PARIS: Un ressortissant tunisien de 36 ans a poignardé à mort vendredi une agente administrative au commissariat de Rambouillet avant d'être abattu par un policier.
Révélant les résultats des premières investigations, le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard a expliqué dimanche que l'assaillant présentait une radicalisation « peu contestable » depuis l'automne mais aussi « certains troubles de personnalité ».
Voici les principaux points de l'enquête qu'il a évoqués.
L'attaque
Vendredi à 14H25, Jamel Gorchene, « écouteurs sur ses oreilles », s'« est engouffré » dans le sas du commissariat derrière Stéphanie M., une agente administrative de 49 ans - sans arme ni uniforme - entrée dans la police nationale en 1993.
Il l'a poignardée à la gorge et à l'abdomen, des témoins l'ont entendu crier « Allah Akbar ».
Touché par un tir de riposte d'un brigadier, il a refusé de lâcher son couteau, doté d'une lame de 22 cm, le policier a alors effectué « un second tir », a expliqué M. Richard. Tombé au sol, l'assaillant a lancé »son couteau en direction des policiers ».
Selon des témoins, l'agresseur avait effectué peu avant de passer à l'acte des repérages devant le commissariat.
Une radicalisation « peu contestable »
L'exploitation de son téléphone portable a révélé que Jamel Gorchene avait consulté « des vidéos de chants religieux glorifiant le martyr et le jihad » avant l'assassinat, a précisé M. Ricard.
Un Coran et un « tapis de prière » ont été saisis dans son scooter et un cabas qu'il avait avec lui.
Peu avant le drame, une caméra de vidéosurveillance l'a filmé se dirigeant vers « une salle de prière provisoire », sans que les images ne permettent d'affirmer qu'il a pénétré »directement » dans ce local. Il a été vu rejoindre le centre-ville un peu plus d'une heure après.
Son père a évoqué une »pratique rigoureuse de l'islam » de son fils.
Basculement à l'automne
Le procureur a évoqué les publications sur Facebook de Jamel Gorchene qui ont révélé, à compter de l'automne dernier, « une adhésion à une idéologie légitimant la violence contre ceux ayant offensé le prophète ».
Sur sa page Facebook, jusqu'en 2020, ses posts publics étaient quasiment exclusivement consacrés à la défense de la communauté musulmane, à la lutte contre l'islamophobie ou aux propos du polémiste Eric Zemmour.
Mais « le 24 octobre 2020, quelques jours après l'assassinat de Samuel Paty (par un islamiste, ndlr), l'auteur s'associait à une campagne de soutien au prophète face aux offenses qui lui seraient faites », a confirmé le procureur.
Troubles psychologiques
Jamel Gorchene, chauffeur-livreur, avait bénéficié à sa demande de deux consultations psychiatriques au centre hospitalier de Rambouillet le 19 et le 23 février. Cependant « il semble que son état n'a nécessité ni hospitalisation ni traitement », a dit M. Ricard.
Le père avait constaté « des troubles de comportement chez son fils en début d'année », tandis que « l'homme qui lui a fourni une attestation d'hébergement » l'avait trouvé »dépressif à la même période ».
Un cousin et une cousine habitant à Msaken, en Tunisie, où l'auteur était retourné pour la première fois depuis son arrivée en France entre le 25 février et le 13 mars, ont évoqué sa « dépression ».
Les gardes à vue
Le parquet national antiterroriste a ouvert vendredi une enquête pour « assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste ».
Les investigations ont été confiées à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avec la Sous-direction antiterroriste (Sdat).
Cinq membres de l'entourage de Jamel Gorchene étaient dimanche en garde à vue: son père, qui l'hébergeait à Rambouillet, un couple du Val-de-Marne lui ayant fourni un domicile administratif ainsi que deux cousins.
Les enquêteurs exploitent les matériels et documents saisis lors des perquisitions.
Les investigations se poursuivent pour « identifier les complices, co-auteurs ou instigateurs de l'acte terroriste » en « lien étroit avec les autorités tunisiennes » à qui une demande d'entraide pénale internationale a été adressée, a précisé M. Ricard.
Comme à Joué-les-Tours
L'assassinat de Stéphanie M. est la « 17e attaque commise en France » contre les forces de l'ordre » depuis 2014, a souligné le procureur.
Cette année-là, en décembre, un assaillant avait grièvement blessé au couteau trois policiers dans le commissariat de Joué-les-Tours (Indre-et-Loire) aux cris d' « Allah Akbar ».
Depuis, les agressions « se sont multipliées » à Montrouge (Hauts-de-Seine), Magnanville (Yvelines), Paris, Trèbes (Aude) ou Nice, faisant neuf morts parmi les fonctionnaires de police ou militaires et près d'une vingtaine de blessés, « parfois très grièvement ».
Les forces de l'ordre « constituent depuis longtemps une cible privilégiée des terroristes qu'ils soient membres d'une organisation ou acteurs isolés », a souligné M. Ricard.