PARIS: Moins de sucre, plus d'audace et des produits des terroirs conjugués aux techniques françaises : à Paris, des pâtissiers d'origines syrienne, marocaine ou algérienne combattent avec leur créativité « le sacré sac à dos de stéréotypes » autour des desserts orientaux.
Le ramadan fait grimper leur chiffre d'affaires, mais ne représente pas le seul pic d'activité. Les Parisiens, gâtés par l'abondance de l'offre des gâteaux parmi les meilleurs au monde, viennent y chercher des saveurs et des textures qui les font voyager.
Dans sa boutique Maison Aleph, Myriam Sabet, native de la ville syrienne d'Alep veut faire découvrir à ses clients les goûts qu'elle a connus dans son enfance et le « croustillant » qu'on retrouve peu dans les pâtisseries françaises.
Elle y fait des créations « intimes » comme le cake aux sept épices que faisait sa grand-mère.
Le sien est réalisé avec du beurre de Normandie clarifié et la texture n'a rien à voir avec le gâteau sec de son enfance. « J'ai dû réunir au même endroit ma mère, ma tante et la cousine de sa mère pour essayer de reconstituer les dosages qui n'étaient écrits nulle part ».
Rose de Damas, citron-cardamome
Citée parmi les meilleures de la capitale - tout comme ses bûches et ses galettes des rois - sa tarte aux fraises sur une pâte filo croustillante avec de la fleur d'oranger et de la pistache est la quintessence de sa démarche : « la surprise et la qualité de l'exécution ».
Les parfums levantins de rose de Damas ou fleur d'oranger embaument les « nids » en cheveux d'ange. D'autres mélanges surprennent comme le caramel au beurre salé ou le mélange citron-cardamome.
Venant de la finance, Myriam Sabet s'est reconvertie en pâtissière parce qu'elle jugeait qu'elle ne trouvait pas de pâtisseries orientales de bonne qualité pour offrir à ses amis.
Depuis l'ouverture de sa boutique en 2017, elle cherche à faire redécouvrir des goûts qui ont été selon elle « galvaudés » par le sucre, « la moins chère des matières premières ».
« On a un sacré sac à dos de stéréotypes sur la pâtisserie orientale : trop sucré, trop gras, trop sec. Parfois cela prive même des gens de déguster », soutient Sara Boukhaled, fondatrice de Maison Gazelle, pâtisserie franco-marocaine spécialisée dans la corne de gazelle.
« On a divisé le sucre par deux, on n'utilise aucun arôme, ni colorants. L'amande est l'ingrédient qui constitue 80% des cornes de gazelles, on presse le jus de citron, on essaie d'être sincères dans notre démarche », explique la pâtissière qui veut promouvoir « le terroir marocain, qui n'a rien à envier aux terroirs français ou italiens ».
Contrairement à la pâtisserie Maison Aleph, « le ramadan est clairement une période importante pour nous, on double, on triple notre chiffre d'affaires », souligne Sara Boukhaled.
Soupe-pâtisserie pour rompre le jeûne
C'est la chebakia, pâtisserie d'origine marocaine phare du ramadan, qui se vend le mieux. « On la fait en forme de corne de gazelle, avec du safran infusé dans du beurre, de l'anis, de la cannelle et de la pâte de sésame ».
A la rupture du jeûne le soir, on déguste cette pâtisserie avec de la soupe - chorba ou harira faites à base d'agneau, légumes et légumineuses. « L'accord est dingue », assure-t-elle.
Fayçal Boucherit, gérant de la pâtisserie algérienne Diamande mise surtout sur les « valeurs sûres » comme le kalb el louz, gâteau de semoule lui aussi très prisé du ramadan.
Ce qui ne l'empêche pas de travailler le pavot, les noix de Pécan, citron vert ou framboise, des ingrédients « qui n'existent pas dans la pâtisserie traditionnelle », voire faire des mariages encore plus audacieux comme amande-noisette-piment ou mûre-gruau de cacao.
Pendant le ramadan, il a connu une affluence qui « permet de rattraper le chiffre d'affaires qu'on a perdu sur l'année catastrophique » mais son objectif est de « dépoussiérer » et apporter plus de « fraîcheur » pour attirer de nouveaux clients.
« J'adore les pâtisseries orientales, c'est la première fois que je trouve des gâteaux originaux et très peu de sucre, on ressent vraiment les ingrédients. Maintenant je ne reviens plus en arrière », témoigne un client, Jean-Marc Gaudet, retraité de 69 ans.