En France, le démantèlement d'une incroyable officine criminelle

Vue d'ensemble du siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), l'agence française de renseignement extérieur, à Paris. (Martin Bureau/AFP)
Vue d'ensemble du siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), l'agence française de renseignement extérieur, à Paris. (Martin Bureau/AFP)
Short Url
Publié le Samedi 08 mai 2021

En France, le démantèlement d'une incroyable officine criminelle

  • Au petit matin, un riverain s'étonne de voir deux hommes simulant un somme à l'avant d'une Clio trafiquée; il appelle la police
  • Ces deux hommes, Pierre B. et Carl E. auraient eu pour mission d'arrêter ses "activités anti-étatiques" liées au Mossad, les renseignements israéliens

PARIS : L'arrestation fortuite de deux hommes de la DGSE (renseignement extérieur) fin juillet 2020 près de Paris, soupçonnés d'être venus assassiner une coach en entreprise, a révélé une série de crimes, perpétrés ou en projet, attribués à une officine, selon des éléments obtenus par l'AFP.

Un opposant congolais au président Denis Sassou Nguesso, le général Ferdinand Mbaou, et un opposant kazakh, réfugié politique en France, Moukhtar Abliazov auraient été surveillés par cette officine, dans laquelle seraient intervenus des militaires de la DGSE, des membres actuels ou passés des forces de l'ordre, des francs-maçons et des acteurs de la sécurité privée.

L'histoire, racontée par plusieurs médias, commence dans une rue de Créteil, dans la banlieue de Paris. Au petit matin, un riverain s'étonne de voir deux hommes simulant un somme à l'avant d'une Clio trafiquée. Il appelle la police.

Interpellés, Pierre B. et Carl E. se révèlent être des militaires affectés au Centre parachutiste d'entraînement spécialisé, situé à Saran (centre), un site qui dépend de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE).

Ils assurent effectuer une mission "clandestine" de renseignement pour la Direction des opérations de la DGSE, ciblant Marie-Hélène Dini, figure du milieu du coaching en entreprise. Mais ils nient qu'il s'agissait de la tuer.

"Coaching" et "Mossad"

Pierre B. et Carl E. auraient pour mission d'arrêter ses "activités anti-étatiques" liées au Mossad, les renseignements israéliens. Dans leur voiture, pistolet 9 mm chargé, munitions, gants, bouchons d'oreilles anti-bruit...

Leurs téléphones mettent les enquêteurs sur la piste de Sébastien L., agent de protection rapprochée dans le privé depuis 2011, rapidement interpellé.

Devant la Brigade criminelle, lui aussi nie que le projet visait à assassiner Marie-Hélène Dini. Mais présenté à un juge et mis en examen, Sébastien L. reconnaît avoir mandaté l'un des deux militaires pour tuer la "coach".

L'homme met les enquêteurs sur deux nouvelles pistes: d'abord un membre de la DGSI (renseignement intérieur) qui l'accuse d'avoir "actionné" les deux interpellés à Créteil. Surtout, Sébastien L. évoque un commanditaire surnommé "le vieux".

De qui s'agit-il? Marie-Hélène Dini évoque quelques rivaux - dont un certain Jean-Luc B. - échaudés par sa volonté de développer une certification pour le coaching.

Tout bascule mi-janvier, lors d'une audition de la compagne de Sébastien L.: "Les policiers fouinassent dans son téléphone, et tombent sur un nom déjà apparu dans la procédure, Daniel B.", un ancien de la DCRI (ex-DGSI) à la retraite, raconte une source proche du dossier.

La jeune femme l'identifie comme le donneur d'ordres de son compagnon.

Devant les enquêteurs, Daniel B. reconnaît avoir remis à Sébastien L. les contrats ciblant Marie-Hélène Dini, et explique qu'il l'a fait sur demande d'un nouveau suspect, Frédéric V.

Daniel B. renforce la piste de la rivalité en affaires en citant celui que Marie-Hélène Dini a mentionné comme rival, Jean-Luc B., comme possible commanditaire.

L'histoire prend alors un tournant exceptionnel: Daniel B. "leur raconte tout, ce qu'ils veulent savoir et bien plus encore", selon cette source.

