RENNES: « On passe le ramadan dans la peur ». Pour la seconde fois en moins de trois semaines, des tags racistes ont recouvert un mur du centre culturel musulman Avicenne à Rennes, suscitant l'inquiétude des fidèles réunis pour la prière du vendredi.
« On vous avait prévenu, l'immigration tue... #Rambouillet », « Français, réagissez!!! Mélanchon (sic) collabo », pouvait-on lire vendredi matin sur le mur arrière du centre culturel Avicenne, dans le quartier populaire de Villejean.
Les services techniques de la ville ont rapidement effacé les tags, avant l'arrivée des fidèles pour la prière du vendredi. Des tags similaires avaient déjà été peints, dans la nuit du 10 au 11 avril, sur la plupart des murs du centre Avicenne: « Non à l'islamisation », « Vive le Roy », « Charles Martel sauve nous » ou « les croisades reprendront ».
Vendredi matin, les références étaient les mêmes, le ou les auteurs des tags ayant pris soin de dessiner une croix chrétienne accompagnée de l'inscription « deus vult », le cri de ralliement des croisés.
« Espérons qu'ils vont être interpellés. Trop, c'est trop, ça commence à bien faire », espérait Yacir, 62 ans, barbe grise et tapis de prière sous le bras. « On passe le ramadan dans la peur ».
Comme lui, la plupart des fidèles étaient partagés entre l'inquiétude et l'incompréhension. « Je sais pas ce qu'ils cherchent. Rennes est une ville calme. S'ils reprochent quelque chose, mieux vaut avoir une discussion », expliquait Hamza, 35 ans, cheveux bruns coiffés en arrière.
« La première fois, on se dit c'est pas grave », ajoutait Adam Youssouf, 24 ans, en distribuant du gel hydroalcoolique aux fidèles. « Mais là, ça fait vraiment peur, c'est une menace. »
« Il y a toujours des idiots qui font n'importe quoi sur les religions », estimait Mourad, 34 ans, sweat à capuche et masque noir. « On demande juste que la justice fasse son travail ».
Interrogé, le procureur Philippe Astruc a indiqué à l'AFP qu'une nouvelle enquête pour « dégradations en raison de l’appartenance à une religion » avait été confiée à la sureté départementale de la police rennaise.
« Pour l’heure, le ou les auteurs des premiers faits n’ont pu être identifiés malgré les recherches entreprises », a précisé le magistrat.
«Lâche provocation»
« Les fidèles, comme les Rennais, sont choqués par ces actes. Je condamne fermement ces messages odieux », a réagi sur Twitter la maire PS de Rennes Nathalie Appéré.
Également sur Twitter, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a condamné « fermement » ces « inscriptions racistes et islamophobes » et exprimé sa « solidarité avec les fidèles et responsables du centre face à cette nouvelle et lâche provocation ».
Ces dégradations à répétition surprennent d'autant plus qu'il y a peu de tensions communautaires en Bretagne et que le centre Avicenne (du nom d'un philosophe persan) « est un centre un peu particulier qui associe musulmans et non musulmans pour mieux vivre ensemble », explique Marie-Françoise Bourblanc, membre du conseil d'administration. Pour elle, ces actes relèvent « d'une volonté de déstabiliser la communauté musulmane ».
Après les premiers tags, plusieurs Rennais avaient apporté des messages de soutien, dont l'un est toujours accroché à une porte du centre. « On est dans une ville où le vivre ensemble avec les différentes communautés aujourd'hui est acquis », a souligné Ahmed Ait Chikh, président du centre culturel. « On essaie de monter les communautés entre elles alors que dans la réalité on travaille ensemble, on vit ensemble et il n'y a vraiment aucun problème ».
« Est-ce qu'il va y avoir plus de violence? Est-ce qu'on va arriver à une violence physique? A des décès, à des morts? », s'interrogeait-il.
Le 11 avril, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait promis « la protection à nos concitoyens musulmans » lors d'une visite au centre Avicenne.
Mais pour Abdallah Zekri, président de l’Observatoire contre l’islamophobie, ces tags ne sont pas une surprise. « Nous sommes en pleine période électorale et nous constatons que, sur les chaînes en continu, on fait l’amalgame à longueur de temps entre immigration et terrorisme. Des personnalités politiques alimentent ce discours », a-t-il déploré.