rassemblés sur les trois principales places de la capitale, Tahrir, Ferdaous et al-Nossour, au milieu d'un important dispositif policier.
Ils étaient venus de Bagdad mais aussi de Kerbala, Najaf et Nassiriya où les crimes ont été commis.
Le 9 mai, à Kerbala, des tueurs ont abattu le militant Ehab al-Ouazni, coordinateur des manifestations antipouvoir dans la ville sainte, qui dénonçait les groupes armés et la mainmise de l'Iran sur son pays. Le lendemain, Ahmed Hassan, un journaliste de la chaîne al-Fourat, a aussi été visé par un attentat et se trouve depuis dans le coma.
Depuis le début de la révolte populaire inédite d'octobre 2019, plus de 70 militants ont été victimes d'assassinats ou de tentatives d'assassinat, tandis que des dizaines d'autres ont été enlevés brièvement.
Personne n'a revendiqué ces attaques mais les militants prodémocratie sont convaincus que les tueurs sont connus des services de sécurité et ne sont pas arrêtés malgré les promesses du gouvernement, car liés à l'Iran, le puissant voisin agissant en Irak.
Les manifestants, pour la plupart des jeunes scandaient: « Avec notre âme et notre sang, nous nous sacrifions pour toi, Irak », « Le peuple veut renverser le régime », et « Révolution contre les partis ».
Peur palpable
Depuis la chute de Saddam Hussein en 2003 dans le sillage de l'invasion américaine du pays, les partis contrôlent la vie politique et économique du pays et la corruption touche tous les rouages de l'Etat.
Pour Hussein, un manifestant de 25 ans, « quiconque se présente aux élections comme un candidat libre, sans attache à un parti politique sera tué ». « Ce scrutin vise à recycler les déchets corrompus », a-t-il ajouté.
A ce jour, 17 groupes ont appelé au boycott des élections législatives prévues en octobre et censées ramener la paix civile après des mois de manifestations contre la corruption et contre la classe politique.
Ils avaient pourtant chacun présenté des listes pour les élections, estimant bénéficier d'un fort soutien populaire pour pouvoir changer le système par les urnes. Mais la donne a changé avec l'assassinat de Ouazni et l'attentat contre le journaliste Ahmed Hassan.
La peur est en tout cas palpable: « Il y a pas mal de gens infiltrés parmi les manifestants », assure Mohammed, 22 ans.
« Ils nous prennent en photo pour nous menacer et tuer les militants quand nous serons partis. Ce sont les milices et les partis qui sont derrière les crimes », affirme-t-il.