LONDRES: Deux hauts commandants du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) sont morts subitement à quelques jours d'intervalle, et les rapports nébuleux relayés par les médias iraniens incitent le public à soupçonner que Téhéran en sait plus sur leur mort qu’il n'est prêt à admettre.
Le général de brigade Mohammad Hosseinzadeh Hejazi, 65 ans, était le chef adjoint de la Force Al-Qods du CGRI. Les médias iraniens ont rapporté qu'il est mort subitement le week-end dernier d'une crise cardiaque.
Hejazi était connu pour son rôle dans la répression violente des manifestations anti-régime de 2009, lorsqu’il était à la tête de la force intérieure du CGRI, le Basij. Il aurait également exercé une influence importante sur le programme de missiles du groupe et entretenu des relations avec les mercenaires iraniens au Yémen et au Liban.
Il a été promu à son poste dans la Force Al-Qods l'année dernière, quand Esmail Qaani s'est vu confier la direction de l'organisation, après l’élimination du major général Qassem Soleimani.
Quelques jours à peine après la mort de Hejazi, un autre général de la Force Al-Qods, le général de brigade Mohammad Ali Haghbin, meurt à son tour.
Les médias d'État attribuent sa mort à la Covid-19, mais des images qui circulent en ligne le montrent dans un lit d'hôpital, branché à un appareil respiratoire et deux jambes entièrement pansées.
Les images ont démarré des rumeurs selon lesquelles il serait en réalité mort des suites de blessures subies lors des combats aux côtés de l’un des mercenaires de l’Iran en Syrie ou au Yémen. Les médias iraniens ont par la suite retiré l'image et l'ont remplacée par une autre qui cache ses jambes.
La mort des deux généraux a suscité des spéculations selon lesquelles les meurtres ont été commis par Israël, qui considère les relations de l’Iran avec le Hezbollah, avec lequel Hejazi a travaillé en étroite collaboration, comme une préoccupation majeure en matière de sécurité.
Eloise Scott, analyste spécialiste du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de la Turquie au cabinet de conseil en risques politiques Sibylline, affirme à Arab News que non seulement l'Iran va pâtir de la perte de deux commandants chevronnés, et que leur mort est la dernière d'une longue série de revers embarrassants pour le CGRI soucieux de son image.
Hejazi et Haghbin «avaient une expérience assez considérable à la fois en Iran, mais aussi dans des endroits comme le Liban et la Syrie», a-t-elle affirmé. «Le CGRI a déployé d'énormes efforts dans les mercenaires et les réseaux sur le front militaire, mais il est aussi extrêmement préoccupé et anxieux au sujet de son image à l’intérieur du pays, surtout au cours des deux dernières années».
Plus tôt en avril, une grande explosion a frappé l’installation nucléaire phare de l’Iran à Natanz, un acte de sabotage qui, selon les observateurs, porte l’empreinte d’Israël, l’ennemi juré régional de Téhéran.
«Le CGRI semble un peu chaotique en ce moment. À la suite de l'incident de Natanz… beaucoup de choses se préparent. L’impact sur le moral pourrait être assez important», dit Scott, évoquant d’autres incidents survenus au cours des deux dernières années qui ont aussi nui à la réputation du groupe paramilitaire.
L’attaque d'un avion ukrainien au début de 2020 et les énormes manifestations anti-régime en novembre 2019, dont la colère était en grande partie dirigée contre le CGRI selon Scott, l’ont laissé dans une «position très fragile en termes d’importance nationale, surtout à la suite du chaos dans le pays causé par la pandémie».
L'Iran connaît actuellement sa pire vague d'infections de Covid-19, et compte des centaines de décès chaque jour.
«Pour le CGRI, c’est échec après échec», estime Scott. «Ils essaient de faire avancer leurs causes dans des endroits comme le Liban, qui est à son tour très fragile, alors qu’ils donnent l’impression de ne même pas être capable de gérer leurs propre pays».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com