SAN FRANCISCO : Les décisions de Donald Trump contre TikTok sont motivées par des considérations politiques et financières, et non par des inquiétudes pour la sécurité nationale, argumente le réseau social dans une plainte qu'il a déposée lundi contre le gouvernement américain.
Le président des Etats-Unis a formulé des menaces de plus en plus radicales depuis un mois contre la très populaire application de partage de vidéos, qui appartient au groupe chinois ByteDance, et qu'il accuse, sans preuves, de siphonner les données des utilisateurs américains au profit de Pékin.
« Nous sommes totalement en désaccord avec la position de l'administration selon laquelle TikTok est une menace pour la sécurité nationale », justifie la société dans un post de blog en assurant ne pas engager ces poursuites « à la légère ».
Le 6 août, Donald Trump a interdit à l'application toute transaction avec des partenaires américains au-delà de 45 jours.
Le décret ne précise pas les conséquences pratiques, mais l'interdiction pourrait obliger Google et Apple à retirer TikTok de leurs magasins d'applis, empêchant, de fait, de l'utiliser aux Etats-Unis.
« Avec ce décret menaçant d'interdire nos opérations américaines -- éliminant au passage la création de 10.000 emplois aux Etats-Unis et nuisant irrémédiablement aux millions d'Américains qui se tournent vers cette application pour se divertir et tirer un moyen de subsistance particulièrement vital pendant la pandémie -- nous n'avons tout simplement pas le choix », ajoute la société.
Manoeuvres « politisées »...
L'application a été téléchargée 175 millions de fois aux Etats-Unis et plus d'un milliard dans le monde. Les données du réseau sont stockées sur des serveurs aux Etats-Unis et à Singapour. En Chine, ByteDance opère une plateforme sur le même principe, mais totalement séparée.
TikTok argue dans sa plainte ne pas avoir bénéficié d'une « procédure équitable », comme garanti par le cinquième amendement de la Constitution américaine, dans la mesure où la société n'a pas eu l'occasion de présenter ses arguments avant la signature du décret.
Le réseau social énumère ses nombreux efforts en termes de transparence et de communication pour fournir les informations demandées et prouver aux autorités compétentes qu'il ne représente en rien « une menace inhabituelle et extraordinaire », selon la formulation de la loi invoquée par Donald Trump.
Des efforts qui ont été totalement « ignorés » par le gouvernement, selon TikTok, pour qui les décisions de l'administration américaine sont « fortement politisées ».
Elles interviennent de fait sur fond de tensions diplomatiques et commerciales croissantes entre Washington et Pékin.
A un peu plus de deux mois de la présidentielle américaine, Donald Trump, en difficulté dans les sondages face à Joe Biden, fait notamment campagne sur un message anti-Chine, des références au « virus chinois » aux sanctions contre Hong Kong après la répression de manifestations pro-démocratie.
« ... et intéressées »
Arguant toujours de menaces pour la sécurité nationale, le locataire de la Maison Blanche a aussi donné jusqu'à environ mi-novembre à ByteDance pour vendre les opérations américaines du réseau, sous peine de le bloquer aux Etats-Unis.
Dans sa plainte, TikTok revient sur une exigence de Donald Trump qui a abasourdi nombre d'experts et suscité un certain embarras même chez ses conseillers : le président a demandé à plusieurs reprises qu'une proportion conséquente du prix de la vente éventuelle de TikTok par ByteDance à une entreprise américaine revienne aux caisses de l'Etat.
Le milliardaire républicain fait valoir que son intervention « rend possible » une telle transaction, alors que ses décisions la rendent en réalité obligatoire pour la survie de la plateforme.
« Les demandes du président pour des paiements n'ont aucun rapport avec de soi-disant inquiétudes pour la sécurité nationale », assène TikTok. « Des experts de la sécurité nationale et de la sécurité des données ont critiqué la nature politique de ce décret et mis en doute la sincérité (du motif) ».
Plusieurs acquéreurs potentiels sont sur les rangs, dont les groupes informatiques Microsoft et Oracle.
Donald Trump a récemment exprimé son soutien à une éventuelle offre d'achat par Oracle, une société co-fondée par Larry Ellis ;on, qui a levé des millions de dollars de fonds pour la campagne du candidat républicain.
TikTok a pour sa part récemment renforcé une campagne de communication aux Etats-Unis avec un site web destiné à « rétablir la vérité ».