KABOUL: Les talibans intensifient leurs attaques en Afghanistan, ce qui se traduit par une recrudescence de la violence depuis que le président américain, Joe Biden, a annoncé le retrait des troupes américaines du pays avant le 11 septembre. C’est ce qu’a indiqué mardi dernier le chef de la Direction nationale de la sécurité (service de renseignement) de l'Afghanistan.
«Les talibans ont multiplié leurs opérations de 24% depuis la conclusion de l'accord avec les États-Unis, et leurs offensives atteignent un pic depuis que M. Joe Biden a annoncé le retrait des troupes américaines», explique Ahmad Zia Saraj lors d'une conférence de presse à Kaboul.
Ce dernier accuse par ailleurs les talibans de conserver des relations étroites avec Al-Qaïda en Afghanistan, ce qui constitue une violation d'une des principales conditions de l'accord controversé qu'ils ont conclu avec les États-Unis à Doha il y a plus d'un an.
«En dépit de l'engagement auquel ils ont souscrit dans le cadre de l'accord […], aucun signe ne laisse supposer que les talibans se soient démarqués d'Al-Qaïda. Bien au contraire, nous disposons de preuves suffisantes qui montrent qu'ils aident les membres de cette organisation terroriste qui se cachent dans la région à se regrouper dans le pays», déclare M. Saraj.
L'accord du Qatar a ouvert la voie à un retrait intégral d'Afghanistan des troupes étrangères dirigées par les États-Unis, au terme de plusieurs mois de pourparlers intensifs entre les talibans et l'administration Trump, alors que le président Ashraf Ghani était exclu des pourparlers.
Au début de ce mois, le président Biden a annoncé que les troupes américaines, dans leur ensemble, quitteraient l'Afghanistan avant le 11 septembre, et non le 1er mai, ce qui mettra fin à la plus longue guerre menée par l'Amérique.
En effet, le retrait de près de 3 000 soldats américains coïncide avec la commémoration du 20e anniversaire des attentats terroristes du 11 septembre 2001, qui ont entraîné l'éviction des talibans lors d'une invasion menée par les États-Unis cette même année.
Le président Ghani annonce qu’il respecte la décision des États-Unis de retirer leurs forces, ajoutant que l'armée afghane est «parfaitement capable de défendre son peuple et son pays».
Selon M. Saraj, Kaboul n'envisage pas de libérer les milliers de prisonniers talibans – condition indispensable à la signature de l'accord du Qatar selon le groupe d'insurgés – dans la mesure où «un bon nombre» des 5 000 prisonniers libérés auparavant par le gouvernement afghan «ont rejoint le champ de bataille».
«De ce fait, rien ne justifie la libération de nouveaux prisonniers talibans. Après le départ des armées étrangères, le gouvernement concentrera ses efforts sur la sécurisation des autoroutes dans le cadre de sa prochaine stratégie», indique-t-il.
Selon lui, le gouvernement afghan a décimé la menace de Daech dans la région lorsque, au cours des derniers mois, il a arrêté plus de 500 affiliés à ce réseau, parmi lesquels des dizaines d'enfants et de femmes. «Ils se limitent désormais à de petits groupes installés dans les villes et tentent de ressurgir pour contrôler une zone géographique, mais nous sommes parvenus à réduire leur pouvoir de nuisance», déclare M. Saraj.
«Ils ne représentent plus la menace qui pesait autrefois sur la région [...] Si, à Dieu ne plaise, nous ne parvenons pas à les étouffer complètement et que d'autres pays ne coopèrent pas avec nous, ils risquent alors de constituer à nouveau une menace pour la région», précise-t-il, avant d'ajouter que les talibans entretiennent également des «relations opérationnelles étroites avec Daech».
Dans un entretien accordé mardi dernier à Arab News, le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, dément les allégations de Saraj. Il souligne que Kaboul ne fait que «semer l'inquiétude partout dans le monde de manière à convaincre les forces d'occupation de prolonger la présence de leurs troupes dans le pays».
Selon M. Mujahid, «les talibans n'ont pas multiplié leurs attaques. Ils ne font que riposter aux offensives» du président Ghani, qu’il accuse de chercher à «saboter les efforts internationaux en faveur de la paix en Afghanistan dans le but de rester plus longtemps au pouvoir».
Pour les experts, il est difficile de déterminer dans quelle mesure les revendications des deux parties ne constituent pas une simple «publicité de guerre».
Au sujet des allégations selon lesquelles d'anciens détenus talibans seraient retournés sur le front des combats, Said Azam, analyste afghan qui habite au Canada, explique que «le bon sens veut que les prisonniers libérés retournent normalement sur le champ de bataille, ne serait-ce que pour subvenir aux besoins de leurs familles, car le gouvernement n'a pas réussi à les réintégrer ni à les aider».
Torek Farhadi, ancien conseiller du gouvernement, a validé une partie des propos de Saraj. Il a toutefois fait observer que «le départ des troupes étrangères priverait Kaboul des ressources et des biens financiers qui se sont accumulés au fil de la longue lutte contre les talibans».
«Les statistiques sont toujours matière à interprétation, en particulier lorsqu'elles proviennent du chef de la Direction nationale de la sécurité de l’Afghanistan, avide de fonds supplémentaires», affirme M. Farhadi à Arab News.
«On sait ce que [Saraj] veut montrer: que les talibans sont violents. Malheureusement, cette réalité est bien connue des Afghans et du reste du monde depuis plus de vingt ans. La question est de savoir ce qu'il compte faire pour mieux protéger les civils afghans, avec les moyens considérables dont il dispose», fait savoir M. Farhadi.
«Cette question est essentielle dans un contexte où, en raison de la violence perpétrée par les deux camps, les Afghans fuient le pays, ce qui ne tardera pas à engendrer une crise de réfugiés dans la région», déplore-t-il.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com