NEW YORK: La représentante permanente des États-Unis auprès de l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, a accusé mercredi le régime d'Assad d’entraver la rédaction d'une nouvelle constitution. Elle a également averti que «la soi-disant élection du 26 mai ne sera ni libre ni équitable, et ne va certainement pas être représentatives du peuple syrien».
«Pendant que le régime d’Assad se livre à cette mascarade électorale, le peuple syrien continue de souffrir», affirme-t-elle.
Le scrutin en Syrie doit se tenir conformément à une nouvelle constitution et être supervisé par l'ONU, tel que mandaté à l'unanimité par le Conseil de sécurité, déclare Thomas-Greenfield.
«Le régime d'Assad doit prendre des mesures afin de permettre la participation des réfugiés, des personnes déplacées à l'intérieur du pays et de la diaspora à toute élection syrienne», a-t-elle ajouté. «Jusque-là, nous ne serons décidément pas dupés».
Thomas-Greenfield rappelle par ailleurs que Washington «ne va pas soutenir pas l'aide à la reconstruction qui profite au régime, en l'absence de progrès dans la réalisation des réformes politiques demandées dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité».
Elle a également condamné Assad pour «entrave et militarisation» de l'acheminement des aides. Alors que la situation humanitaire continue de se détériorer, l'envoyée a exhorté les membres du Conseil à autoriser à nouveau l’ouverture du passage de Bab Al-Hawa, ainsi qu’à rétablir les points de passage de Bab Al-Salam et de Yaroubiyah, une décision qui fait l'objet d'un veto de la Russie et de la Chine.
«Si l'ONU perd l'accès aux mécanismes transfrontaliers, la crise de la Covid-19 en Syrie va passer de désastreuse à désespérée», déclare-t-elle.
«Quatre millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie dépendent des mille camions de l'ONU qui empruntent le passage chaque mois. Il n'y a pas d'alternative. Rien ne peut égaler la portée et l’ampleur du mécanisme humanitaire transfrontalier des Nations Unies. D’ailleurs, il est évident qu’un seul point de passage est insuffisant pour ces besoins immenses».
Elle a aussi souligné cette «injustice morale profonde» qui se déroule dans le camp de réfugiés de Rukban.
«Depuis 16 mois, les habitants du camp sont privés d’aide médicale, parce que le régime d’Assad et la Russie ne permettent pas à l’ONU de faire des livraisons à ces individus dans le besoin», a-t-elle souligné.
«Nous exhortons le régime d'Assad et la Russie à autoriser un accès humanitaire sans entrave au camp. Ces gens ne sont pas des pions. L'aide ne devrait jamais être politisée», tonne l’envoyée.
Son homologue russe au Conseil de sécurité, Vassily Nebenzya, s’est porté à la défense du régime syrien et a répété son discours habituel. Il a imputé la détérioration de la situation humanitaire à «la pression incessante des sanctions exercée par l'Occident dans son ensemble», ainsi qu’à la détérioration de la situation sécuritaire en raison de «l’utilisation des civils comme boucliers humains par les terroristes».
Nebenzya s'est de plus réjoui de la perspective du scrutin le mois prochain, qui se vont se dérouler selon lui dans le cadre des efforts du gouvernement syrien de «garantir le bon fonctionnement de l'État».
«Nous déplorons le fait que certains pays se dressent contre l'idée même de la prochaine élection, et soient prêts à la déclarer illégitime», dit Nebenzya qui insiste que «l’ingérence dans les affaires intérieures des Syriens est inacceptable, et contrevient aux normes du droit international en vigueur».
Il a ajouté que «le contexte général négatif du le prochain scrutin» n'a pas rapport avec le travail du comité constitutionnel.
L’envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a réaffirmé que l’élection prévues pour le 26 mai a été déclenchée conformément à la Constitution syrienne actuelle, et ne fait pas partie du processus politique tracé par la résolution 2254 du Conseil de sécurité.
«L'ONU n'est pas impliquée dans cette élection et n'a été chargé d’aucun mandat», a-t-il déclaré au conseil. «La résolution 2254 donne mandat à l'ONU de faciliter un processus politique qui aboutit à la tenue d’une élection libre et équitable conformément à une nouvelle constitution, administrée sous la supervision des Nations Unies selon les normes internationales les plus élevées de transparence et de responsabilité, avec tous les Syriens, les membres de la diaspora éligibles y compris».
Pedersen a exhorté les membres du conseil à donner la priorité à une «recherche proactive» d'un règlement politique du conflit. Il affirme que les événements du mois dernier ont montré à quel point la situation peut se détériorer facilement, malgré une année de calme relatif «selon les normes syriennes».
Une escalade grave des combats a repris dans le nord-ouest de la Syrie, notamment des frappes aériennes contre un hôpital soutenu par l'ONU dans l'ouest d'Alep, à proximité de camps de déplacés densément peuplés, où l'aide humanitaire de l'ONU est acheminée. Des quartiers résidentiels de la ville ont également été bombardés.
Pendant ce temps-là, Daech a poursuivi ses attaques dans le centre et le nord-est de la Syrie. Des dizaines de civils ont été enlevés dans la campagne de Hama lors d’une attaque.
«On ne peut devenir insensible à ce genre d’événements et faire abstraction des dangers qu'ils pourraient occasionner», indique Pedersen.
Il a d’ailleurs déclaré avoir rencontré le Conseil consultatif des femmes syriennes à Genève cette semaine, et que ses membres craignent que «les différences entre les acteurs extérieurs ne perpétuent le conflit syrien».
«N'oublions pas qu'en plus des défis auxquels sont confrontés tous les Syriens, de nombreuses femmes ont également été victimes de violences sexuelles et sexistes, de mariages précoces et forcés et de traite», ajoute-t-il. «Un grand nombre d'hommes ont été tués ou blessés, par conséquent, plus de femmes que jamais sont à la tête de ménages, dans un contexte de violence, de terrorisme, de déplacement, d'instabilité, de misère et de pandémie», poursuit-il.
Pedersen confie que les femmes qu’il a rencontrées ont souligné la nécessité de progresser sur la question des milliers de personnes qui restent emprisonnées, enlevées ou portées disparues, un progrès jusqu'à présent infime.
«Permettez-moi de souligner à nouveau l'importance de débloquer les efforts concernant les personnes détenues, enlevées et disparues», a-t-il déclaré. «Tant que ce dossier restera en grande partie gelé, de nombreux Syriens ne pourront même pas commencer à penser à passer à autre chose, et le tissu social syrien ne pourra pas débuter son rétablissement».
Pedersen a de plus exprimé sa préoccupation face à la misère économique qui guette les Syriens. Le prix des denrées alimentaires atteint des sommets historiques, sans baisse de l'inflation en vue.
«12,4 millions de personnes sont maintenant en situation d'insécurité alimentaire, soit une augmentation de 4,5 millions pour la seule année écoulée», précise-t-il. «Les pénuries de carburant restent ainsi un problème majeur».
«Une action transfrontalière à grande échelle pendant encore douze mois reste essentielle pour sauver des vies. J'appelle les membres du conseil à se concentrer sur la réalisation d'un consensus à cette fin».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com