Tentative d'assassinat d'un journaliste irakien 24 heures après la mort d'un militant

Des personnes en deuil réagissent en défilant lors d'une procession funéraire pour le célèbre militant anti-gouvernemental irakien Ehab al-Ouazni dans la ville centrale du sanctuaire sacré de Karbala le 9 mai 2021 après son assassinat. (Photo, AFP)
Des personnes en deuil réagissent en défilant lors d'une procession funéraire pour le célèbre militant anti-gouvernemental irakien Ehab al-Ouazni dans la ville centrale du sanctuaire sacré de Karbala le 9 mai 2021 après son assassinat. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 10 mai 2021

Tentative d'assassinat d'un journaliste irakien 24 heures après la mort d'un militant

  • Tôt dimanche, des hommes armés de pistolets munis de silencieux ont tiré plusieurs balles sur Ehab al-Ouazni qui depuis de longues années dénonçait les groupes armés ou la mainmise de l'Iran dans son pays
  • Vers une heure du matin, «alors qu'il sortait de sa voiture pour rentrer chez lui» près de Diwaniya, le journaliste Ahmed Hassan de la chaîne irakienne al-Fourat, était victime de tirs

DIWANIYAH: Un journaliste irakien était tôt lundi en soins intensifs après une tentative d'assassinat dans le sud de l'Irak, 24 heures après qu'Ehab al-Ouazni, l'une des voix antipouvoir en Irak, a été abattu.

Tôt dimanche, des hommes armés de pistolets munis de silencieux ont tiré plusieurs balles sur Ehab al-Ouazni qui depuis de longues années dénonçait les groupes armés ou la mainmise de l'Iran dans son pays depuis sa ville sainte chiite de Kerbala. 

Depuis la situation n'a cessé de dégénérer. Des manifestations ont éclaté à Kerbala, mais aussi à Diwaniyah et Nassiriya, deux autres villes du Sud.

Alors que dans la soirée, des manifestants ont brûlé des pneus et des préfabriqués devant le consulat d'Iran à Kerbala après avoir scandé au cours du cortège funéraire de M. Ouazni «Iran dégage!» ou «Le peuple veut la chute du régime!», une nouvelle attaque a eu lieu.

Vers une heure du matin, «alors qu'il sortait de sa voiture pour rentrer chez lui» près de Diwaniya, le journaliste Ahmed Hassan de la chaîne irakienne al-Fourat, était victime de tirs, rapporte un témoin présent au moment des faits.

Il est depuis en soins intensifs après avoir reçu «deux balles dans la tête et une à l'épaule», a expliqué un médecin.

Série d'assassinats politiques

L'assassinat de M. Ouazni et la tentative d'assassinat contre M. Hassan ont aussitôt fait ressurgir le spectre des éliminations politiques, dans un pays qui en était coutumier durant la guerre civile (2006-2009) mais où ils avaient depuis cessé.

Ces violences interviennent alors que le pays est censé organiser des législatives en octobre --un scrutin anticipé promis dans la foulée d'une révolte inédite en octobre 2019.

Ce mouvement, la «révolution d'octobre» conclue par près de 600 morts, ne s'est arrêté que sous les coups d'une campagne d'intimidations, d'enlèvements et d'assassinats.

Au moment où la colère gagne les rangs des anti-pouvoir à travers le sud chiite, rural et tribal de l'Irak, cinq partis, dont Al-Beit al-Watani («le bloc national», en arabe), l'un des rares partis nés de la «révolution d'octobre» qui tenait encore à participer aux élections législatives prévues en octobre, ont annoncé jeté l'éponge.

«Comment un gouvernement qui laisse passer sous ses yeux des pistolets avec silencieux et des bombes peut-il garantir un climat électoral sûr?», interroge al-Beit al-Watani dans un communiqué, appelant à «boycotter l'ensemble du système politique». Le parti communiste a également annoncé envisager de boycotter les élections.

Si les militants sont aussi exaspérés, c'est parce qu'ils espéraient une protection du gouvernement actuel, nommé parce que le précédent avait dû partir face à la «révolution d'octobre».

La police de Kerbala a eu beau dire qu'elle ne «ménagerait pas ses efforts» pour retrouver «les terroristes» derrière cet «assassinat» et le Premier ministre Moustafa al-Kazimi promettre de «rattraper tous les tueurs», ils n'ont pas convaincu.

La famille Ouazni a ainsi affirmé qu'elle ne recevrait aucune condoléance tant que les auteurs ne seraient pas démasqués.

«Tu es au courant qu'on tue?»

Car les militants considèrent que M. Kazimi, également patron du renseignement, n'a toujours pas fait, un an après sa prise de fonction, justice aux critiques assassinés.

«Quelles vraies mesures ont été prises par le gouvernement Kazimi pour que les auteurs répondent de leurs crimes?», interroge Ali Bayati, de la Commission gouvernementale des droits humains.

M. Ouazni lui-même s'en était pris au chef de gouvernement en février sur Facebook: «Tu es au courant de ce qu'il se passe? Tu sais qu'ils enlèvent et tuent ou bien tu vis dans un autre pays que nous?».

Depuis octobre 2019, au moins 70 militants ont été victimes d'assassinats ou de tentatives d'assassinat et des dizaines enlevés plus ou moins brièvement. Hicham al-Hachémi, un spécialiste du jihadisme, a été assassiné en juillet 2020 sous les yeux de ses enfants devant sa maison à Bagdad.

Personne n'a revendiqué leur mort mais pour les militants, comme pour l'ONU, ce sont des «milices».

«Les milices de l'Iran ont assassiné Ehab et vont tous nous tuer, elles nous menacent et le gouvernement reste silencieux», a dénoncé l'un de ses amis dans une vidéo tournée à la morgue.

Et surtout, martèlent les militants, vidéo à l'appui, M. Ouazni avait récemment affirmé aux forces de l'ordre se sentir menacé. Aucune protection ne lui a été accordée, assurent-ils.

Et tôt dimanche, pendant l'une des «Nuits du destin» du ramadan --sacrées dans l'islam--, alors qu'il rentrait chez lui dans les ruelles de Kerbala, où les factions armées pro-Iran sont légion, des tireurs à moto ont surgi, pour l'abattre.

Ce coordinateur des manifestations à Kerbala, qui avait été de toutes les luttes sociales depuis des années dans cette ville, avait réchappé de justesse au même scénario en décembre 2019. Des tireurs à moto, pistolets équipés de silencieux en main avaient tué sous ses yeux un camarade de lutte, Fahem al-Taï, père de famille de 53 ans.


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
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  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
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  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
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  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.