Il évoque le projet d'assassinat d'un "syndicaliste gênant" de la CGT à Bourg-en-Bresse (sud-est), mais surtout l'assassinat en 2019, confié à Sébastien L. et abouti cette fois, de Laurent Pasquali.

Les juges d'instruction parisiens récupèrent début février le dossier de ce pilote de rallye, dont le corps enterré avait été découvert par un promeneur dans une forêt en septembre 2019, neuf mois après sa disparition.

Un couple d'amateurs de voiture, créanciers de Pasquali, est mis en cause pour avoir mandaté l'officine.

Frédéric V., ancien journaliste reconverti dans la sécurité privée qui a rencontré Daniel B. au sein d'une loge maçonnique de la région parisienne, est interpellé.

Celui que tous désignent comme central dans la cellule criminelle confirme que la mission sur Marie-Hélène Dini lui vient de Jean-Luc B., également franc-maçon. Et Frédéric V. accrédite aussi l'existence de projets visant le syndicaliste de l'Ain et le pilote de rallye.

Interpellé, Jean-Luc B. reconnaît avoir demandé d'assassiner Marie-Hélène Dini.

Pistes à explorer

Les principaux intervenants dans cette série de projets, Frédéric V., Daniel B. et Sébastien L., semblent désormais avoir été identifiés.

A ce jour, au moins douze personnes sont mises en examen.

Mais alors que le dossier "Dini" semble désormais bien éclairci, les différentes séries d'aveux ont mis les enquêteurs sur bien d'autres pistes, parmi lesquelles un éventuel autre assassinat, un projet criminel visant un maire de la région parisienne.

Sébastien L. a reconnu avoir été missionné pour surveiller un opposant congolais au président Denis Sassou Nguesso, le général Ferdinand Mbaou, mission qui selon lui a débouché sur une "tentative d'assassinat".

Ce projet pourrait avoir un lien avec les deux tentatives d'assassinat dont M. Mbaou a été la cible. Il a été grièvement blessé dans celle de 2015.

Un projet de surveillance aurait porté sur le Kazakh Moukhtar Abliazov. Cet opposant, réfugié politique en France, a été mis en examen en octobre à Paris pour "abus de confiance aggravé et blanchiment aggravé", accusé par le Kazakhstan d'avoir détourné 7,5 milliards de dollars au préjudice de la banque kazakhe BTA.

Contactés par l'AFP, les avocats de Sébastien L., Daniel B., Frédéric V. et Jean-Luc B., n'ont pas souhaité réagir.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
Short Url
  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Short Url
  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau. 


Algérie: la relance de la relation décriée par la droite

Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle  afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Short Url
  • La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF).
  • Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

PARIS : La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF), Laurent Wauquiez déplorant « une riposte très provisoire » et Éric Ciotti, allié du RN, dénonçant une relation « insupportable » entre les deux pays.

« La riposte était très graduée et en plus très provisoire », a réagi Laurent Wauquiez sur X au lendemain de la conversation entre les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune, qui ont acté une relance de la relation bilatérale, après des mois de crise.

Lors de la réunion du groupe des députés LR, l'élu de Haute-Loire, qui brigue la présidence du parti face au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, s'est dit convaincu que les autorités algériennes n'accepteront pas les OQTF.

« On va se retrouver dans 90 jours avec les OQTF dangereux qui seront dans la nature. Nous ne pouvons pas l'accepter », a déploré le député de Haute-Loire.

De son côté, Éric Ciotti, l'ancien président des LR alliés avec le RN, a directement ciblé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur CNews, lui reprochant de n'avoir montré que « des petits muscles face à Alger ».

Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

« La relation privilégiée Macron-Algérie depuis 2016 perdure. Et cette relation est insupportable, parce qu'elle traduit un recul de notre pays. »

Les deux présidents, qui se sont entretenus le jour de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, ont marqué « leur volonté de renouer le dialogue fructueux », selon un communiqué commun.

La reprise des relations reste toutefois subordonnée à la libération de l'écrivain Boualem Sansal et à des enjeux de politique intérieure dans les deux pays.