KABOUL: Kaboul a entamé la construction d'une route de 5 millions de dollars (4,1 millions d’euros) dans la région montagneuse du Pamir - ou «Toit du monde» - pour se connecter avec la Chine par une route terrestre pour la première fois, se rapprochant de «l'immense intérêt» de Pékin à investir dans Afghanistan, déclare dimanche un responsable gouvernemental.
La construction de l’autoroute de près de 50 km qui traverse le corridor de Wakhan dans la province du Badakhshan, dans le nord-est de l’Afghanistan, sera prête dans un an et demi et permettra à terme à Pékin d’exporter des matières premières provenant de mines afghanes inexploitées pour sa consommation intérieure croissante.
« Nous avons apporté des machines du Tadjikistan pour le projet parce que le terrain ne nous a pas permis de les envoyer de ce côté », déclare Khalil Rahman Omaid, un porte-parole du ministère des Travaux publics, à Arab News.
La phase initiale du projet comprendra une couche de gravier puis d’asphalte avant de «le relier à une route déjà utilisée en Chine».
« Cette route sera utilisée pour le commerce, les importations et les exportations ainsi que pour le transit. La Chine a exprimé un énorme intérêt pour les investissements en Afghanistan, en particulier dans le secteur minier, et cette route lui sera également utile », ajoute Omaid.
Le gouvernement de Kaboul couvrira le coût du projet, estimé à près de 5 millions de dollars, avec une partie de la route qui devrait traverser l’ancienne route de la soie utilisée par la Chine pour le commerce avec l'Asie du Sud, l'Iran et l'Europe à travers l'Afghanistan et l'Asie centrale, souligne le porte-parole.
«Nous pouvons dire que cela redonne vie à l’idée de la Route de la Soie dans le cadre du projet moderne Belt and Road (Initiative)», déclare Torek Farhadi, conseiller de l’ancien président afghan Hamid Karzai, à Arab News.
Il ajoute que ce n’est «un secret pour personne» que les réserves de minéraux et de terres rares de l’Aghanistan sont «convoitées par la Chine».
«La Chine a des intérêts géostratégiques en Afghanistan, ainsi que des intérêts géo-économiques. Par ailleurs, Wakhan bénéficie d'un accès routier facile depuis l'intérieur de l'Afghanistan », précise Farhadi.
Kaboul et Pékin ont intensifié ces dernières années leurs efforts pour améliorer leurs relations économiques et commerciales.
Il y a plus d'un an, Kaboul a signé un accord de 2,2 milliards de dollars pour exporter vers la Chine pendant les cinq prochaines années ses très convoités pignons de pin, alors que l'Afghanistan est déjà un énorme marché pour les produits chinois.
En outre, au cours des 20 dernières années, la Chine a progressivement accru sa présence en Afghanistan, en augmentant l'aide au développement de près de 240 millions de dollars entre 2001 et 2013 et en accroissant les investissements dans le pays, en particulier depuis le début de la réduction des troupes dirigées par les États-Unis à la fin de 2014.
En 2007, avec la signature d'un accord avec le gouvernement afghan, la Chine a obtenu des droits exclusifs pour extraire le cuivre de la mine de Mes Aynak dans la province de Logar pour 3,4 milliards de dollars.
Dans le cadre de ce contrat, la Chine construira un réseau ferroviaire pour exporter le cuivre de Logar - situé au sud de Kaboul - vers la ville de Mazar-i-Sharif, au nord de l'Afghanistan, puis de nouveau à Pékin via un réseau ferroviaire existant en Ouzbékistan.
Cependant, l'ambitieux projet n'a pas encore vu le jour en raison des retards dans l'extraction du cuivre, ralentis par la guerre en Afghanistan et la découverte d'un site historique bouddhiste.
«Les responsables chinois, lors de diverses réunions ici et en Chine, n'ont pris aucun engagement spécifique sur la construction du projet de chemin de fer. . . en partie parce que la Chine veut attendre le retour de la paix (en Afghanistan) avant de faire des investissements supplémentaires ici », déclare à Arab News un haut responsable du gouvernement afghan, sous couvert d’anonymat n’étant pas autorisé à en parler.
Des décennies de guerre ont dissuadé la Chine de soutenir plusieurs projets de développement d'infrastructure en Afghanistan, contrairement à l’initiative Belt and Road, que Pékin a lancée en 2013 pour investir dans près de 70 pays, y compris au Pakistan voisin.
La Chine est restée critique et sceptique quant à la présence militaire américaine en Afghanistan depuis l’éviction des talibans lors d’une invasion dirigée par Washington à la fin de 2001.
La semaine dernière, Pékin a proposé d’accueillir des pourparlers de paix entre le gouvernement afghan et les talibans, les États-Unis ayant débuté le retrait de leurs troupes d’Afghanistan le 1er mai. Toutes les forces étrangères devraient quitter le pays d’ici le 11 septembre.
Interrogé sur l'offre de Pékin d'accueillir les pourparlers, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a déclaré mardi que «la Chine est prête à faciliter les pourparlers intra-afghans et mettra en place les conditions nécessaires aux négociations en Chine».
Les experts estiment que la décision de la Chine vise à favoriser la « stabilité» en Afghanistan.
«La Chine, plus que tout autre pays du monde, veut la stabilité en Afghanistan pour sa sécurité et ses investissements ici. Elle a tenté de convaincre les dirigeants afghans que la paix est également vitale pour le développement de l'Afghanistan », déclare à Arab News Taj Mohammad, un analyste basé à Kaboul.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com