PARIS: Les Français sont insuffisamment préparés en cas d'accident nucléaire, selon des acteurs locaux qui veulent associer plus largement le public aux exercices de crise ou encore favoriser la distribution des cachets d'iode.
«Dans le pays le plus nucléarisé au monde par nombre d'habitants, les moyens mis en oeuvre pour protéger les Français sont inadaptés et insuffisants», s'alarme mardi l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI) dans un rapport.
«C'est un cri de révolte», a lancé lors d'une conférence de presse Jean-Claude Delalonde, président de l'ANCCLI.
Celle-ci regroupe la trentaine de Commissions locales d'information (CLI) rattachées à chaque site nucléaire français.
La France compte de nombreuses implantations nucléaires: outre les 19 centrales d'EDF, il existe des sites de retraitement comme celui d'Orano à La Hague (Manche) ou encore des sites consacrés à la recherche.
Chaque implantation compte une CLI regroupant élus, associations, syndicats, etc, aux côtés des représentants de l'Etat et des opérateurs comme EDF, Orano ou le CEA.
«Déficit de précaution»
Première cible de ces instances: «les ratés de la dernière campagne de distribution d'iode».
Cette campagne lancée en 2019 concernait 2,2 millions de riverains de centrales nucléaires et des établissements recevant du public, comme les écoles ou les entreprises.
Ils se trouvent dans un rayon de 10 à 20 km autour des centrales d'EDF, les publics plus proches ayant déjà été servis lors de campagnes précédentes.
«Avec un taux d'échec de 75%, le bilan est rude. Sur les 2,2 millions de riverains ciblés, seuls 550 000 sont allés chercher leurs comprimés en pharmacie», regrette l'ANCCLI.
Ces cachets sont pourtant utiles en cas d'accident nucléaire: l'iode radioactif rejeté se fixe sur la glande thyroïde, organe essentiel à la régulation hormonale.
La prise de comprimés d'iode stable permet de saturer la glande thyroïde, qui ainsi ne peut plus capter ou fixer l'iode radioactif.
Le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Bernard Doroszczuk, avait déjà regretté le faible taux de retrait des comprimés.
«C'était gratuit et il suffisait de se déplacer. On ne prend pas les précautions pour se protéger soi-même!», avait-t-il constaté le mois dernier lors d'une audition au Sénat.
«Il existe un déficit de précaution chez la population», avait-il jugé.
Pour l'ANCCLI, il «faut sortir de l'emprise du lobbying pharmaceutique» et confier la distribution d'iode aux 1 600 maires des communes concernées.
Dans l'entourage de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, on dit avoir «conscience» du problème.
«L'administration travaille sur le statut de ces pastilles d'iode, qui sont considérées comme des médicaments, pour voir si on pourrait les distribuer plus facilement et plus largement», indique cette source.
Impliquer les riverains
Autre sujet d'inquiétude: les exercices de simulation de crise, dont la population est dans les faits «exclue».
«En pratique, ces exercices sont réservés aux autorités et aux services de secours», regrette l'ANCCLI.
Un constat toutefois «exagéré», selon un industriel du nucléaire interrogé par l'AFP. «Il y a des exercices de confinement locaux et d'évacuation de populations ciblées, comme les écoles», selon cette source.
«Il est temps de développer une conscience du risque nucléaire à la hauteur du danger encouru», estime de son côté l'association, disant vouloir tirer les enseignements de la pandémie de Covid-19 sur la gestion des risques.
«Une implication totale des riverains dans les exercices permettrait d'éviter tout mouvement de panique et limiterait considérablement les conséquences d'un accident majeur», selon l'ANCCLI.
Concrètement, elle prône une multiplication des exercices réalistes avec mise à l'abri et évacuation pour sensibiliser le public.
Avec, comme pour la distribution des cachets d'iode, la nécessité de s'appuyer sur les maires et les Commissions locales d'information.
La culture de la prévention des risques «tient à coeur» à Barbara Pompili, indique son entourage.
Une mission sur la sensibilisation du public aux risques industriels a ainsi été confiée en décembre à Fred Courant, ancien animateur de l'émission de vulgarisation «C'est pas sorcier». Le rapport doit encore être remis au gouvernement.